Rencontres littéraires : quand l’Algérienne Wassyla Tamzali dit sa colère aux « européens désabusés »
L’écrivaine algérienne Wassyla Tamzali, était l’invitée de l’évènement « Les Littorales », rendez-vous annuel à Marseille des livres et des auteurs, proposé par les libraires indépendants associés.
« L’Innomée », tel aurait pu être le titre du dernier livre de Wassyla Tamzali, celui qui fut proposé à son éditeur, « Gallimard ». Mais l’option retenue fut finalement celle d’un titre plus expressif, qui dit bien l’état d’esprit de l’auteure, sa motivation à l’écriture de ce livre : « Une femme en colère, lettre d’Alger aux européens désabusés ».
On ne peut en effet mieux dire combien Wassyla Tamzali avait envie, à travers ce livre, de pousser un « coup de gueule », de prendre le contrepied d’idées toutes faites, de démonter des perceptions vécues par elle comme un déni d’identité. Par elle et par toutes les algériennes déterminées à se faire accepter en tant que femmes tout simplement, pas obligatoire sous le statut étiquette de femme algérienne, arabe, ou musulmane.
Cette envie de riposter s’est déclenchée lors d’une « grande réunion internationale », raconte-t-elle. « J’ai eu le sentiment très fort que j’étais devenue invisible, qu’il était devenu difficile de se présenter en tant que femme algérienne. Dans les palettes de représentations politiques, les algériennes laïques et démocrates n’existaient plus », confie l’écrivaine. « Et qui plus est chez l’intelligentsia de gauche », précise-t-elle, ce qui constitue apparemment une source de grande amertume.
Alors, autant rappeler des vérités aujourd’hui curieusement oubliées, qui fondent pourtant son identité d’algérienne librement assumée, hors de tous les clichés abondement répandus par les temps qui courent.
Rappeler « l’histoire des femmes dans le monde que l’on dit arabo-islamique et que dans les années 70, il y avait en Algérie, dans les partis de gauche clandestins, des femmes qui s’organisaient pour défendre le droit à l’égalité ».
Le port du voile, symbole de l’enfermement de la femme dans la soumission même lorsqu’il est librement consenti pour des raisons évidentes d’accommodement, cristallise la rancœur des femmes qui partagent le sentiment de Wassyla Tamzali et dont elle veut se faire l’écho.
Selon elle, ces « européens désabusés » qui invoquent le principe de la tolérance, « participent à la régression » en adoptant une représentation de la femme perçue à tort comme une « revendication légitime de populations qui furent colonisées ». Ce qui fait dire à l’auteure que « que nous sommes en train de vivre la dernière phase de la colonisation », marquée par le « retour des damnés de la terre » et une montée invraisemblable de la haine, avec le statut de la Femme comme enjeu central dans les relations entre l’orient et l’occident.
Wassyla Tamzali, femme de gauche qui pousse ainsi ce « coup de gueule » en direction de sa famille politique en Europe, conserve enfin quelques brins d’espoir pour ce qui concerne l’Algérie. « Je ne suis pas du tout pessimiste, confie-t-elle, il y a des choses qui se font, chez les jeunes artistes, les intellectuels.. » Et sans doute, pourrait-on ajouter, plus particulièrement chez les femmes qui n’ont sûrement pas dit leur dernier mot, même sous la cloche du voile.
Le rendez-vous littéraire « Les Littorales » a eu lieu du 27 au 31 octobre 2010 à Marseille. Le public était invité à découvrir « des mondes imaginaires ou réels qui parlent de transmission, de mémoire et d’oubli… »
Wassyla Tamzali a été avocate à Alger puis directrice des droits des femmes à l’Unesco. Elle militante dans le mouvement féministe maghrébin. Outre son dernier ouvrage « Une femme colère… », elle avait publié chez Galimard « Une éducation algérienne de la révolution à la revanche des tribus ».
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