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Retour sur l’expo gratuite Ronan Barrot à la Villa Saint-Cyr de Bourg-la-Reine (92), via un entretien avec l’artiste

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La Villa Saint-Cyr de Bourg-la-Reine, belle demeure de 1920, disposant d’un jardin très bien enttretenu où il fait bon se balader, loin de l’abrutissant trafic routier

Youpi ! L’art, qui compte, n’est pas qu’à Paris, il existe aussi en régions ou en (proche) région parisienne. Aussi, histoire de quitter le parisianisme ambiant par bien des fois pesant parce que de trop snobinard, direction – un conseil, ne tardez pas, petite expo-événement gratuite qui dure seulement, c’est trop court !, jusqu’à dimanche prochain, à savoir le 13 octobre 2024, finissage à 19h pétantes - la charmante Villa Saint-Cyr de Bourg-la-Reine (BLR, ©photos VD, expo à visée muséale, aucun tableau n'est à vendre), maison-lieu d’expositions temporaires garnie de plantes majestueuses, aux palmes des plus caressantes, tout en étant agrémentée d’un jardin superbe ainsi que de ruches en activité (ATTENTION ABEILLES !), pour découvrir, dans le cadre des 27e Rencontres d’Art Contemporain (chapeautées par Philippe Ancelin, maire adjoint à la culture de la ville et commissaire-priseur chez Drouot-Estimations, au sein de la filiale de la maison de vente du groupe Drouot), la nouvelle expo solo remarquable du peintre français contemporain Ronan Barrot (51 ans, né le 13 février 1973, à Carpentras, dans le Vaucluse), événement à l’accrochage totalement inédit, portant le joli titre de Miscellanées, terme qui ne signifie rien d’autre que « recueil varié de textes littéraires ou scientifiques ».

En effet, ici, en matière de peinture, dans trois salles distinctes (Salon, Miroir et Cheminée), parfaitement agencées (et chose importante : de nombreuses chaises sont mises à disposition des visiteurs, merci, notamment pour les seniors, ce qui permet de contempler sans peiner physiquement - ouf), nous sont données à voir une sélection judicieuse, et rigoureuse, d’une trentaine d’huiles sur toiles de l’artiste, prêtées, pour la plupart par des collectionneurs privés, de petits, moyens et grands formats, allant grosso modo de 2007 jusqu’à aujourd’hui, variant les sujets de peinture (vanités, portraits, paysages, scènes de genre), toiles vivantes, et vigoureuses, qui permettent de prendre vraiment toute la mesure de la force pénétrante d’un art expressionniste puissant, oscillant entre figuration et abstraction, qui vient ausculter, au plus près de la boue de la matière (picturale), la condition humaine, entre révélation et mystère, joies et misères, grandeur et décadence.

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Portrait du peintre Ronan Barrot, dans son atelier parisien, le 11 janvier 2009 (©photo VD)

 

Être à l’écoute des tableaux dantesques de Ronan Barrot

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Peindre saignant. Détail de « Saturne », (2020, Ronan Barrot, huile sur toile, 55 x 33 cm)

Au fait, qui est ce peintre ? Après avoir été diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris avec les félicitations du jury (études relevant de la périodisation 1991-1997, en passant notamment par les ateliers de Vincent Bioulès et de Jean-Michel Alberola), Ronan Barrot achève sa formation à l’Université des Arts de Berlin, avant d’entamer une carrière brillante le conduisant à exposer tant en Franceil est représenté par la galerie Claude Bernard depuis 2005, et montré en lieux institutionnels, on a pu voir son œuvre, soutenue dès sa sortie des Beaux-Arts par le critique d’art Olivier Céna (ex-plume de Télérama), puis peu après par Philippe Dagen (Le Monde), entre autres, au musée Marc Chagall de Nice (2006), à l’Espace Fernet-Branca à Saint-Louis (2009, Alsace), au musée d’art et d’histoire Louis Senlecq de L’Isle-Adam (2012), pour l’expo Escande, ou encore à l’ Église des Célestins lors du Festival d’Avignon 2017), qu’à l’étranger, et ce jusqu’en Chine.

