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Rentrée littéraire : La Meilleure Part des hommes, de Tristan Garcia

Dans son premier roman, La Meilleure Part des hommes, Tristan Garcia raconte l’histoire de quatre personnages dont les vies s’entremêlent dans les années 80 - « les années sida » - à aujourd’hui. Manquant de finesse, ce "conte moral" est d’autant plus décevant qu’il a été largement évoqué au cours de cette rentrée littéraire...

C’est l’histoire de quatre amis. Disons plutôt deux amis, deux anciens élèves de Normale Sup’, Dominique Rossi et Jean-Michel Leibowitz, et de leurs partenaires. Dominique, dit Doumé, a ramassé William Miller dans les rues de Paris, tandis que Jean-Michel, dit Leibo, a pris pour maîtresse une de ses anciennes étudiantes, Elisabeth, ou Liz. Cette dernière, la narratrice, va retracer leurs « aventures » des années 1980 à la veille de la dernière élection présidentielle française.

Doum et Willie étant deux émissaires actifs de la nuit au sein de la communauté gay parisienne ; ils sont directement affectés par l’apparition du sida. Brillant tribun pour avoir été militant gauchiste, Doum va alors lutter pour la reconnaissance de cette maladie comme « problème public », créer l’association Stand et promouvoir le port du préservatif. Willie s’insurge : en se compromettant avec les autorités pour permettre de faire avancer la recherche sur le VIH, Doum fait perdre à la communauté son côté transgressif. Il juge le discours visant à promouvoir la capote « paternaliste » et, de fil en aiguille, prône le barebacking (ou chevauchée à cru). Entre les deux anciens amoureux commence une lutte à mort, qu’Élisabeth retrace tout en avouant son faible pour Willie. En tant que maîtresse d’un grand intellectuel marié, la narratrice est officiellement célibataire. Aussi ce grand adolescent de Willie est un peu comme son enfant. Qu’il raconte n’importe quoi en préfixant tous ces mots d’un « super », qu’il s’évertue à détruire sur la place publique celui qui fut son mentor et qu’il contamine à tour de bras ne semble pas la déranger plus que cela parce qu’après tout « il y a des êtres humains dont toute la valeur, toute la vie, est à l’intérieur, et il n’y a bien sûr aucun autre moyen de le vérifier, de le mesurer, de savoir s’ils sont potentiellement extraordinaires ou médiocres, que de vivre en leur compagnie » (p. 135).

«  Ce n’est pas une autofiction. C’est l’histoire, que je n’ai pas vécue, d’une communauté et d’une génération déchirée par le sida, dans des quartiers que je n’ai jamais habités », lit-on sur la quatrième de couverture. Dans le roman, la narratrice évoque le premier livre de William : Megalomaniac Panic Demence H., un ouvrage qui « allait bien là-dedans », comprendre : "dans l’autofiction", style qu’elle présente de la sorte : « tant que je parle, j’ai raison, je peux mentir ou j’ai rien à dire, j’ai raison - j’ai la parole et ça s’appelle un livre » (p. 135). Fatigué des histoires de « moi », Tristan Garcia (car c’est bien lui qui parle) décide donc d’écrire un roman ancré dans une réalité historique : les années sida. D’aucuns y ont vu une hétérofiction, un roman à clé dans lequel Jean-Michel Leibowitz, intellectuel juif de droite aux tendances conservatrices, serait Alain Finkielkraut (l’intéressé s’est d’ailleurs énervé) ; Dominique Rossi serait plus ou moins emprunté à Didier Lestrade, cofondateur d’Act Up tandis que Willie aurait certains côtés de l’écrivain-agitateur Guillaume Dustan, de son vrai nom William Baranès. Soit. Le plus gênant est en fait la prétention avec laquelle Tristan Garcia présente son roman. Le livre est fortement documenté - l’auteur s’est targué de n’avoir pas fait de recherches, c’était pourtant tout à son honneur -, les propos sur les débats au sein de la communauté gay dignes d’intérêts, les personnages tels qu’ils sont plantés moins… Willie ne semble être qu’un fou citant Spinoza à tout bout de champ : « Parce que l’amour, tu vois, c’est vaincu par la mort, en fait, parce que tu veux pas que ce que tu aimes meure, bien sûr, alors ce que tu détestes, non tu veux que ça meure, et à la limite, la mort c’est pas suffisant, parce que ça a été, tu vois, en quelque sorte ça a quand même existé. C’est mieux que la mort, l’amour c’est moins bien. » Certes, dans la réalité comme dans les romans, tous les propos ne sont pas toujours très cohérents, certes Willie n’est pas issu d’un milieu social très élevé (c’est peut-être justement pour ça qu’on reste de marbre, peut-être eut-il mieux fallu garder complètement le personnage de Guillaume Dustan...), mais il n’empêche qu’il est difficile de croire à l’affection sans bornes - ou presque - que lui porte Elisabeth, narratrice effacée que, sans son nom, l’on aurait prise pour un homme...

