Rachid Taha est définitivement rock’n’roll !
Ouais, emballé par mon concert flamboyant, freestyle et haut en couleur de l’autre soir, ça remonte à quelques semaines mais je l’ai toujours très bien en tête comme un rêve étrange et pénétrant qui, souvent, me poursuit : Rachid Taha au Bataclan, jeudi 22 mars, 19 h 30 ! Une réelle présence, un corps sec charismatique, un look de dandy destroy à l’œil incendiaire (superbe sa veste en velours rouge : une vraie rock star !), une musique habitée et « bordélique » à souhait - par moments, on pense à Emir Kusturica et à son groupe borderline de déjantés généreux - et une voix sensuelle, écorchée, qui sait allumer le feu davantage qu’un... Johnny Hallyday qui n’est plus rock, me semble-t-il, depuis belle lurette mais chut... Et, Rachid Taha, sur scène, nous le précisera, il est beaucoup moins cher qu’un autre " papy du pop rock ", à savoir Michel Polnareff himself à Bercy ! Un concert de Rachid Taha, c’est une vraie fête, une vraie joie pour les oreilles, une musique pour ne pas réduire l’Algérie et la culture maghrébine à des bombes et à des femmes voilées et soumises, et on retrouve en chansons puissamment entraînantes les colères propres à ce chanteur cosmopolite, adepte d’un Coran alternatif, à savoir sa lutte contre le choc des cultures, contre les mauvaises représentations occidentales de l’Arabe, contre les injustices de l’immigration, contre la soumission des femmes... Et dans ce combat qu’il exerce sur scène, avec des musiciens hors pair ( dont un batteur époustouflant, un guitariste géant - Rodolphe - et Christian, un pote chanteur qui dira sur scène « ... celui qui construit des prisons est moins important que celui qui bâtit des libertés », dont acte ), on sent ce mec-là, dans sa révolte, son côté écorché vif - au verbe mûri et incisif - et dans ses fulgurances scéniques et vocales, rock à 200 %, rock’n roll et hard rock à donf même ! Curieux mix que son champ musical en effet, une sorte d’encyclopédie musicale foutraque, on passe du raï traditionnel et de belles voix orientales (croisées notamment dans son dernier album et disque militant, Diwan 2, 2006) à du Rock the Casbah à fond la caisse (reprise géniale des Clash, la salle est debout, yeah... baby !) et à des riffs de guitare tonitruants façon Rolling Stones ou le heavy metal dark de Marilyn Manson, rien que ça ! A signaler que sur scène, Rachid Taha a, par moments, le déhanchement ô combien sexy et féminin de Mick Jagger et que le festival (hard)rock-raï de son concert d’hier nous change de la variétoche française platounette, du genre Johnny, Bénabar et autres Obispo. Mais bon, la chansonnette-accordéon, ça a du bon aussi. Bref, que de plaisir à la vue de ce show métissé libertaire, invitant les spectateurs (réjouis, dansant non stop) à monter sur scène faire la fête, et nous conduisant avec panache sur des sentiers d’infinies libertés. Tolérance, insolence, sono hénaurme, charme, poésie, humour... : Rachid Taha nous a livré, au Bataclan, un cocktail musical et politique explosif - séquences émotion à l’écoute de son fameux Zoubida (1981) dénonçant la condition des musulmanes (mariage forcé et racisme envers les femmes), de sa Douce France (1986, avec son groupe lyonnais Carte de Séjour, 1982-1989), orientalisation politique du grand tube de Charles Trenet (manière de dire que les Arabes en France existent aussi, en tant que Français), de son premier tube en arabe (le cultissime Ya Rayah en 98) jusqu’à ses derniers tubes chauds, chaleureux, espiègles, extravagants, et qui nous font nous déchaîner sur nos sièges tout en nous allant droit au cœur - je pense à Ecoute-moi camarade ou à Agatha, chanson humaniste nous rappelant magnifiquement qu’ « un enfant, qu’il vienne du ciel ou de l’enfer, qu’il soit noir ou blanc ou jaune ou même rouge, un enfant c’est toujours un enfant. » Ouais, hier, Rachid Taha a allumé bien des feux qui ne sont pas près de s’éteindre. Hier, dans la salle électrisée du Bataclan, on était tous au paradis... et pour beaucoup moins cher qu’avec Polnareff et son lâcher de papillotes argentées en forme de lunettes kitschissimes !
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