Sa vaste culture, des plus encyclopédiques (Ronan est un gros lecteur !), associée à un goût irrépressible pour la peinture, sous plein de formes différentes (dans son interview, accordée à Philippe Ancelin, dans le petit catalogue (p. 3), offert gracieusement à l’entrée de l’expo, il souligne qu’en termes de premier choc pictural pour lui « Il y a peut-être ce Paysage du Rocan d’Ibrahim Shahda [1929-1991], c’est un peintre qui vivait à côté de chez mes parents, que j’ai bien connu et que j’admire. Ce tableau m’a regardé. Il trônait. Je suis né parmi les peintres, des voisins, des amis de mes parents. Au fond, je les ai regardés comme plus tard les maîtres anciens. J’ai souvent admiré des tableaux anonymes, inconnus, libres de tout récit  »), lui permet d’embrasser toute l’histoire de l’art - il parle souvent des peintures pariétales de l’homme des cavernes artiste, « Ça commence à Lascaux ou à Chauvet, et je pense que ça n’aura pas de fin cette rage de voir », dit-il, à Ancelin dans le catalogue, p. 3 - pour réaliser une peinture virtuose, à la fois expressionniste et existentielle, prenant à bras le corps, sans chichis ni affèteries (il peint couillu, à la Cézanne !), la finitude de l’homme dansant inexorablement au bord du volcan et du chaos : « Peindre, c’est denser [densifier] au bord de la honte », aime-t-il à dire, cité par Richard Leydier dans le catalogue (épuisé) Ronan Barrot, Peintures, galerie Claude Bernard, mars 2007, p. 8.

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Vue de la Salle de la Cheminée, Villa Saint-Cyr (Bourg-la-Reine, dans les Hauts-de-Seine), expo Ronan Barrot, « Miscellanées », du 27 septembre au 13 octobre 2024

Pour autant, l’érudition manifeste de ce peintre, « figuratif abstrait » ou « abstrait figuratif » - qui « soumet le réel à la matière ainsi qu’à la puissance de sa volonté », dixit, à raison, Philippe Ancelin, tour à tour paysagiste, portraitiste, auteur de vanités ou de natures mortes, animé par un tropisme atavique qui peut, si bon lui semble, le conduire à convoquer, et ce dans les moindres détails (immense mémoire visuelle, montrez-lui n’importe quel détail d’une peinture, il en reconnaîtra aussitôt la main, à savoir l’auteur !), une bonne partie de l’histoire de l’art sur sa palette (de Goya à Markus Lüpertz via Courbet, Picasso et autres Eugène Leroy) -, ne l’empêche point de tendre vers la modernité du temps présent. Eh oui, le classique, en lui, n’étouffe aucunement le moderne.

Rien qu’un exemple, dès février 2019, dans le cadre de son expo Infinite Skulls (façon un « retable », tel un atlas de la mémoire, de 48 crânes de Ronan Barrot) à l’Avant Galerie Vossen à Paris, Ronan Barrot s’était associé, malicieusement, au prodige Robbie Barrat né en 1999 (qui, en 2018, a créé des images artificielles, via les réseaux de neurones GANs, ou generative adversarial networks), ces deux artistes « chercheurs » collaborant habilement ensemble (ça avait alors créé le buzz dans le landerneau des arts plastiques), en vue de faire dialoguer art (fait « traditionnellement » main et cerveau humains, autrement dit à l’ancienne ! ) et IA (recours à la machine), afin d’orchestrer un événement, aux airs de manifeste, actant la post-esquisse, générée par intelligence artificielle, comme futur inévitable de la peinture.

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Un crâne peint, matière volcanique, de Ronan Barrot, exposé à la Villa Saint-Cyr de Bourg-la-Reine
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« Paysage blessé (II) », 2023, Ronan Barrot, 2023, 162 x 97 cm, Salle du Miroir, Villa Saint-Cyr

