Robert CRUMB : la contre-culture underground entre au musée
Le Musée d'Art Moderne de Paris consacre, du 13 Avril au 19 Aout 2012, une exposition au "pape" de la BD underground US : Robert CRUMB ; un évènement !
Pour ceux qui ne connaitraient pas encore le créateur de "Fritz the cat", de "Mister Natural", de "Mister Snoid", de "Belle d'un jour" et autres affriolantes et plantureuses vestales , objets de tous les fantasmes sexuels, des pochettes légendaires des disques de blues et de rock, jusqu'à sa récente "Genèse" en images, l'occasion est unique, de découvrir le génial et unique auteur subversif, qui a dynamité la puritaine culture US depuis les années 60...
C'est en 1967, qu'en réplique aux abêtissants et infantilisants "comics" US des collections Marvel et autres sous-produits d'une culture US vouée aux "super-héros", quand ce n'est pas aux mièvreries disneyennes, que Robert CRUMB, avec l'aide de quelques autres dessinateurs désireux de briser les codes lénifiants d'une presse entièrement sous l'emprise des ligues de vertu et de la glorification de la puissance américaine, sort, surgi comme un véritable coup de tonnerre, le premier "COMIX" de la culture underground : ZAP, qui sera suivi de beaucoup d'autres : Raw, Weirdo, Armadillo, Home Grown, The Freak Brothers, etc....
Underground, parce qu' il s'agit de comic books auto-produits sous forme de fanzines ou édités dans le cadre de la small press, (c'est à dire auto-distribués, hors des circuits de distribution classique, dans des boutiques alors spécialisées), dans les années 1960 et la première partie des années 1970, associés à la culture underground, à la beat generation et au mouvement hippie. L'influence des principaux auteurs de cette première période (Robert Crumb, Gilbert Shelton, avec ses "Freak Brothers") va conduire à un développement mondial de la bande dessinée underground, où vont être "lancés" de nombreux dessinateurs de grand talent : Art Spiegelman, Vaughn Bode, Kim Deitch, Justin Green, Rick Griffin, Jay Lynch, Dan O'Neill, Trina Robbins, Robert Williams, S. Clay Wilson, Charly Burns, Richard Corben,et bien d'autres..
Dans une Amérique alors en plein bouleversement culturel, sous l'influence de l'ensemble de cette contre- culture, ces fascicules ne sont, évidemment, destinés qu'aux adultes, mais ils vont marquer toute cette génération et celles à venir, par leur évocation sans retenue du sexe, de la drogue... et des courants musicaux issus de la musique "nègre" ; blues, rock 'n roll, rythm n' blues, etc...
Robert CRUMB aura été l'initiateur, versus bd, de cette contre-culture, surtout sur le plan de la libération sexuelle, mais avec tout le recul et la lucidité, pour en montrer les aspects abusifs.
Dès le 1er numéro de Zap, on voit apparaître un de ses personnages récurrents ; l'ineffable "Mister Natural" ; sorte de gourou désabusé et cynique ; profitant de la crédulité de ses "fidèles", tant sur un plan matériel, que sexuel (pour ses groupies) ; jubilante caricature dénonciatrice des escrocs en tout genre, profitant de la culture "new age" pour abuser de la crédulité d'une jeunesse en manque de repères.
Puis surviendra "Fritz the cat" : héros totalement paillard, porte-parole des obsessions sexuelles de son auteur, dont Ralph Bakshi fit une adaptation en un des premiers dessins animés pour adulte. Mais Crumb a toujours considéré le résultat comme un ratage et refusé d'y être associé ; c'est d'ailleurs après la sortie du dessin animé qu'il décidera de faire assassiner son héros Fritz par une autruche, avec un pic à glace.
D'un point de vue graphique, CRUMB est un artiste polyvalent ; se situant dans la lignée des grands dessinateurs classiques de la BD US ; à mi-chemin entre un Disney trash, un Tex Avery paillard, et d'autres plus classiques, comme Rudolph Dirks (The Katzenjammer Kids ; soit, en France, Pim, Pam, Poum), E C Segar (Popeye), ou même très graphiques, comme Burne Hogart (Tarzan).
Toute l'oeuvre de Crumb est marquée par des thématiques très personnelles, et le plus souvent par ses obsessions sexuelles : confessant, sans fausse pudeur, ses inhibitions, ses fantasmes, ses difficultés relationnelles, ses frustrations, ses aigreurs, bref tout ce qu'il peut y avoir "d'humain", avec un manque de complaisance et une honnêteté totales qui le feront rejeter par les gardiens des dogmes puritains, fustigeant l'obscénité de l'exposition de certaines réalités ou de nombreux fantasmes.
Les femmes "crumbiennes" sont , pour la plupart, des créatures immenses, opulentes, charpentées comme des athlètes, auprès desquelles l'homme n'est qu'un être petit, faible et fragile ; qu'elles soient wasp, jap, ou blacks, elles ont en commun une sexualité latente totalement débridée, voire limite SM...
Il est clair qu'il s'agit là de fantasmes tout à fait personnels, qu'il exposera d'ailleurs clairement dans un livre, paru en 2007 : "Mes problèmes avec les femmes".
En 1994, le cinéaste Terry Zwigoff tourne Crumb, un film documentaire consacré à la carrière de Robert Crumb, à sa vie et à sa famille.
Depuis 1995, il vit dans le sud de la France, avec sa femme ; Aline Kominsky-Crumb, avec qui il publie, en 2011, un livre : "Parle moi d'amour". Denoël Graphic.
Collectionneur de disques 78 tours, il se passionne particulièrement pour le blues, le jazz, la country et l’Old-time music, ainsi que pour le bal musette parisien des années 1920 et 1930, dont il est l'un des plus fins connaisseurs. Il a réalisé la pochette de nombreux disques, notamment ceux des Primitifs du futur (groupe dans lequel il joue occasionnellement du banjo et de la mandoline).
Il a fait de nombreuses superbes pochettes de disque de rock et de blues, dont le fameux "Cheap Thrills" de Janis Joplin , et "Mister Nostalgia"
En 2009, il a surpris ses fans, en publiant, chez Denoel Graphic, une oeuvre monumentale de plusieurs années de travail : une bande dessinée biblique de "La genèse", en plusieurs volumes.
C'est donc une partie de l'oeuvre de ce génial graphiste suversif, qui a révolutionné l'art de la BD US, qui est actuellement exposée, jusqu'au 19 Aout, au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris : un évènement qu'aucun amateur de BD ne saurait manquer.
Avec CRUMB, c'est tout l'art de la contre-culture qui fait son entrée dans les circuits de la culture "officielle" : une reconnaissance tout à fait légitime, pour un artiste majeur, et un régal pour les amateurs.
21 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON