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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Printemps des poètes : Antoine Pol, « Les Passantes »

Printemps des poètes : Antoine Pol, « Les Passantes »

L’un des grands regrets de Georges Brassens fut de n’avoir pas pu rencontrer Antoine Pol. Brassens avait contacté le poète pour lui demander l’autorisation de mettre son poème "Les Passantes" en musique. Le poète accepta mais mourut une semaine avant la date de la rencontre ! Antoine Pol ne figure pas dans les anthologies, mais son superbe texte "Les Passantes "est devenu mondialement connu.

Antoine POL était né à Douai le 23 août 1888. Il est mort à Seine Port le 21 juin 1971. Entre ces deux dates, que dire ? Capitaine d’artillerie, il combat pendant la guerre de 14-18, il devient industriel ensuite et ce n’est qu’à sa retraite, en 1959, qu’il se consacra pleinement à la poésie.

Mais...Antoine Pol est connu pour un poème : "Les Passantes". Ce poème fit à lui seul sa notoriété à la veille de son trépas. Ce très beau poème ne nous serait peut-être jamais parvenu si Georges Brassens ne l’avait déniché un jour de 1947 au marché aux puces. Il est tiré des "Emotions poétiques", écrit par Antoine Pol en 1913.

Dès lors, Brassens aura le coup de foudre pour ce poème. Il mettra des années à peaufiner la musique la mieux adaptée au texte. Après des années de tests, il finira par trouver une musique et chantera le texte pour la première fois à Bobino en 1972. Les Passantes était la chanson "de Brassens" que préférait Lino Ventura. D’ailleurs, lors d’un Grand échiquier en 1979, l’acteur demanda à Brassens de l’interpréter bien que ce n’était pas prévu. Voir la vidéo ici.



Ce texte magnifique mis en musique qui éblouit Brassens par sa simplicité et sa force d’évocation, le voici tel qu’il fut adapté (une strophe supprimée) pour la chanson de Brassens enregistrée en octobre 1972 :

Les Passantes (version Brassens) :

"Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets,
A celles qu’on connaît à peine,
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais.

A celle qu’on voit apparaître
Une seconde, à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit,
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui.

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin ;
Qu’on est seul peut-être à comprendre,
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré la main.

A celles qui sont déjà prises
Et qui vivant des heures grises
Près d’un être trop différent,
Vous ont, inutile folie
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant.

Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain ;
Pour peu que le bonheur survienne,
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus,
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre,
Aux coeurs qui doivent vous attendre,
Aux yeux qu’on n’a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude,
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir,
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir."

La strophe supprimée
 :

C’est celle-ci :

"A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal"

On retrouve la strophe supprrimée dans la version de Maxime Leforestier (écoutez ici). Et, bien sûr, dans l’édition originale des "Emotions poétiques", recueil publié par Antoine Pol, en 1918, aux Editions du Monde Nouveau.

Cette strophe supprimée se trouvait dans le texte original après celle qui commence par "A la compagne de voyage" (*). En ôtant ce passage, Georges Brassens fait de sa chanson une évocation plus universelle que l’image d’une danseuse.

Antoine Pol, bibliographie :

Emotions poétiques (1918)
Le livre de maman (1924)
Destins (1941)
Plaisirs d’amour (1947)
Croquis (1970)
Coktails (1971).

Site de son petit-fils, Bruno Antoine Pol, auteur aussi d’une biographie d’Antoine Pol dans laquelle le petit-fils relate ces propos de son grand-père l’avant veille de sa mort  : "J’ai écrit Les Passantes, toi tu les entendras chanter pour moi..." Depuis elles ont été traduites en 18 langues.

Pour un poète inconnu, c’est pas mal non ?

Documents joints à cet article

Printemps des poètes : Antoine Pol, « Les Passantes »

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19 réactions à cet article    


  • morice morice 3 mars 2009 11:51

    excellent !


    • Sandro Ferretti SANDRO 3 mars 2009 12:08

      Bel article et bel hommage à cette superbe chanson assimilée à tort à Brassens.
      Sait-on pourquoi cette strophe a été supprimée ?


      • Lediazec Lediazec 3 mars 2009 12:12

        C’est malin, ça, de faire pleurer les copains à l’heure du déjeuner ! Il ne me reste plus qu’à me moucher. MERCI !!!


        • andré 3 mars 2009 12:44

          Merci

          cette évocation d"Antoine Pol est une main sur l’épaule de tous ceux qui écrivent par plaisir sans trouver yeux ou oreilles pour recevoir leurs mots. Un seul texte et les mots d’une vie s’éclairent. C’est beau. C’est bon. C’est humble. Ça fait du bien.