Justement, des crânes [pour rappel, les vanités sont un genre particulier de peinture, plus souvent des natures mortes, qui s’affirme au début du XVIIe siècle aux Pays-Bas : dans les vanités, sont représentés des objets allégoriques fortement symboliques, le plus emblématique étant le crâne qui symbolise la mort], on en croise un certain nombre, à la Villa Saint-Cyr, aussi bien isolés, dans des tableautins en relief, que plantés, à même la gadoue, auprès d’arbres solidement charpentés, tels des chênes antédiluviens, mais pas seulement : on y trouve encore des végétaux (sachant que les fleurs coupées, symboles du temps qui passe et de l’entropie, participent souvent, dans l’histoire de la peinture, des compositions de Vanités), des portraits de proches, particulièrement bien envoyés (comme fouettés par des coups de pinceaux fougueux, dont le superbe « crémeux », aux teintes ocres et vanillées splendides, hyper bien torché, tableau vertical, intitulé Céline, 2018, 72 x 50 cm, figure giacomettienne, aux mains jointes à la Picasso, peinte avec douceur), des figures mythologiques, des paysages tourmentés, mêlant profane et sacré, ainsi que des scènes de genre sibyllines montrant, peut-être, des combats de rue, une crucifixion, des violences policières ou, que sais-je encore, du cannibalisme, l’artiste travaillant habituellement par séries en reprenant inlassablement, à peu de choses près, les mêmes motifs, pour mieux creuser le sillon de la vérité nue de la peinture, en allant jusqu’à l’os, et par-delà le mensonge (la représentation illusionniste), il n'est jamais dans l'image, dans la plate illustration.

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« Le Pont », 2007, Ronan Barrot, 210 x 130 cm

On s’interroge devant sa peinture, des plus tumultueuses, et c’est toujours bon signe, elle ne s’épuise pas. Par exemple, dans Le Pont (huile sur toile de 2007, 210 x 130 cm), nous apparaissant tel un temps suspendu, qui allie netteté tirée au cordeau et flou (du loup en embuscade ?), qui est donc cette petite fille poursuivant son chemin – c’était, soit dit en passant, sa fille Clara qui lui avait servi de modèle, lors de son exécution -, au visage brouillé ? Fuit-elle quelque chose ? A contrario, court-elle, à l’âge de tous les possibles (l’enfance, prochainement l’adolescence), vers un destin possiblement glorieux ? Mystère.

Un peu plus loin, un tableau puissant, plus récent (2024, une huile sur toile, avec de la réserve par endroits), à l’inquiétante étrangeté, nous apparaissant vraiment comme du Barrot pur jus (les bleus y sont superbes, sans oublier cette petite touche de rouge sur l'épaule du personnage à gauche, comme pour dynamiser le tableau, à la Corot - voilà qui est envoyé, c'est virtuose !), nommé Apprentissage de la solitude (II), attire aussitôt l’attention, tout lové qu’il est – au feu ! – dans la cheminée, sans pour autant être le moins du monde pompier. Cette grande main tendue, au centre, est-elle un signe de violence sociale ou, à l’inverse, un gentlemen’s agreement entre adultes consentants ? Sachant, au passage (de relais ?), que la main est un motif assez récurrent dans la peinture figurative hyper expressive de Barrot, où l'engagement physique du peintre tient très souvent lieu de principe de composition  : il s’agit, en quelque sorte, d’une action painting pratiquée en vue de produire une peinture comme habitée, si ce n’est hantée, variant, avec fougue, accords, faux-raccords et désaccords, afin de booster au maximum sa maestria visuelle intrinsèque l’entraînant, telle la force de l’évidence, à être remarquablement présente sur une cimaise, lui étant offerte à l’occasion (ici, cette toile « brute de décoffrage » loge modestement, tel un objet-tableau, dans une cheminée), grâce à un « feu d’artifice » subtil, à tendance architectonique, voire lyrique, multipliant épiphanies percutantes et bouches d’ombre, plages charbonneuses et turbulences révélatrices. 

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« Apprentissage de la solitude (II) » (2024, huile sur toile, 130 x 162 cm), tableau de Ronan Barrot exposé dans la cheminée de la Villa Saint-Cyr de Bourg-la-Reine

Entre nous, mettez-vous devant une toile de Barrot et elle semble tout de suite prendre vie, via interférences, tempêtes hugoliennes sous un crâne et autres fulgurances picturales. C’est, de toute évidence, une peinture nature, qui, entre flux et reflux abordés par la pointe de son pinceau-signature (on reconnaît tout de suite son style !), ne s’embarrasse pas du superflu. Sur ses toiles crépusculaires, apparaissent des têtes de mort matiéristes, parfois parsemées de fleurs bourgeonnantes fonctionnant comme autant de verrues rimbaldiennes, des arbres humides et des paysages telluriques, par endroits traversés par de féroces chiens errants, par des corbeaux, on peut penser à Veličković (1935-2019), ou bien hantés par des spectres émergeant, semble-t-il, des limbes ou de la boue de la peinture.

