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Quand la science-fiction descend dans la mine (Bellaing 2006)

La science-fiction en tant que genre littéraire en France connaît à l’heure actuelle de grandes difficultés. N’y a-t-il pas un paradoxe à ce que le contenu SF se trouve à ce point vampirisé par le cinéma et les jeux vidéo ? Ne dit-on pas qu’un média ne remplace pas l’autre ? C’est peut-être pourquoi de courageux individus se réunissent chaque année en des lieux divers de la francophonie pour résister encore et toujours à l’oubli... Cette année, c’était au tour de Bellaing, qui accueillait la 33e Convention nationale de science-fiction.

Quand il y a environ un an, j’ai appris qu’il existait en France une Convention nationale de science-fiction (du 24 au 27 août 2006), j’en ai été heureusement surpris : le genre littéraire qui me passionne me semblait si moribond que je ne croyais pas qu’une telle manifestation fût possible. L’occasion était trop belle pour ne pas aller y présenter mon propre recueil de science-fiction, tout en me livrant à un reportage de circonstance. En route donc pour le petit village de Bellaing, juste à côté de Valenciennes.

La salle abritant la Convention 2006, Le Labyrinthe, s’avère idéale pour une foire au livre. A vrai dire, c’est la première impression que l’on ressent en pénétrant dans les lieux : ce sont les livres, aussi bien de fantasy (Irène Delse et L’Héritier du tigre étaient bien présents) que de science-fiction, qui sont mis en évidence sur les stands, et rien ne semble indiquer que les personnes présentes soient tous des professionnels : auteurs, éditeurs, libraires ou imprimeurs. C’est pourtant le cas.

L’annexe où se déroulent les conférences qui font tout le sel de ces conventions est un petit peu en retrait, de sorte que le visiteur non averti peut passer à proximité sans s’apercevoir qu’à l’intérieur s’y déroulent des débats animés, conviviaux, et parfois diablement intéressants. Parmi ces derniers, une conférence de l’écrivain Xavier Mauméjan sur les rapports entre uchronie et SF, un débat sur les auteurs de SF qui en font sans oser le proclamer, suivis d’un bilan de la SF francophone peu surprenant puisqu’y a été évoqué le déclin du genre, que seule une hypothétique longue traîne pourrait aider à subsister...

Science-fiction et censure - 25 août

"Science-fiction et censure", tel n’était pas le titre de la conférence animée par Jean-Pierre Fontana et Joseph Altairac, mais cela aurait pu être le cas, tant les oeuvres de Michel Zévaco, romancier populaire de cape et d’épée du début du XXe siècle, ont subi les ravages des "censeurs".

Une sorte de "censure éditoriale" de la part du Livre de poche, ayant pour but de rendre la lecture plus rythmée, en supprimant toutes les digressions de l’auteur... lesquelles font malheureusement tout l’intérêt de ses romans ! Ainsi, les livres parus chez le Livre de poche sont-ils de moitié moins épais que les manuscrits originaux ! La collection Bouquins a su réparer cette injustice en publiant l’intégralité de chaque manuscrit, malheureusement les éditions sont épuisées. D’autant plus dommage que, selon Joseph Altairac, Zevaco est placé en Grande-Bretagne sur le même rang que Walter Scott soi-même  ! Nul n’est prophète en son pays, c’est bien connu. L’auteur de Jean Sans Peur, lLHôtel St Paul ou Le Chevalier de Pardaillan était un anarchiste notoire, qui professait qu’il fallait vivre le moins malheureux possible, en n’ayant pas la lâcheté de courber l’échine sous le joug des puissants, ni la vilénie de dominer de sa puissance les plus faibles. Il provoqua en duel le ministre de l’Intérieur de l’époque, et eut longtemps à en subir les conséquences. Eh oui, tout de même. Ce tenant de l’occultisme, anticlérical à ses heures, était l’un des écrivains les plus polémiques, mais aussi les plus appréciés du peuple en son temps. En avance sur son temps, avec ça : dans Nostradamus il met en scène un véritable combat mental, ancêtre des combats télépathiques, entre Nostradamus et l’un des fondateurs du jésuitisme, Ignace de Loyola. Ce dernier en sort terrassé. Dans Le Chevalier de Pardaillan, un sorcier fait le décompte, devant le chevalier, du temps de vie de chaque homme, en soustrayant les heures de sommeil, mais aussi le temps passé à travailler laborieusement sans faire ce que l’on a vraiment envie de faire, expliquant par là-même pourquoi il compte parvenir à la vie éternelle en réalisant des prélèvements sanguins.

