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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Quand les prix des grands Médoc ne signifient plus rien

Quand les prix des grands Médoc ne signifient plus rien

À une époque où les financiers opportunistes sont remis à leur place -et c’est tant mieux- le "yo-yo" auquel se livrent un bon nombre de crus bordelais prête à la gêne, si ce n’est à la honte quand on rapproche certains prix de la réalité du monde. Le monde, c’est nous, ceux qui bossent pour (bien) gagner leur vie et c’est aussi les autres, ceux qui ont de quoi rager quand ils ouvrent un catalogue.

Puisque la bourse fait tant parler d’elle, revenons donc à celle de certains Bordeaux, dont les prix évoluent selon l’air du temps, la mode ou on ne sait quoi. Pour ces vins, dont la qualité intrinsèque n’est pas en cause (Lafite et Mouton sont toujours "1ers" dans mon Classement), ce que l’on constate, c’est que les prix de leurs millésimes 2006 et 2005 laissent quand même rêveur... Parfois, on est dans le même système : tant qu’il y a des acheteurs, on part à la hausse, et les prix montent, puis remontent... On vient de voir, sur le marché des actions, que le bluff a sombré et que la fiction s’est durement heurtée à la réalité, et il ne faut pas être devin pour penser que cela peut se répercuter sur le marché des grands crus.

Quelques exemples de prix (voir aussi mon article sur Ausone) : Château Mouton-Rothschild 2005 : de 903 € à 1.000 €. Et, encore plus cher (faudrait savoir, je croyais que le 2005 était meilleur que le 2006), celui du 2006 : 946 €, Pas mal, non plus : 151 € le Petit Mouton de Mouton... et 120 € pour le 2006... Le Château Lafite-Rothschild 2005 est un cran plus haut : de1.370 € à 1.400 €, et le 2006 : 823 € ! Et, encore plus fort : 254 € Les Carruades 2005... Je rappelle que ce n’est "que" le second vin, tout remarquable qu’il puisse être. À rapprocher (même si je n’aime pas vraiment cela, tant les terroirs sont différents) des "seulement" 149 €de l’extraordinaire Montrose 2005 ou de très belles bouteilles comme celles des Grand Puy Lacoste (130 €) ou Haut-Batailley 2005 (88 €)... Il y a également le Château Cos d’Estournel 2005 : 345 € (et 2006 : 149 €, ce qui est déjà beaucoup, je vous l’accorde). À moitié prix (78 €), on a pourtant le superbe Calon-Ségur 2006 de Denise Gasqueton, et, pour rester à Saint-Estèphe, Montrose pour 95 € !!! Je vous laisse comparer par vous-même, mais, avouez qu’il y a de quoi s’étonner...

Comprenons-nous bien : il faut, et il y a (de moins en moins, en fait) des vins mythiques. Il reste Petrus et La Romanée-Conti, dont les prix extravagants sont hors normes, tant on passe alors dans le pur domaine du luxe. Mais ce sont aussi des vins uniques, sans concurrence, dont les terroirs sont tout-à-faits exceptionnels (leurs territoires sont restreints), et où la politique des premiers, seconds ou troisièmes, ou celle de l’esbroufe et du "body-building", n’ont jamais été de mise. Les hommes y prennent également un rôle majeur. À Bordeaux, il y avait aussi le Yquem du marquis de Lur-Saluces., intimement lié à son propriétaire. On peut y ajouter Latour (qui parvient à se maintenir) et Haut-Brion. Il n’y en a plus à Saint-Émilion (peut-être encore Cheval Blanc ?), tant on s’est trop amusé à faire des micro-cuvées ou des vins surconcentrés. Pour le rêve, on arrive donc aux doigts d’une main.