Clairs-obscurs volcaniques, explosions de couleurs, surfaces rayées, coups de brosses impulsifs : Barrot peint saignant. Il n’hésite pas à prendre des risques, ce corps-à-corps avec dame Peinture (sa seule maîtresse ?) visant moins à être en guerre contre celle-ci qu’à faire la guerre, ou l’amour, avec, « dans » la matière picturale même, quitte à lui jouer des tours. Toutefois, malgré les références prestigieuses (Poussin, Rembrandt, Cézanne, Baselitz…), il ne s’agit pas de faire un simple « peinture de la peinture », cette jouissance visuelle se nourrissant chez lui aussi bien du passé que d’événements actuels ; il faut voir son atelier-laboratoire tapissé de reproductions de tableaux anciens, de clichés de vacances familiales ou de photos de presse prises dans un magazine ou sur Internet, il faut l’observer, par ailleurs, en plein travail, en train de se laisser « visiter » par des champs de bataille, d’hier ou d’aujourd’hui, ou bien par des flashes du quotidien (métro, intimité, rue, etc.). À coup sûr, si cette œuvre batailleuse, et pleine de panache, est aussi forte, c’est parce qu’on a affaire à une peinture à énigmes dont l’entre-deux permanent (classicisme et modernité, figuration et abstraction, formes en suspens) nous invite à avoir notre propre vision, et lecture personnelle, entre chien et loup ; c’est bien connu, c’est le regardeur qui fait le tableau.

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Magnifique morceau de peinture : « Céline », 2018, Ronan Barrot, 72 x 50 cm

Peindre c'est se jeter dans la gueule du Louvre

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Des catalogues « Miscellanées » (publication réalisée à l’occasion de l’exposition présentée à la Villa Saint-Cyr, du 27 septembre au 13 octobre 2024, dans le cadre des 27e Rencontres d’Art Contemporain), gracieusement offerts aux visiteurs, à l’entrée de l’expo à succès Ronan Barrot

Bref, Barrot is Back, à la Villa Saint-Cyr, et c’est d’enfer ! Seuls bémols de ma part, histoire de chipoter un peu (faut bien faire son travail de critique !), ses toiles sont, pour certaines, trop vernies (dommage, ça gêne un peu leur lisibilité) et il y a un magnifique paysage forestier (Paysage, 2018, huile sur toile, 90 x 213 cm, faisant la couverture (détail) du catalogue), tout en longueur (au format marine), que l’on voit à peine, parce qu’exposé trop haut au-dessus de la (grande et très haute) cheminée de la villa.

« Peindre c'est se jeter dans la gueule du Louvre. (...) Deux châtaignes, une écuelle et un gobelet d'argent nous font signe, nous rappellent que nous sommes écuelle et châtaignes, c'est Chardin. Et la netteté d'un Christ étendu, sa plaie qui ne se ferme pas, c'est Champaigne. Je pense en les regardant. La peinture est ma pensée  », déclare l’artiste Ronan Barrot (Paris, septembre 2024), au sein toujours du mini catalogue passionnant (en page 3), distribué gratuitement in situ, de son expo Miscellanées à BLR.

Alors, posons-nous clairement la question suivante : la vraie peinture existe-t-elle encore ? OUI, par Toutatis ! Et c'est donc à la Villa Saint-Cyr, via Ronan Barrot en accès libre, bénéficiant, non seulement du concours fort précieux de Philippe Ancelin (très bon pédagogue, d’un abord très facile), mais également de la participation amicale de François Fauchon, grand collectionneur du peintre, médecin cancérologue, spécialisé en tumeurs cérébrales, de Caroline Vossen, issue de l'Avant Galerie (anciennement figure cardinale de la galerie Claude Bernard, reprise depuis quelque temps par Michel Soskine, neveu du si regretté et mythique galeriste « vénitien » Claude Bernard, disparu le 16 novembre 2022, à l’âge vénérable de 93 ans, ayant représenté quelques grands noms de l'art du XXe siècle tels, excusez du peu, Francis Bacon, Sam Szafran, Balthus, Lucian Freud, Geneviève Asse, Paul Rebeyrolle, Fernando Botero, Jacques Truphémus et autres Zoran Mušič), ainsi que de Philippe Marin, l'industriel si sympathique, à la boutique à Arcueil (94), au nom éponyme, pour matériel d'arts plastiques pour étudiants, artistes professionnels et… amateurs.

