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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Rio, journal du carnaval

Rio, journal du carnaval

Lundi, 23 Février 2009.

20h03, Ipanema : taxi pour l’Avenida Marquês de Sapucaí.

Effervescence sur le calçadão (la promenade) de l’avenida Vieira Souto, les fêtards déjà costumés fourbissent leurs armes, les cris et les rires gras annoncent une nuit agitée.

Le parcours qui mène au Sambodrome est à l’image de Rio, très contrasté. Immeubles luxueux sur le front de mer et bâtisses en briques rouges dans les entrailles de la ville.

Rio est une ville envoûtante, comme peut l’être une femme fatale, belle à en crever, attractive mais dangereuse.

La tension est palpable, enfin pas pour tout le monde, les jeunes qui vendent les boissons fraiches sur les stands improvisés affichent un visage indifférent, le même que celui des gamins, quelques fois accompagnés de leurs parents, qui ramassent les cannettes usagées pour les revendre aux recycleurs. Ce n’est rien de plus qu’une bonne nuit de travail.

Les vitres du taxi sont fumées, impossible de prendre une photo à travers ce filtre, surtout la nuit. Pratiquement toutes les voitures de Rio sont équipées de vitres fumées, pour des raisons évidentes de sécurité.

Nous passons par des ruelles sombres, quelques voitures de police militaire, lumières de gyrophares allumées, son postées dans les recoins pour sécuriser le trajet. Le chauffeur de taxi est silencieux, il faut reconnaître que nous ne sommes pas très bavards non plus.

Nous débouchons sur un grand axe, le trafic est dense, les conducteurs ne respectent pas la file, chacun essaie de gagner du temps au détriment de l’autre. On se croirait à Marseille, hélas pour la cité phocéenne, la comparaison s’arrête là.

Le cœur de la fête palpite, les barrages filtrant sont nombreux. La compagnie à laquelle appartient notre taxi possède l’accréditation qui permet de laisser les clients à la porte de Sapucai. Immense privilège que de pouvoir être déposé à l’entrée même du carnaval. D’autres, une fois descendus du taxi ou sortis du métro, devront marcher, se perdre et passer par plusieurs filtres avant d’arriver à bon port.

20h42 : arrivée dans le quartier populaire qui jouxte le sambodrome. Les chaises et les tables en plastique sont sorties au pied des maisons. Les télés commentent les préparatifs du carnaval et les postes radios crachent une musique qui semble être du funk des favelas. Impassibles, de vieux cariocas aux visages émaciés suivent les voitures du regard, les femmes adossées aux barreaux des modestes maisons discutent en faisant de grands gestes.

Torses nus, canette de bière à la main, les jeunes déambulent sans prêter attention aux demoiselles en shorts moulants et chaussures à talon compensé qui rient aux éclats.

Je regarde la température extérieure sur le tableau de bord : 30° et la soirée ne fait que commencer.

Même si le spectacle n’est pas à la portée de toutes les bourses personne ne pourra circonscrire le carnaval, il finira par déborder de son lit comme un fleuve en furie et entrainera tous les habitants du quartier dans son rythme effréné. Certaines digues sont fragiles.

20h47 : entrée principale, distribution de préservatifs et de fanions des différentes écoles. Nous vérifions que nous avons bien notre pass et notre carte magnétique que nous introduisons dans le tourniquet. Une fois à l’intérieur nous mettons autour du cou notre carte de localisation, direction les tribunes.

Carte de localisation plastifiée
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Carte de localisation, verso.

 
Rien n’est laissé au hasard, tant du point de vue de la sécurité que du confort.

Les années de carnaval on fait de cette institution carioca, le pilier de l’industrie du tourisme. En 2009 cela se traduira sans doute par plus de 500 millions de dollars de retombées et 719 mille touristes. Exceptionnel pour deux jours de carnaval, et en temps de crise je vous prie.

Une fois à l’intérieur le spectateur est frappé par la majesté des lieux et la lumière aveuglante des projecteurs. La passerela do samba nous fait prendre la nuit pour le jour. Le temple de béton brille de mille feux. On reconnaît bien la patte de Niemeyer.

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Apoteosa, la fameuse arche en beton construite par Niemyer surplombant la fin du sambodrome. © mmc

Le projet de bâtiment, inauguré en 1984, a été confié au grand architecte brésilien pour donner un lieu permanent au carnaval.

Il est 21H52, on prend plaisir à perdre le nord.