L’issue de ce « conte moral » est certainement elle aussi à prendre au second degré (au 3e ou au 4e, car comme dit Willie, qui parfois, arrive à nous faire sourire : « tu crois quoi ? Qu’il n’y en a que deux de degrés… Y en a, pfff, je veux dire…  »), mais elle est trop lourdement, et trop longuement développée. Comme si, à force de trop vouloir se démarquer de l’autofiction, l’auteur avait oublié qu’en littérature le fond est porté par la forme. Qu’il ne s’inquiète pas, cette critique ne remet pas en cause son "moi" profond, sûrement très bon...

La Meilleure Part des hommes, Tristan Garcia, éd. Gallimard, 2008, 305 p., 18,50 euros. 

Marie Barral


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3 réactions à cet article    


  • maggie maggie 18 septembre 2008 14:27

    Cher auteur, vous avez écrit quatre articles avec une signature différente à chaque fois. Il serait bon d’éclaircir les choses, non ? Etes-vous un collectif (si oui, il serait bon de le préciser dans votre présentation) ?


    • Trashon Trashon 18 septembre 2008 15:28

      Après visite de leur site ça ressemble méchamment à une boite de pub agissant sous couvert d’un site d’information..........


    • romanolo 20 novembre 2008 01:48

      Marie Barral, je suis pédé, j’ai 24 ans, moi non plus je n’ai pas connu ces choses, les années 80, le sida, la splendeur, la décadence, la mort et puis la vie. Je ne suis pas parisien, je suis du sud, donc ne voyez pas dans mes demandes l’affolement d’un parisiannisme hystérisé.
      Je me sens l’héritier de cette génération que Tristan Garcia arrive a cerner avec justesse, et une certaine maladresse, qu’on lui pardonne.
      De quelle prétention parlez-vous lorsque vous indiquez la manière que l’auteur a de présenter son roman ? Ce n’est pas clair.
      ’Il est difficile de croire à l’affection’ du personnage d’Elisabeth. Vous qui parlez de réalité, vous n’êtes pas sans savoir que chacun détient sa réalité, son amour aux autres, ce n’est pas une critique claire. Ce n’est pas parce que vous affectionnez l’autre de telle sorte que l’autre vous affectionnera a l’identique.
      Un homme, une femme, soyez sérieuse, depuis quand l’esprit porte-t-il un sexe ?
      Le fond, la forme, en littérature. Et pourquoi pas la forme le fond. C’est quoi ce sectarisme structurel ?
      ça c’est pour le peu de critiques que vous avez formulées.
      Je vous dirais ensuite que ce bouquin, certes incohérent vu l’absurdité de cette vie, est d’une aide précieuse pour chaque homosexuel qui essaie de comprendre son héritage culturel, communautaire. Libre a lui ensuite d’adherer, de prendre sa carte ou de rejeter. Bon ou mauvais quoi, comme d’hab.
      Vous vous centrez sur la forme, et bien sans doute n’est-ce pas parce que le fond déborde ? De sens, la vie, le sida c’est un sujet éculé, c’est la banalité. Maintenant oui, mais il est important au travers de fictions du genre de se le rappeler. Pour tous les pédés que nous sommes, ceux qui le sont pas. Ce livre, ce triangle, doum, Liz, Willie. Au fait à la fin il est dit que le cerveau de will est atteint, c’est pour ça qu’il semble fou.
      Allez cocotte, suis énervé, non pas trop. A plus Manolo.

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audrey4224

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