Ensuite, que le vin ait été "classé" (en 1855) 1er, 2e ou 5e n’a plus aucune importance, 150 ans après, tant les vignobles et les vins ont changé. Il y a des "5e" de 1855 comme Lynch-Bages qui sont à la tête de leur appellation, des "seconds" qui ne sont pas meilleurs que des "4e", d’autres qui sont meilleurs (Léoville-Barton) que des "1ers", des "Bourgeois" (Sociando-Mallet) qui écrasent des "3e", etc, etc. Chaque vin est donc remis en cause chaque année, et cela explique les notes et classements des uns et des autres, régulièrement mis à jour. C’est bien naturel.

Un aparté : j’ai eu, hier, à Saint-Estèphe, une conversation passionnante avec un "seigneur" bordelais (voir "la nostalgie") comme je les aime (vous ne saurez pas son nom, ce n’est pas le genre de se mettre en avant), qui se désole de voir qu’un bon nombre de "grands" crus (trop) renommés se flattaient de faire leur grand vin avec 30% seulement de leur vignoble (le reste passant dans un second, voire un troisième vin) ou en faisant des rendements de 20 hl/ha.

Je pense la même chose depuis toujours : un grand vin, justement, doit être grand sur l’ensemble de son territoire, et avec des rendements normaux, que l’on peut situer à 50 hl/ha pour les vrais grands vins typés médocains (surtout si l’on est planté à 10 000 pieds/ha). Ne faire son premier vin qu’avec le 1/3 de la récolte, c’est du pipeau.

On aura compris que le prix n’est pas forcément un gage de "supériorité", et qu’il ne suffit pas de mettre 500 € sur une étiquette pour être une vedette, et encore moins un mythe. En fait, des stars, il n’y en a pas beaucoup, même si tout le monde s’approprie le mot. Vous l’aviez déjà remarqué : le rappeur du coin ou la comédienne d’un navet sont présentés comme Jacques Brel ou Marlon Brando : eh bien, c’est tout autant ridicule dans le vin.

Raison de plus pour ne plus faire confiance à des hiérarchies plus ou moins officielles (celle de Saint-Émilion me fait régulièrement sourire) et pour ne pas se retrouver avec des seconds vins aussi chers... Et puis, il y a quand même beaucoup de crus bordelais entre 30 et 50 € qui sont superbes, racés et typés, et d’autres, entre 10 et 20 €, tout aussi passionnants. Je vous renvoie à mon Classement 2009.

Allez, on se détend : ce soir, je me fais plaisir avec un Nuits-Saint-Georges Les Saints-Georges 2004 (sur une simple terrine "maison", devant un grand film, c’est parfait).

 


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10 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 5 janvier 2009 15:57

    faut être un ploutocrate pour payer aussi cher du canon ! le luxe est de la connerie !


    • Jean-paul 5 janvier 2009 16:48

      Dans un programme de tele anglaise avec le chef international Gordon Ramsay ,on a bande les yeux a un critique de vins et aussi ecrivain sur les vins ........................srprise il a prefere un vin a 15 livres qu’un vin a 350 livres .
      Comme quoi le gout passe d’abord par le cerveau avec l’etiquette affichee sur la bouteille .
      A l’auteur .faites l’essai ,vous serez aussi surpris .


      • maxim maxim 5 janvier 2009 17:22

        et les vins d’Amérique Latine ?

        j’ai acheté par curiosité des vins du Chili ,et de l’Argentine ,franchement ,j’ai été agréablement surpris ,sur un plateau de fromages ou avec une grillade ,ça passe bien ,c’est vrai qu’ils sont costauds en degrés ,mais le fruité est là ,goût de fruits rouges ,d’eau de vie ,ça me rappelle un peu les Vins Corses !...

        par contre j’ai acheté des Côtes de Bourg ,dégueulasses ,un goût de bois vert ,j’ai cru que c’était une bouteille qui déconnait ,j’en ai ouvert une autre ,pareille !.....

        ou ça va faire du vinaigre ,ou alors en cuisine pour un déglaçage ,mais pas à table !

        et j’ai déjà eu la même mésaventure avec des Pomerols ,quand même plus chers qu’un Côte de Bourg ,et bien ,ils n’étaient pas terrible non plus !

        quand aux grands Médocs ,il parait qu’il y a déjà eu des coupages douteux ,alors ,ça fait réfléchir avant de s’aventurer là dedans ,surtout aux prix affichés !