La mine de la SF retrouvée

C’est dans la mine de Wallers-Aremberg, où a été tourné le film Germinal de Claude Berri, désormais classée site historique, qu’ont été conviés les participants à la convention. Nous avons donc pénétré dans un tunnel où trônait une énorme locomotive-brise-glace issue d’une autre adaptation, celle de La Compagnie des glaces qui seyait à une manifestation SF.
Avec une mise en scène volontairement grandiloquente, afin de tourner en dérision l’esprit des sectes - c’est ce que j’ai cru comprendre, bien que je trouve un peu ambivalent le procédé - des nouvelles sur le thème "Mines, mineurs et géologues" ont été lues par Pierre Gévart, l’organisateur de la convention, et plusieurs acteurs recrutés pour l’occasion. Si Pierre Gévart a fait étalage de ses talents de conteur, tous les acteurs n’étaient malheureusement pas au même niveau. J’ai regretté que les conditions d’écoute n’aient pas été optimales, car les nouvelles, regroupées en un recueil fourni aux participants, méritaient mieux. Suivit une montée des 324 marches menant aux 63 mètres de hauteur du sommet de la mine.
La vue sur les alentours y était d’autant plus impressionnante que les balustrades n’étaient pas vraiment rassurantes...

Dans le Labyrinthe - 26 août

Retour sur terre, avec une conférence le lendemain sur la BD et la SF qui a montré que les dessinateurs souffrent eux aussi de la crise du marché du livre : un mois de présence en librairie avant d’être poussé dehors par la relève, c’est vraiment inhumain !

Sans compter bien entendu que les dessinateurs disposent d’un potentiel de points de vente nettement inférieur à celui des écrivains. Sans surprise, éditeurs et commerciaux ont été stigmatisés pour leur tendance à s’en tenir à la prise de risque minimale pour le maximum de rentabilité (du moins, envisagé par eux).

Après une conférence humoristique de Xavier Mauméjan, vint la remise des prix des romans et nouvelles. Les prix Rosny étaient attribués aux oeuvres de science-fiction et Merlin aux oeuvres de fantasy. C’est donc une amie, Nathalie Dau, qui s’est vue décerner le prix Merlin de la nouvelle pour Le violon de la fée. Honneur aux femmes, puisque Sylvie Lainé remporte le prix Rosny de la nouvelle pour Les yeux d’Elsa et Catherine Dufour le prix Rosny du roman pour Le goût de l’immortalité.

Qui a dit que la science-fiction était affaire d’hommes ? Enfin M. H. Essling remporte le prix Merlin du roman pour Le temps de l’accomplissement.
Le soir se déroulait un banquet suivi d’une mise aux enchères. Celle-ci m’a paru, je l’avoue, interminable. La chose était présentée avec humour, mais je n’ai sans doute pas beaucoup de goût pour ça.

Ouverture au public - 27 août

Toutes les conventions SF, m’a-t-on dit, ne sont pas ouvertes au public, mais c’était le cas de celle-ci, ce qui m’a permis de tenter de vendre quelques livres. Hélas, malgré le bon travail des médias locaux et en dépit d’une météo favorable, ce n’était pas la grande affluence, dimanche 27 août.

La convention m’aura tout de même permis de nouer des contacts utiles et chaleureux, tout en retrouvant des amis dans une ambiance conviviale, ce qui n’a rien de désagréable. A noter que la prochaine convention de science-fiction se déroulera en avril prochain à Montréal. Vous pouvez d’ores et déjà visiter le site officiel.

La question du budget pourrait intéresser les auteurs en herbe. Pour une convention se déroulant dans l’hexagone, comme Bellaing, il faut compter environ 200 euros, comprenant l’inscription (45 à 50 euros), la nourriture, le prix de l’hôtel et les frais de transport. Pour une personne ayant la chance de vivre à proximité, ces frais sont évidemment divisés par deux. Par ailleurs, il y avait possibilité de dormir dans une salle commune, pour annuler les frais d’hôtel.

Finalement, je dirais qu’il y a sans doute encore bien des choses à faire pour rendre plus spectaculaire et plus attractif pour le public ce type de convention ; cependant, pour les auteurs, elle apporte beaucoup, car elle permet à chacun de sortir de son isolement et de comparer les expériences.


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4 réactions à cet article    


  • Nicolas (---.---.55.104) 31 août 2006 15:06

    La SF Francaise serait morte ? C’est oublier que l’un des meilleurs écrivains francais fait de la SF, entre autres. Et qu’il a pondu le meilleur bouquin de la rentrée littéraire.

    A votre avis, pourquoi la prochaine conférence se tiendra à Montréal ?

    =======> www.surlering.com


    • HUme (---.---.205.1) 31 août 2006 17:52

      Tiens, je suis surpris egalement.

      Je pensais qu’il y a avait un renouveau de la SF et Fantasy francaise (voire un developpement)avec l’emergence d’un certain nombre de jeunes auteurs.


      • Guil (---.---.170.165) 1er septembre 2006 10:57

        Fantasy et SF ce n’est pas du tout la même chose, même si ces deux formes de littérature sont traditionellement mises dans le même sac - par méconnaissance et mépris, sans doute. Je crois bien en effet que la Fantasy française ne se porte pas trop mal. Par contre niveau SF on ne voit plus grand chose sur les étals en dehors de quelques vieux auteurs prestigieux (Andrevon...) et de Pierre Bordage, que je trouve personnellement plutôt médiocre...


      • Gabriel Maurisson 1er septembre 2006 10:20

        Je suis entièrement d’accord avec votre propos. La science fiction française est en effet en deuil. Elle est rejeté d’un point de vue institutionnelle et culturelle. Dommage à l’heure où de nombreux chefs d’oeuvres sont publiés chez les anglos saxons (je pense notamment à Hamilton)

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