Mes amis et moi même nous dirigeons vers nos places. J’ai conscience d’être relativement priviligié, les cadeiras de pistasont des espaces de fauteuils a hauteur du sol, près du défilé. Les notres se situent en fin de piste près de la place de l’apoteose où a lieu la dispersion des sambistes.

Une rue nous sépare desarquibancadas, les grands gradins aux places non numérotées, un peu éloignés des pistes. Bref, la classe éco du carnaval.

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© mmc

Il existe aussi la première classe. Les camarotes, loges privées pouvant atteindre des milliers d’euros. Certaines loges louées par des sponsors offrent des places à quelques privilégiés.

Célébrités, starlettes siliconnées et anonymes s’y bousculent dans l’espoir d’apparaître dans les pages centrales de la presse people.

A 110 reais, pour une place de choix, je peux m’estimer heureux.

21h59 : L’hymne national annonce le début des festivités. La main droite sur le cœur, spectateurs, pompiers et policiers sont au garde à vous.

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Sambodrome, au moment où retentit l’hymne national. © mmc

Un feu d’artifice annonce l’entrée de la première école de samba qui sera suivie d’autres dans cet ordre :

- Ecole Perto da Pedra

- Salgueiro

- Imperatriz

- Portela

- Mangueira

- Viradouro

Chaque école devra réunir dans la bateria (ensemble de percussion qui accompagne le chanteur) un minimum de 200 percussionnistes. Le temps du défilé ne pourra dépasser 82 minutes.

La machine est lancée sous une chaleur accablante.

Festival de costumes, chariots et paillettes.

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© mmc




La première école passe dans la joie et la bonne humeur, le public danse, rit et fait crépiter les flashs.

Un gringo lourdingue, les yeux vitreux, s’agite dans tous les sens. Maladroits et pesants, ses pas de danse trahissent le touriste en goguette.

Une femme mûre en micro short secoue sa cellulite au rythme de la samba. Une bière fraiche dans une main, une cigarette dans l’autre, elle mord allègrement l’hamburger que lui tend son mari.

Arrive le clou du spectacle, l’école de Salgueiro. Le public unanime se lève et reprend le refrain deTambor. Le rythme gronde et et se propage comme une onde sismique. Peu importe si les gradins vibrent, ils en ont vu d’autres.

Harmonie de couleurs, allégresse, adresse, équilibre, créativité et fantaisie. Tous les critères du champion sont remplis. Nous nous regardons avec un sourire complice, « Elle sera championne, pas de doute ».

Suivent les autres écoles.

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Tout est possible, on peut sauter par-dessus le soleil ! © mmc

67 minutes, Imperatriz est dans les temps même si les chariots sont poussifs.

La bière s’avale par quintaux, la sueur imprègne les tee-shirts.

La chanson de portela ( 04. E por Falar em Amor, Onde Anda Você.mp3 - ) , fait lever une mer de fanions bleus et son refrain : « ô,majestade do samba. Meu orgulho maior é a tua bandeira chegou minha Portela » donne des frissons au public. Et croyez-moi c’est contagieux, je vois mes poils s’hérisser et mes pieds bouger en rythme, la communion est parfaite.

Elle sera classée dans les trois premières.

Un vieil homme, torse nu, crâne brillant danse à côté d’un semi travesti. Ce dernier bouge à la perfection. Ongles vernis et slip en satin dépassant du short en jean, ses pas de samba sont précis, agiles, j’oserai même dire acrobatiques. Le spectacle est cette fois-ci dans les gradins.

Les couleurs ne se sont jamais si bien mélangées.

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Premiers signes de fatigue, mon voisin a les yeux mi-clos et les bras ballants. Le programme que je tiens dans les mains est déjà tâché et froissé.

A ce stade je ne sais plus quelle école défile et je m’en fiche.

4H50 : Le ciel est constellé de paillettes, il est temps de filer.

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Pluie d’étoiles et soleil © mmc

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2 réactions à cet article    


  • dalembert 14 mars 2009 14:51

    Rio est une ville envoûtante, comme peut l’être une femme fatale, belle à en crever, attractive mais dangereuse.

    Rien que ça : Poncifs et lieux communs.

    J´habite Rio, MMC n´a rien vu...
    qu´une suite de clichés touristico-sociologiques.

    Vraiment dommage ça vaut bcp mieux .


    • MMC 14 mars 2009 15:16

      Puisque Dalembert habite Rio et qu’il n’a pas encore publié d’article. Je propose qu’il en fasse un bien conforme à la réalité, on pourra alors juger sur pièce.


      Je vis également au Brésil et le propos de mon article n’est pas de faire une étude sociologique de Rio mais de décrire le carnaval tel que je l’ai vécu.





       

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