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Vue d’ensemble de l’expo Barrot à Bourg-la-Reine, Salle de la Cheminée (Villa Saint-Cyr), le grand tableau en arrière-plan : « Encore », 2018, Ronan Barrot, 200 x 250 cm
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Portrait de Ronan Barrot (©photo VD), devant son autoportrait, le 26 septembre 2024, au sein de son expo perso « Miscellanées » à la Villa Saint-Cyr de BLR, 92

Un mot justement, de Ronan Barrot (lors du vernissage public de cette présentation personnelle, c’était le 26 septembre dernier, au soir, Villa Saint-Cyr), à l'aise tant avec les pinceaux qu'avec les mots et pirouettes langagières (grand amateur de jeux de mots à tendance provocatrice ! N'oublions pas qu'il suffit qu'on ne change qu'une seule lettre à son prénom pour qu'il devienne... Roman) : « Son père Antoine [Marin, au sujet de Philippe, le marchand de pigments, de pinceaux, de toiles et de chevalets] a même fourni Picasso, c’est comme une grande famille, maintenant son fils David a pris le relais, c’est une aide aux artistes, sur plusieurs générations. C’est une histoire. Ils nous soutiennent. Il livrait aussi le grand Jean-Pierre Pincemin, que j’admire, et dont j’ai appris qu’il avait exposé ici, en mettant une toile directement dans la cheminée [la Villa Saint-Cyr est à l’ancienne, old school dirons-nous], alors j’ai fait pareil ! Quant à François [Fauchon], je le remercie grandement, c’est mon plus gros collectionneur, figurez-vous qu’il me collectionne depuis le berceau ! On le dit collectionneur, certes c’est vrai, je le suis aussi, tous les artistes, à vrai dire, collectionnent, mais je n’aime pas trop ce terme, je lui préfère celui d’amateur, il est plus juste, moins pompeux. Aussi, je finirais sur ces mots de Delacroix, sans pour autant, me prendre la grosse tête, "J’espère qu’il me reste le charme de l’amateur". Allez [lorsque Philippe Ancelin rappelait combien il est difficile d’organiser, de nos jours, une expo Barrot, "Un peu éparpillé, Ronan, c’est comme du vif argent, il vous glisse entre les doigts, mais son œuvre est tellement exceptionnelle qu’on lui pardonne bien des choses. Bref, profitez de cette expo malgré les nombreux aléas, et retards, qui l’ont vue naître"], ALÉAS… JACTA EST  ! »

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« Blume », 2021, Ronan Barrot, 35 x 27 cm

Concernant les « noces heureuses » possibles entre artistes et collectionneurs, Ronan Barrot affine le tir, lorsque dans le catalogue accompagnant son expo « recueil », ou « au choix », à BLR, à la question pertinente suivante de l'intervieweur Philippe Ancelin ("Peux-tu me dire quelques mots du rapport du peintre à ses collectionneurs ? Les liens entre la vie et l'art sont-ils indissociables ?"), il répond, en page 6 : « Matta a dit à un de ses collectionneurs : "je suis obligé de créer quelque chose en cachette de toi, car tu as tout de moi et tu veux ma mort". C'est un peu raide, mais il y a de ça. C'est une maladie contagieuse. Beaucoup d'artistes collectionnent, beaucoup de collectionneurs composent leur collection. Regardez Picasso et son Le Nain, ses Cézanne, ses copies, son petit musée de grand peintre. Dans le zoo humain, il n'y a pas plus drôle que l'enclos "artistes et collectionneurs". Toute la peinture se tient là et pas là, c'est un secret de polichinelle. Il suffit de bien regarder les bustes des commanditaires dans les tableaux du passé, tout est dit. À se faire tailler le portrait, on apprend toujours quelque chose.  »

