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Redacted de Brian De Palma, courageux mais vain

Le nouveau film de Brian De Palma est un objet expérimental qui étudie la guerre d’Irak à travers le prisme d’une mosaïque de points de vue qui met à mal la vérité. Un pamphlet sur la manipulation de l’image, mais qui verse rapidement dans la vanité et la contradiction. Très décevant.

Après l’étrange Dahlia noir, Brian De Palma s’attaque à la guerre d’Irak et à ce qu’elle reflète de notre monde contemporain. À travers la vie d’une bande de GI américains postés à Samarra, livrés à eux-mêmes et dépossédés de leur humanité, c’est à un portrait tragique du monde contemporain que se livre Redacted. Ce nouveau brûlot contre les atrocités de la guerre se démarque surtout par son propos réflexif sur le pouvoir des images : le film propose des images chocs censées être issues de divers documents et archives (caméras de surveillance, documentaire, films "maison" des GI, vidéos YouTube, reportages de la télé irakienne).

Redacted a pour but de repenser de manière radicale les filtres à travers lesquels nous voyons et acceptons les événements mondiaux, le pouvoir de l’image médiatisée et l’influence exercée par la présentation des images sur ce que nous pensons et ce que nous croyons. Les images sont-elles objectives ? Jusqu’à quel point peuvent-elle être manipulées ? Sont-elles à même de faire réagir, de faire comprendre, d’apporter quelque chose ? À toutes ces questions, De Palma répond de façon pessimiste. Au bout du compte, c’est à une sorte de mise en abîme que se livre le cinéaste, car à travers les images, c’est le pouvoir et le rôle du cinéma qui sont interrogés. Et déclarés inexistants...

Et c’est là que le bât blesse : la forme, astucieuse, finit par devenir agaçante. YouTube, la caméra à l’épaule, les archives tout ça c’est très bien, mais j’aime aussi le cinéma... En prenant acte avec une certaine intelligence de la nouvelle dimension qu’ont pris les images dans nos sociétés modernes, De Palma en oublie de faire du vrai cinéma. Premièrement parce que la dénonciation de l’image, si pertinente qu’elle soit, passe d’abord par des images (eh oui !) qui sont nécessairement, au cinéma, agencées, montées de manière à montrer quelque chose du monde, ce que De Palma fait ici semblant d’ignorer. La démarche démonstrative, celle qui veut condamner les horreurs de la guerre, n’est pas condamnable en soit, on aimerait simplement qu’elle soit assumée. De plus, la dénonciation violente de l’impuissance de l’image implique dans Redacted est une mise à mal du spectateur que l’on soumet à des scènes âpres et dures, à la limite du voyeurisme (une scène de viol, même à peine aperçue, reste de toute façon pour moi insupportable) sans réelle justification.

En dehors du traitement "le cul entre deux chaises" du sujet, Redacted pèche surtout par un manque de profondeur du récit. Les personnages, GI (qu’ils soient des brutes épaisses ou qu’ils aient un tant soit peu de scrupules) ou civils irakiens (à peine survolés), restent du début à la fin complètement incolores, voire très binaires et ne s’éloignent jamais de leur statut de concepts à des fins didactiques. D’où un manque d’émotion assez rédhibitoire. C’est peut-être pour pallier cette absence de sentiments que De Palma achève son film sur des photos assez crues des "dommages collatéraux" de la guerre d’Irak, qui acquièrent par on ne sait quel miracle un statut de vérité finale, soutenues par une musique lyrique à outrance. Redacted tient donc en même temps deux propos distincts et non réconciliables : la vérité n’existe pas (trop de points de vue différents), mais elle existe (les coupables du viol sont indiscutablement connus à la fin). Tu m’en diras tant ! Lorsque surgit, avec le générique de fin, le silence total, on a envie de dire "Amen". Mais un film n’est pas une profession de foi...

Finalement, De Palma ne parvient pas mieux, voire moins bien, que des cinéastes plus classiques (Haggis avec Dans la vallée d’Elah) ou moins prétentieux (le récent Battle for Haditha) à parler du drame d’Irak et n’échappe pas du tout au film-discours. Qu’apporte la forme novatrice du film aux dénonciations de la guerre ? Que nous apprend-t-elle ? Pas grand-chose. Courageux dans sa dénonciation des médias américains qui selon le cinéaste "vendent" la guerre en Irak, Redacted reste cependant désespérément vain et s’avère au final un simple remake mal digéré d’Outrages, réfracté par une forme anticinématographique, tout comme l’Irak est un mauvais remake du Vietnam... Trop d’habileté tue l’habileté.


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1 réactions à cet article    


  • jltisserand 26 février 2008 03:06

    Je n’ai pas vu ce film (ni Bataille pour Hadhita) car je n’ oublie pas les liens tres etroits des Neocons avec Hollywood.

    Ne peut-on penser que tout ceci (analyse sans recul d’evenements) ressort d’un souci de brouiller encore plus les cartes en "familiarisant" la guerre, en cherchant a nous faire perdre le sens de certaines realites : Que voit-on ? est-ce un film ou une info ?

    Et par la nous prouver que les torts sont des 2 cotes.

    Mais bon ..... qui de la poule et de l’oeuf ....... ?

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