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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Rencontre avec Benoît Jacquot au Festival du cinéma européen

Rencontre avec Benoît Jacquot au Festival du cinéma européen

Le Festival du cinéma européen de l’Essonne, du 6 au 21 octobre, est aussi une mine d’avant-premières de films dont il faudra attendre longtemps la sortie en salles... Comme « L’Intouchable », film de Benoît Jacquot, avec Isild le Besco, qui se rattache à la veine intimiste du réalisateur. Partis en excursion dans le 91 un dimanche, de Brétigny-sur-Orge à Marcoussis, nous avons donc pu ainsi profiter également de l’avant-première du film d’Emmanuele Crialese, « The Golden door », avec Charlotte Gainsbourg, qui retrace l’exode, au siècle dernier, des familles pauvres de l’Italie du Sud en quête du nouveau monde, film en compétition à la Mostra de Venise.

Mystères de la décentralisation, le Festival du film européen de l’Essonne a organisé une de ces rencontres dont rêveraient pas mal de cinéphiles dans la petite ville de Bretigny-sur-Orge au cinéma Ciné220  : les Brétigniens ont d’ailleurs bien de la chance, quand on voit le programme de leur cinéma... Ateliers de scénario, adaptation littéraire au cinéma, soirée Roman Polanski, avant-premières, etc. Ainsi, la parenthèse dominicale du Festival européen recevait le réalisateur Benoît Jacquot et Xavier Lardoux (chargé de mission cinéma à la mairie de Paris), l’auteur du livre Le cinéma de Benoît Jacquot. La rencontre eut lieu avant la projection du film L’intouchable, dernier opus de BJ qui ne sortira en salles qu’en janvier. Drôle de choix, de débattre avant d’un film qu’on ne verra que plus tard, mais sans doute le poids des heures sur le calendrier des invités avait-il dicté le programme pour les libérer pendant la projection...

Xavier Lardoux propose de développer quatre points sur Benoît Jacquot : un cinéaste prolixe avec 45 films, un cinéaste éclectique avec des films de fiction, des documentaires, du théâtre filmé, etc., un cinéaste faisant le pont entre les arts, dont la littérature (on verra plus tard qu’on le fige dans ce rôle), enfin, un cinéaste des comédiens. Aussitôt, votre rédacteur sursaute sur sa chaise : quels comédiens ? Plutôt des comédiennes, au féminin... Il existe bien dans le cinéma de B. Jacquot un Benoît Magimel, fiancé de Virginie Ledoyen dans La fille seule, ou Fabrice Lucchini dans Pas de scandale, Vincent Lindon... Personnellement, le cinéma de Benoît Jacquot m’évoque immédiatement de très jeunes femmes en devenir : Judith Godrèche, Virginie Ledoyen, Isild le Besco, voire Sandrine Kiberlain... Et aussi, quelques stars romantiques confirmées comme les deux Isabelle : Huppert (Les ailes de la colombe, L’école de la chair) et Adjani (Adolphe). Auparavant, la plus magique de toutes... Et bien qu’il récuse mollement pendant le débat le fait d’être un cinéaste bressonnien... Benoît Jacquot a importé la femme douce dans ses films des années 1980 : celle du Jardin des Finzi Contini qu’il fera tourner dans Les ailes de la colombe et Corps et biens, Dominique Sanda, le mythe cinéphile... (soit dit en passant, à quand les DVD de ces trois derniers films ?) Pour les influences, le réalisateur pencherait plutôt du côté des européens américanisés ayant fui l’Allemagne nazie : Fritz Lang, Steinberg, Von Stroheim.

Catalogué comme le maestro de l’adaptation littéraire au cinéma, Benoît Jacquot semble pourtant préférer ses films plus intimistes, dont il donnera la clé en disant qu’ils sont autant l’histoire qu’ils racontent qu’un documentaire sur l’actrice du film. La désenchantée marquera le départ de ce cinéma-là, puis,  La fille seule, Pas de scandale. Le réalisateur insiste : le film L’intouchable que nous verrons dans la foulée est dans cette veine documentaire sur une actrice jouant dans une fiction, et encore davantage si possible... puisqu’Isild le Besco a le rôle d’une comédienne...

Sauf que Xavier Lardoux et le directeur du cinéma garderaient volontiers leur Benoît Jacquot comme otage de la littérature, d’autant que vendredi prochain, le cycle sur l’adaptation littéraire débutera au Ciné220 avec Le parfum de Süskind (un bon pensum, soit dit en passant..) D’autant que de L’assassin musicien de Dostoïeski, Les ailes de la colombe d’Henry James à L’école de la chair de Mishima et récemment Adolphe de Benjamin Constant, les exemples de littérature dans le cinéma de Benoît Jacquot ne manquent pas, y compris le prochain, pas encore tourné, Villa Amalia, d’après le roman de Pascal Quignard... Hormis son premier film, L’assassin musicien, toutes ces adaptations étaient des films de commande qu’il faisait néanmoins volontiers... Mais pourquoi accepte-t-il alors ? On ne le lui demandera pas... Sans doute pour financer ses autres films, plus personnels, à budget modeste, révélant ces jeunes actrices chrysalides dont il aime imprimer l’évolution sur la pellicule autant que leur rôle à l’écran (mais il se dira pendant le débat plus Galatée que Pygmalion, lui pygmalionné en quelque sorte)...