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Aux côtés du peintre Pat Andrea (à gauche), François Fauchon, collectionneur invétéré de Ronan Barrot, à la Villa Saint-Cyr, fin septembre 2024 (©photo VD)

Quant au collectionneur François Fauchon, il précise (en août 2024, pp. 19/22 de la brochure Miscellanées), avec clairvoyance, si ce n'est vista, ceci, lorsque Philippe Ancelin lui demande, en page 22, pourtant il est autant attaché à la peinture engagée de Ronan Barrot et "Comment vois-tu ton rôle auprès de Ronan ? Amateur privilégié, soutien, mécène ?" : « Au fil des années et des expositions, j’ai vu son travail s’approfondir, se complexifier. Je n’ai jamais raté un seul de ses vernissages, que ce soit à la galerie Trafic, chez Jean-Michel Marchais, chez Éric Mircher ou chez Claude Bernard, jusqu’à ses expositions internationales de Leipzig à Shanghai. Cette dernière exposition, où il a été sélectionné parmi 100 peintres français, a connu un succès retentissant, aussi bien auprès des collectionneurs que des institutions muséales. C’était un honneur pour moi d’être présent en Chine, de soutenir son travail, non seulement auprès du public mais aussi auprès des institutions et même de la télévision chinoise. En tant que collectionneur, c’est pour moi une mission de soutenir tant financièrement qu’humainement un artiste dont le travail résonne si profondément avec les enjeux de notre temps. »

Quelques lignes plus loin, Fauchon ajoute : « Je suis à la fois soutien, mécène et ami. Mais notre relation va bien au-delà de ce simple soutien financier. Ronan m'apporte autant que je lui apporte. Dans mon métier de cancérologue, je suis confronté quotidiennement aux questions de vie et de mort, et ces thèmes se retrouvent dans l'œuvre de Ronan. Il m'aide à voir le monde sous un autre angle, à comprendre des aspects de la condition humaine que je ne perçois peut-être pas dans ma pratique professionnelle. Nos échanges, qu'ils soient sur la peinture, la philosophie, la musique ou la vie en général, sont essentiels à ma propre quête. »

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Il était une fois Ronan Barrot à Bourg-la-Reine...

Entretiens exclusifs avec Philippe Ancelin et Ronan Barrot, au sujet de « Miscellanées »

De mon côté, lorsque j’ai demandé ceci à l’organisateur de l’événement – Est-ce que ces Rencontres d’art contemporain (pas toujours aimé, c'est le moins qu’on puisse dire, du grand public) attirent du monde à Bourg-la-Reine et lesquelles – perso, je me souviens, in situ, des expos Pat Andrea, Nazanin Pouyandeh ou encore David Lefebvre – ont pu se tailler un joli succès (si vous avez une anecdote à nous raconter, je suis preneur)  ? Voici la réponse de Philippe Ancelin : « Nous avons créé les Rencontres d’Art Contemporain avec Jean-Noël Chevreau [ancien maire de Bourg-la-Reine, de 1991 à 2016] afin de permettre une découverte par le public réginaburgien de l’univers d’un ou d’artistes. Successivement, au fil des années, nous avons reçu Seguí, la famille Cane, Erró, Pincemin, Cremonini, Pat Andrea et famille, Viallat, pour les grands anciens. Il y a eu aussi, entre autres, dans le désordre, Simon Pasieka, Raphaël Barontini, Vincent Bizien, Youcef Korichi, Nathanaëlle Herbelin, Frédérique Nalbandian (plasticienne), Laurent Fiévet (vidéaste), Mykola Tolmachev. Le mot Rencontres n’est pas usurpé car Rencontre avec un artiste avec lequel je peux traiter directement, avec son galeriste aussi et, comme il y a tant de façon de faire ce métier, c’est toujours un enrichissement [pour ma part (NDLR), je confirme qu’une ambiance chaleureuse, quasi familiale (ce n’est pas pour rien que le peintre Pat Andrea, revisitant inlassablement Alice au pays des merveilles, y avait exposé en famille, avec femme et enfants), règne à la Villa Saint-Cyr, endroit ô combien convivial, fort propice aux discussions à bâtons rompus, comme au coin du feu, et aux partages d’idées]. En ce qui concerne les anecdotes, une des plus savoureuses est lors de l’expo Viallat, des actions ayant été faites avec les écoles, un enfant est venu avec ses parents, ‌"pour venir voir le peintre qui fait des beefsteaks mal faits ‌" ».