          • Guzecha Guzecha 3 mars 2009 13:08

            MERCI, Taverne


            • alberto alberto 3 mars 2009 13:47

              Oui, merci aussi pour avoir trouvé la vidéo : elle est bien émouvante !


              • enzoM enzoM 3 mars 2009 15:11

                Merci pour ce texto, et pour le lien.


                • Fergus fergus 3 mars 2009 16:11

                  Un grand merci, La Taverne, pour ce double hommage à Brassens et surtout à Antoine Pol, auteur de ce texte magnifique. Un texte qui me parle personnellement, moi qui ai vécu, à 19 ans, la 3e strophe lors d’un Paris-Clermont-Ferrand en train.

                  C’est l’une des chansons de Brassens que je préfère avec, dans mon « top ten » personnel, cet autre superbe texte emprunté à Jean Richepin : Les oiseaux de passage.


                  • Olga Olga 3 mars 2009 16:28

                    Merci Tavernier,
                    C’était juste pour dire que Les passantes passent mieux avec la voix de Maxime (désolée Georges...). smiley 


                    • Gasty Gasty 3 mars 2009 17:08

                      Merci. Je dois dire que je préfere aussi l’interprétation de Maxime.

                      C’est un magnifique texte à lire à écouter et réecouter.


                    • La Taverne des Poètes 3 mars 2009 17:44

                      Il faut dire que l’enregistrement de Brassens est de mauvaise qualité et plus ancien. Donc ce n’est donc pas la faute de Georges. La partie guitare (et là je m’y connais un peu) est nettement meilleure chez Le Forestier.


                    • Olga Olga 3 mars 2009 18:02
                      Ce n’est pas vraiment une question de qualité d’enregistrement, c’est simplement que je trouve la voix de Maxime plus agréable, plus mélodieuse, plus entraînante...
                      Pour la partie guitare (et là je n’y connais pas grand chose) je vous crois sur parole. smiley 

                    • moucateur 3 mars 2009 20:06

                      Au moins cette chanson fait l’unanimité. Il existe aussi 2 tres belles versions de Francis Cabrel, une sur l’album "ils chantent Brassens" et une version live sur l’album l’essentiel 1977 2007.


                      • del Toro del Toro 3 mars 2009 22:09

                        En effet. La reprise de Cabrel est tout simplement créatrice (comme l’indique Le Furtif).

                        La Taverne, merci infiniment pour ce petit coin de poésie. Du fond du coeur.


                      • Olga Olga 3 mars 2009 22:05

                        Quel tombeur ce Francis (avez-vous la même impression que moi ? Cabrel ne vieillit pas smiley ...) !

                        Il y a une jolie coquille-lapsus dans un commentaire sous la vidéo :
                        " Vraiment très bon ! Vive la chanson française ! Vice Brassens ".
                        Etonnant, non ? smiley 


                      • moebius 3 mars 2009 22:41

                         Merci la Caverne !


                        • souklaye 4 mars 2009 09:07

                           Bricolage et improvisation

                          Le temps de quelques pages, j’ai déposé ma mémoire au pied de l’autre, le temps d’une lecture.


                          Je fais du bricolage avec les mots de l’histoire afin d’articuler la mienne,
                          du vaste monde miniature à l’immatériel de l’infini,
                          où la zoologie de ceux qui marchent debout confond créature et créateur
                          entre être un con vaincu et un cul vacant,
                          entre qui tu es et ce que tu es,
                          où la biologie romanesque demande plus d’intelligence que d’amour,
                          alors petite musique et machinistes s’arrêtent l’espace d’un instant, définitivement.

                          La suite ici et en video : 

                          http://souklaye.wordpress.com/2009/03/03/bricolage-et-improvisation/


                          • Vieux Sachem 4 mars 2009 10:29

                            Moi aussi j’adore cette chanson et ce poëme merveilleusement écrits. Et je me disais : Si notre ami François Bayrou interprétait cette chanson (sans balbutier), peut-être ferait-il comme ici, l’unanimité et désamorcerait-il enfin les commentaires mesquins et débiles à son encontre. 


                            • Veilleur de Nuit 10 mars 2009 19:03

                               Merci pour cette belle page poétique


                              Avis aux amateurs de belles passantes qu’on ne reverra plus, ce texte tout aussi émouvant, je trouve...

                              A une passante
                               
                              La rue assourdissante autour de moi hurlait.
                              Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
                              Une femme passa, d’une main fastueuse
                              Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
                               
                              Agile et noble, avec sa jambe de statue.
                              Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
                              Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
                              La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
                               
                              Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
                              Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
                              Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
                               
                              Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
                              Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
                              Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

                              Charles Baudelaire

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