        • Jean-paul 5 janvier 2009 19:02

          Sans oublier les vins d’Afrique du Sud ,Californie ,Australie et meme du Japon (Tekai )
          Vins fruites , gorges de soleil .
          Et ils n’ont pas besoin de vieillir ,pret a consommer .
          Par contre de la piquette le Beaujolais Nouveau .
          Bref la concurrence est la ,sans parler des vins europeens ,meme le sud de l’Angleterre produit un bon vin blanc .
          Par contre les vins francais ont toujours une excellente reputation ,la meilleure je dirai mais sont excessivement chers .


          • quietude 8 janvier 2009 12:02

            M. Jean Paul, comparer des vins qui ont du corps et une ame avec des vins "prets a boire", faut pas exagere non plus.

            L’analyse faites plus haut demontre simplement que les vins "haut de gamme" en structure ont des prix qui varient.
            Ne comparez pas les vins qui sont fait avec des couts de main d’oeuvre tres bas (chili, afrique du sud), des couts d’investissement tout aussi bas, et des terrains qui ne coutent rien.

            Avez vous la moindre idee du prix d’un hectare en Bourgogne ??? surement pas.
            Avez vous la moindre idee de ce que fait la DRC dans ces vignes ?? non, trop empressé a critiquer le Beaujolais sans avoir eu a gouter de bons producteurs.

            Donc lisez correctement l’article ci-dessus et remettez les choses a leur place.

            Certains Bordeaux sont tres chers, mais rare. D’autres trop cher pour leur qualite.
            Mais c’est aussi le marche mondiale qui veut ces prix, a un moment donné.


          • Jean-paul 5 janvier 2009 19:08

            Question a l’auteur
            A propos du champagne
            La consommation mondiale (vente ) est beaucoup plus grande que la production ( region de champagne ).
            Buvons nous vraiment du champagne ?????????????????////


            • maxim maxim 6 janvier 2009 09:50

              juste une petite remarque en passant....

              l’article était basé sur le Médoc ,et l’étiquette d’illustration nous montre un Nuits St Georges ,700 kms plus au Nord Est ! ( joyeux enfants de la Bourgogne !......)

              il n’y aurait pas une étiquette de Rauzan - Ségla ? ou bien de Léoville-Las -Caze ? ,là on serait vraiment dans le Médoc !


              • alberto alberto 6 janvier 2009 14:40

                Bonjour à tous,

                Indépendamment de la connerie , ainsi que le fait remarquer le Chat, (salut Minet) qui consiste à acheter des vins à des prix astronomiques faut-il rappeler que la vigne, dans un but de grande productivité (le pognon, toujours le pognon...) est sans doute l’un des végétaux agricole le plus pollué !

                Et cela, se retrouve évidemment dans le vin, quelle que soit son origine : "grands" Bordeaux ou "grands" Bourgognes, mais aussi "petits" rosés ou "petits" vins de pays, inégaux en prix, mais bien semblables dans leurs taux de polluants.

                Curieusement, ces écarts de prix indécents ne se retrouvent pas (encore ?) chez lz vin "Bios" : il y a certe des différences importantes selon la notoriété ou la qualité, mais dans des limites encores raisonnables.

                Pour ma part, ma religion est faite (fête) du vin bio, que du bio !

                Et d’ailleurs nombre de viticulteurs classiques dont les rendements s’effondrent du fait d’aupauvrissement de leurs terres après des décennies d’utilisation d’engrais chimiques se voient contraints, contents ou pas, de rallier une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

                L’avenir est-il aux vins bio ? Pour la qualité des vins, pourquoi pas, mais pour la santé des amateurs, c’est clair !

                Bien à vous.