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Philippe Ancelin, commissaire d’exposition, et Ronan Barrot, peintre, en septembre 2024, dans le cadre de l’expo-événement « Miscellanées » à Bourg-la-Reine, Villa Saint-Cyr, ©photo VD

Autre question de ma part – Qu’est-ce qui fait selon vous la force et la pertinence du peintre Ronan Barrot (quelle est sa place dans le champ de l’art actuel) ? Réponse de l’intéressé (P. Ancelin) : « Pour moi, la force de Ronan Barrot est qu’il témoigne du fait que la peinture est toujours diablement vivante et ce même si d’aucuns l’imaginaient moribonde. Sa place est pour cela primordiale dans la peinture d’aujourd’hui. Son intelligence et sa vaste culture lui permettent d’appréhender toute l’histoire de l’art avec une facilité déconcertante. Sa manière puissante et expressionniste le fait reconnaître aussi à létranger.  »

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« Autoportrait » (détail), 2023, Ronan Barrot, 72 x 50 cm, Salon, Villa Saint-Cyr

Puis, je me suis adressé directement à l’artiste peintre – Cher Ronan, avec le temps, il y a un mystère autour de votre dessin (quand vous exposez, de la part de certains visiteurs, il n’est pas rare d’entendre ceci : ‌ ‌"Barrot, on ne voit jamais ses dessins !"). Pourquoi, sauf erreur de ma part, vous n’exposez jamais, en lieu public, vos dessins (supports feuilles) ? Ils existent (mais c’est un secret) ? Ou, de toutes façons, vous attaquez (à savoir dessinez direct) sur la toile ? Je sais, par exemple, que vos crânes peints, très souvent matiéristes, viennent de vos restes de palettes.

Ronan Barrot : « Je montre mes dessins dans la galerie de Hubert Duchemin et celle de son fils Ambroise Duchemin [galerie d’art à Paris qui participe régulièrement, au printemps, au Salon du Dessin au Palais Brongniart dans la capitale]. Hubert est devenu un ami quand j’avais 18 ans aux Beaux-Arts. Je suis ami avec sa famille. Au départ, je montrais peu mes dessins. Pudeur ou prudence ? C’est vrai que je dessine directement sur la toile. Je n’aime pas la distinction entre peinture (sous-entendu sur toile) et dessin (sous-entendu sur papier). Cela me semble plus être un scrupule d’exposant qu’une nécessité d’artisan, qui éprouve le dessin en peignant, et la peinture en dessinant. Comprendre : regarder et ajuster, réaliser sa sensation. Voilà l’histoire. Par ailleurs, j’ai déjà montré, chez Claude Bernard [son galeriste depuis 2005, qui le montra même à la Fiac cette année-là] et au Festival d’Avignon [Église des Célestins, juillet 2017], de grands dessins sur toiles teintes ; un a d’ailleurs été acquis par le MAMP [Musée d’Art Moderne de Paris] et on peut encore en voir un autre au musée contemporain de Langfang [Ennova Art Museum, en Chine]. »

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Au-dessus de la cheminée (Villa Saint-Cyr), mais ne faisant aucunement tapisserie : « Paysage », 2018, Ronan Barrot, 90 x 213 cm

Deuxième question, de ma part - Un tableau récent que vous présentez, salle de la Cheminée, a une forte présence (Apprentissage de la solitude (II), 2024), pouvez-vous me raconter son histoire (genèse ou anecdote éclairante) ? Scène peinte inventée ou bien relevant d’un récit, d’une de tes lectures par exemple (le titre de l’expo, Miscellanées, est d’ailleurs, ceci n’est pas une critique !, très littéraire) ? Réponse du peintre : « On m’a donné ce titre – Miscellanées - que je n’ai pas aperçu à la lecture pour le bon à tirer. Ça m’a fait marrer, c’était mieux que Chrestomathie ou ‌"Miss de l’année". C’est tout simplement des tableaux que j’étais content de pouvoir montrer ou remontrer, peut-être de les tester ensemble. L’Apprentissage de la solitude est venu à la confluence de plusieurs dessins et peintures dans l’atelier et dans le creuset fertile des textes de Pierre Autin-Grenier [l’un de ses auteurs favoris, avec également Victor Hugo, Éric Vuillard et Pierre Michon, publié dans la collection L’Arpenteur chez Gallimard]. »