Les débuts de Benoît Jacquot ne sont pas franchement auteuristes sur le plateau d’Angélique et le roy de Bernard Borderie, puis, il enchaîne les tournages en tant qu’assistant réalisateur de Carné, de Vadim. Sa rencontre avec Marguerite Duras (India song, Nathalie Granger), semble lui remettre les idées en place ; elle lui enseigne la radicalité du cinéma et la rigueur. Rat de cinémathèque (il en vient, il est allé écouter Piccoli lire des textes de Langlois), il doit à son père d’avoir obtenu de remplacer ses études par la fréquentation de cette honorable institution.

A la question cinéma et psychanalyse, bien qu’il ait abordé le sujet autrefois dans un documentaire sur Lacan (et dans Princesse Marie), il ne s’attardera pas. En revanche, il parle volontiers de l’Inde où se situe la plus grande partie de L’intouchable : on y va plus à la rencontre de soi-même (nocturne indien...) que du pays qu’on visite et on en revient toujours changé (c’est le sujet de son film), à la différence du Japon qu’il connaît sans le connaître tant ses codes lui sont hermétiques. En conclusion, Benoît Jacquot ne nie pas qu’il aimerait connaître une fois dans sa vie l’ivresse d’un succès grand public, même le maître Bresson en a goûté avec Un condamné à mort s’est échappé, son premier film et unique succès public. Cependant, compte tenu de la modestie du budget de ses films, le nombre d’entrées suffit largement à les rentabiliser, et la notion de succès s’avère relative.
Site officiel du Festival du cinéma européen avec le programme des films


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10 réactions à cet article    


  • Sam (---.---.187.20) 13 octobre 2006 23:11

    Sur Agoravox dont je fréquente régulièrement les forums, il m’a paru légitime de mettre un petit mot pour Politis, dont je suis un lecteur régulier, sans être abonné, et qui est en voie de disparition.

    Politis, c’est un petit mag sans pub, menacé par la faute, semble-t-il d’un appareil dirigeant plutôt amateur.

    On peut critiquer ses choix éditoriaux et je le fais souvent,mais il assume ceux-ci avec constance et dans la marge de la presse, vu qu’il n’a pas de pub.

    C’est un petit, au pays des gros organes de presse tout orientés vers la maximisation de la rente publicitaire, un journal orienté à gauche - nul n’est parfait - qui donne de l’info, des idées et des réflexions semaine après semaine, sans tomber dans le populisme ou la servilité, ce qui n’est déjà pas mal dans notre paysage informationnel actuel.

    J’aime cette idée d’une petite presse d’idée qui vive encore, j’aime cette presse sans l’inféodation aux marques.

    Je serais assez content que Politis reste dans nos kiosques.

    Et je crois qu’Agora Vox, qui se veut représentant d’une presse alternative, ne peut oublier les rares organes de qualité qui continue leur bonhomme de chemin dans l’économie de la presse traditionnelle.

    Alors j’invite les bénévoles rédacteurs, et les lecteurs de ce site, à manifester un soutien sans ostentation à Politis, de la manière qu’ils souhaitent, mais clairement, pour sa survie.

    Quant à moi, je vais faire un petit chèque pour ce petit magazine pour qu’il continue à donner de sa petite et singulière voix.


    • Vierasouto Vierasouto 15 octobre 2006 04:01

      C’est gentil, je suis plus cinéaddict que cultivée (la littérature, c’était dans une autre vie...) mais merci pour le com !


    • L’Huissier (---.---.178.229) 14 octobre 2006 11:08

      Politis,libé,france soir,le cinéma indépendant , c’est normal que ça marche pas !


      • Zed 15 octobre 2006 14:15

        Merci à l’auteur pour cet article frais et intéressant sur ce cinéaste parisien qu’est Benoît Jacquot et sur cette 8ème édition du Festival du Cinéma Européen à Brétigny sur Orge, ville de plus en plus dynamique et résolument tournée vers les Arts et la Culture pour les chanceux Brétignolais et tous ceux qui s’y rendent.

        C’est un lieu qui fera parler de lui dans les années à venir.

        Quant à Benoît Jacquot, effectivement, il semble construire tous ces films autour d’une actrice qu’il admire. (Etre du coté de l’actrice : c’est ce qui m’intéresse le plus, se plait-il à dire)De combien de ces actrices il a dressé un portrait touchant et magnifique de femme en quête de vérité et d’amour souvent en pleine remise en question.

        Un peu de Freud ? Peut-être mais j’apprécie plus ce coté Sade dans son observation de ce monde féminin. smiley

        Une constante néanmoins, qui peut intriguer, plaire ou non, c’est ce coté relativement glacial et désincarné du jeu des acteurs (actrices) chez lui et ce depuis « Les enfants du Placard » avec Isabelle Weingarten (Une bressonienne à souhait).

        Un coté clinique amplifié par une réalisation assez froide. Est-ce l’influence de la théâtralité dans sa réalisation ?

        Peut-il s’attendre à une unanimité de la part de la presse, encore réticente, et de ceux qui apprécient déjà son style bien particulier ?

        Cordialement.

        Zed


        • Vierasouto Vierasouto 17 octobre 2006 04:00

          Je pense qu’il a rectifié le tir avec Isild le Besco qui est du feu sous l’absence de glace... Mais c’est vrai que BJ marque une distance avec ses actrices proportionnelle à sa pudeur de s’en rapprocher sans doute...


        • us air force (---.---.115.196) 16 octobre 2006 01:56

          • (---.---.115.196) 16 octobre 2006 02:28

          • (---.---.115.196) 16 octobre 2006 02:54


          • Theothea.com Theothea.com 16 octobre 2006 12:30

            Très bon compte-rendu de ce débat « décentralisé » autour de la personnalité de Benoît Jacquot !... Continuez à défricher ces chemins de traverse cinéphilique !... cordialement Theothea.com

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