                • jernicks jernicks 4 juin 2009 12:09

                  Nul doute que le classement de 1855 est aujourd’hui bien obsolète, et que le dépoussièrer ne serait en rien un luxe.
                  autrefois repère certain pour l’acheteur, vitrine de prestige pour le producteur il a glissé vers un outil marketing à part entière.Piège à insectes dans lequel on se prend lors de ses premiers achats, orgueil de l’hôte qui débouche devant ses convives un « scd cru classé »...et oui la psychologie de l’étiquette. Quoi qu’il en soit, sa révision impartiale semble difficile tant les enjeux financiers sont importants.Immaginez Lafite relégué en 4 éme cru classé...la claque ! C’est comparable à la table étoilée qui perds 2 rangs dans la nouvelle édition du guide.
                  Face à cela plusieurs types de comportements :
                  Il y a les fortunés qui peuvent s’offrir sans coup férir ces « stars ».
                  les spéculateurs qui parrient sur la hausse prochaine (et qui vendront aux premiers).
                   le pauvre bougre qui casse sa tirrelire pour posséder un précieux flacon au fond de sa cave (éspèrons qu’elle ne soit bouchonnée) et enfin l’amateur averti qui a depuis fort longtemps déserté les rouages du « stars systèm »et préfère s’offrir la production de grands vignerons inconnus du grand public pour le prix des flacons sus cités.
                  Mais pourtant quelle frustration quand on est amateur...j’avoue qu’a titre personnel j’ai un peit faible pour Lafite qui est sans conteste un grand vin, et j’avais par le passé plaisir à en déguster quelques unes quand mes finances me le permettaient. Car de bouteille peu ordinaire(mais « achetable »), que l’on ouvrait pour une occasion bien précise il est passé au snobisme délirant...Comment ouvrir une bouteille à 1000 € ?Avec qui ?
                   Les stars du Foot ont toutes des amis millionnaires en short que cela ne choqueraient pas..mais nous le commun des mortels.. ?
                  Bref, comme vous dites dans votre article je vais inviter quelques amis et me régaler autour d’un Rully (1er cru svp !), de P.Jaqueson à 11 € la bouteille...mais chut chut chut, ne le dite pas trop fort, un américain célebre pourrait le citer dans
                  son guide et faire s’envoller les bouteilles au jardin des fruits défendus.

                  Jer


                  • FGsuperfred 25 août 2009 01:03

                    en même temps il faut relativiser les prix donnés par le sieur dussert-gerber, combien achètent à ces prix ?
                    ces vins ne sont plus accessibles pour nous et quand je vois le prix du montrose 2005 voire du grand puy lacoste, je me marre, moi qui ai acheté les miennes à 51 euros en montrose (je parle en TTC) et 45,50 pour GPL (en TTC toujours)
                    faut regarder dans les ventes aux enchères ou sur ebay (idealwine aussi) et là les prix n’ont plus rien à voir, ça fait 10 ans que je remplis ma cave comme ça et les mauvaises surprises ne sont pas plus nombreuses
                    à noter également que les millésimes plus anciens sont moins chers que les récents, ce qui est un comble, les millésimes étant à boire alors que les récents non
                    bref tout ça pour dire qu’il faut fouiner et ne pas acheter idiot, il y a un nombre incroyable de 2005 et 2006 en vente en ce moment du nombre de spéculateurs qui se sont cassés la gueule et des amateurs (c’estb moins drole) qui ont besoin de vendre car ils ont soit perdu leur boulot, soit beaucoup perdu en salaire
                    ce serait intéressant aussi que vous arrêtiez monsieur de ne citer QUE les plus chers, qui déja ne sont représentatifs primo, et qui secundo pourraient vous faire avoir des problèmes.
                    perso ça ne me dérange pas, je sais ou aller...
                    pourquoi ne citez-vous pas l’intendant et son site en ligne... la GVF très sérieuse, ou la maison dubecq dont le directeur et les prix sont si accessibles ?
                    vous avez un train (ou un TGV ) de retard, il y a belle lurette que les amateurs intelligents ne se fournissent plus dans les sites dont vous parlez...
                    cordialement
                    UN ancien lecteur qui ne l’est plus aujourd’hui et qui préfère les forums...

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