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« Portrait Éric Vuillard » 2023, Ronan Barrot, huile sur toile, 162 x 97 cm
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En arrière-plan (Villa Saint-Cyr) : « Saturne », 2020, Ronan Barrot, 55 x 33 cm, coll. François Fauchon

Dernier point, et non des moindres, lorsque Philippe Ancelin demande au peintre (in catalogue Miscellanées, p. 4) comment il voit son évolution depuis ses tout débuts, lorsqu’il sortait, direct, des Beaux-Arts de Paris, Barrot répond tout de go : « C’est trop tôt pour le dire. On verra à la fin.  » Affaire à suivre, donc !

Bon, allez, je n’en dis pas plus, cherchant à éviter toute glose inutile, c’est une peinture, celle, puissamment instinctive et grandement érudite, de Ronan Barrot (relevant assurément d’une profonde nécessité intérieure, il est entièrement peintre, dixit Céna), qui parle par elle-même, sans faux-semblants : elle est cash, agissant comme un uppercut visuel en pleine poire. Aussi, un conseil, n’attendez plus pour aller rencontrer, et ce jusqu’au 13 octobre prochain, cette peinture aventureuse, si pénétrante, du hic et nunc, à la croisée de l’abstraction et de la figuration, à la fois savante et populaire, follement vivante et éminemment ténébreuse (caravagesque ?) qui, à n'en pas douter, à la Villa Saint-Cyr, vous regardera autant que vous la regarderez, au sein d'une expo de qualité tout bonnement muséale. Bon voyage et, qui sait, « bonne perdition » avec, histoire de mieux se retrouver, en sa précieuse et rare compagnie, au plus près de son être-là.

Exposition personnelle Ronan Barrot, Miscellanées, dans le cadre des XXVIIe Rencontres d’Art Contemporain, avec le soutien du Département des Hauts-de-Seine, du 27 septembre au 13 octobre 2024, au rez-de-chaussée de la Villa Saint-Cyr (25, Boulevard Carnot – 92340 Bourg-la-Reine), ouvert tous les jours de 15h à 19h, entrée libre, maison patrimoniale appartenant à la ville, facilement accessible par le RER B, cette villa sur trois niveaux, très sympa et particulièrement verdoyante à l’extérieurse trouve à deux minutes à pied, en passant par la rue de la mairie, de la gare. Service Événementiel : 01 79 71 40 63 / [email protected] 


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2 réactions à cet article    


  • LeMerou 15 octobre 08:58

    @Vincent Delaury

    Bonjour,

    La peinture, quelle que soit son style est un Art indéniablement, loin de moi de remettre en cause ce dernier. Au delà d’un savoir technique obligatoire entre en jeu aussi l’esprit créatif de l’artiste qui peut être étonnant. Ont aime ou ont n’aime pas, l’Art selon moi ne se juge pas vraiment. Il y a beaucoup de trop de facteurs, il faut rester sur l’émotion que l’oeuvre suscite et c’est je pense l’essentiel.

    Par contre ce qui me fait toujours horreur dans l’art ou se qui se prétend l’être parfois c’est toujours la « dithyrambique » voir « métaphorique » des propos qui l’accompagne tant à propos de l’oeuvre ou de l’artiste, ne se justifiant aucunement. 

    Mais cela n’engage que moi évidemment.

    Toutefois merci d’avoir porté à notre connaissance ce peintre.


    • Vincent Delaury Vincent Delaury 15 octobre 09:07

      @LeMerou « Toutefois merci d’avoir porté à notre connaissance ce peintre. »
      Voilà, c’est ça le plus important, à mes yeux ; après, à vous d’avoir votre propre lecture (tant mieux, d’ailleurs). La peinture est débat, bataille, ébats, etc.

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