Réponse à Alain Damasio : Oui, le cyberpunk va mourir… au profit du low-tech punk !
Dans une interview publiée en 2020, Alain Damasio, écrivain de science-fiction, prédit la disparition du cyberpunk au profit d’un paradigme artistique plus humain. En fait, ce paradigme existe déjà : c’est le low-tech punk.
Pour les fans d’Alain Damasio, la vidéo est visible ici :
https://www.facebook.com/socialter/videos/le-cyberpunk-est-mort-par-alain-damasio/314522919454977/
Je la résume en quelques mots.
Alain Damasio fait état d’une grande fatigue technologique de l’humanité, due au caractère déshumanisant de l’hyper-connexion actuelle. Il fustige notamment la dépendance au téléphone mobile et aux réseaux sociaux, dont il avoue lui-même être grand consommateur. L’utopie cyberpunk des écrivains est ainsi devenu une réalité tragiquement dystopique.
Damasio pressent un scepticisme technologique croissant, de la part du grand public, qui engendrera une nouvelle science-fiction. Celle-ci s’écartera du virtuel et de l’électronique, pour retrouver la « vraie vie » et les « vrais gens ». Damasio fait notamment l’éloge des zadistes, « grands vivants » qui retrouvent le goût du terroir, savent cultiver des pommes de terre, revalorisent la force physique, renouent avec l’existence enracinée. Contre l’auto-aliénation numérique, à laquelle le cyberpunk actuel donne des gages, il propose de fonder une nouvelle science-fiction : « biopunk » ou « zoopunk ».
Pour autant, je ne souscris pas totalement au discours d’Alain Damasio.
1) Il ne pose pas directement le problème de la disparition du high-tech, ce que fait, en revanche, la collapsologie. 2) Il donne en exemple la vie dans une ZAD ; il n’est pourtant pas prouvé que les zadistes soient tous d’excellents travailleurs manuels ; par ailleurs, paysans, artisans, ouvriers… conservent souvent un grand sens des réalités et sont d’authentiques manuels, sans être pour autant des zadistes. 3) Les termes biopunk et zoopunk sont un peu abstraits ; « bio- » renvoie à la vie, en grec, et « zoo- », à l’animalité ; low-tech punk, le terme proposé par Arthur Keller, me semble meilleur, car il renvoie directement au travail humain, au savoir-faire, à habileté manuelle, ce que signifie bien le terme grec technê, τέχνη.
Disons-le clairement, à mesure que la technologie envahit tous les aspects de notre vie quotidienne, un sentiment de fatigue technologique s'installe. Les préoccupations concernant la vie privée, la dépendance aux appareils et l’impact environnemental de la production technologique poussent de plus en plus de personnes à chercher des alternatives. Le low-tech punk répond à ces inquiétudes en imaginant des sociétés où la technologie est utilisée de manière éthique et équilibrée, privilégiant la réparabilité et la simplicité. En clair, c’est ce passage du high-tech au low-tech qu’avait déjà décrit l’immense René Barjavel dans Ravage.
Les romans low-tech punk démontrent un intérêt croissant pour des narrations qui valorisent la simplicité et l'ingéniosité face à des ressources limitées. Ce genre offre une alternative séduisante aux récits high-tech du cyberpunk, permettant aux lecteurs de se reconnecter avec des valeurs de communauté et de durabilité. Si le cyberpunk a marqué l'imaginaire collectif avec ses mondes technologiques sombres et complexes, le low-tech punk émerge comme une réponse aux excès de cette vision. Ce mouvement pourrait bien redéfinir la science-fiction pour une nouvelle génération de lecteurs.
Évidemment, le lectorat de science-fiction devra s’habituer aux véhicules à traction animales, à la disparition partielle ou totale de l’eau courante et de l’électricité, à l’engloutissement d’internet dans les méandres de l’oubli… Beaucoup de gens n’aimeront pas, rêvant à la pérennité d’une civilisation high-tech où il suffit de toucher un écran pour être servi comme un prince.
Mais les grands réalistes préfèrent déjà le low-tech punk.
Florian Mazé
Professeur de philosophie et HLP
Auteur de trois romans d’anticipation
— 2193 : Le Crépuscule des humanistes
— 2194 : Un nouveau pacte avec les dieux
— 2195 : La Grande Simplification
Pour les lecteurs un peu paresseux, voici également ma vidéo explicative du style Low-tech Punk (j’ai utilisé une IA, mais je rappelle que les IA elles-mêmes sont capables de penser leur propre disparition !) :
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