« Rocky Balboa » en DVD : « Sly, staying alive ! »
Soyons clairs, Rocky Balboa (de Sylvester Stallone, avec lui-même, Burt Young... - États-Unis, 2006, 2 h 05) est un tout petit film, mais il bénéficie d’un parfum de nostalgie indéniable. On peut le voir ainsi comme un autoportrait à peine masqué de Sly, une sorte de bilan biographique de notre acteur-réalisateur. Ici, profitant de sa sortie en DVD ("Le mythe est de retour le 25 juillet en DVD", nous dit-on pour vendre cette galette), je préfère prévenir, je parlerai moins du film que du mythe (américain), qui a été immortalisé, tel un american dream vantant le fameux self-made man, sur les marches aurorales et désertes du Museum of art de Philadelphie. Alors... Rocky, un fantôme, un souvenir, un lieu de mémoire, une madeleine de Proust, une antiquité, une poupée de cire ? Peut-être mais pas seulement !
"J’aurais voulu faire Rocky Balboa cinq ans plus tôt, mais je n’étais pas encore assez ringard pour que mon come-back intéresse le business."
Oui, la saga Rocky, en trente ans et six films, parle essentiellement de Stallone, de ses grosses paluches, de son œil tombant, de son élocution difficile, de sa tête cabossée, vieillie, dépolie et tannée comme du vieux cuir (une sorte de freak, de corps-viande incongru ) et des coups qu’il a reçus, lui, pourtant solide comme un Roc...Ky ! Dans l’opus 6, Rocky - autrement dit Sly - nous prévient : "L’important dans la vie, c’est pas les coups que tu donnes, c’est ceux que tu encaisses." Dont acte. Bon, OK, Rocky, c’est aussi lui qui a initié toutes les conneries patriotiques du ciné US des années 1980, avec Rambo et autres avatars stalloniens à la devise pour le moins brut(e) de décoffrage : "Je suis un cogneur, je cogne !"
Mais, avec ce number 6, Sly nous fait un peu son "Chanel n°5" filmique, la preuve est dans le film : le bouquet de roses fraîches saluant le héros avant un dernier tour de piste. Et puis, notons aussi le titre : Rocky Balboa, ici, pas un numéro, pas un chiffre, mais un nom, un homme quoi, dans sa grandeur et décadence et ça, c’est touchant, cette intériorité soigneusement cachée. D’autant que le réalisateur Stallone sait parfaitement montrer son personnage de boxeur sur le retour, homme parmi les hommes, avec colères longtemps enfouies, forces cachées prêtes à rejaillir de nouveau et difficultés humaines (comment "gérer" l’ascension, la gloire, l’amour, l’amitié... ), qui sont certainement plus passionnantes à suivre - d’où notre coup de cœur - que les éternels combats de boxe, vus et revus à satiété, et ici, au demeurant, assez vite expédiés. Sa mise en scène classique (sens indéniable du rythme, découpage patient, attention aux visages-paysages et aux corps-cicatrices) montre habilement les interrogations psychologiques de Balboa et son désir d’introspection pour mieux se retrouver, debout, telle une force tranquille, car "l’esprit d’un champion ne meurt jamais".
Bon sang ! mais, dans Rocky Balboa, quel plaisir tout de même de retrouver, pour un dernier round (par pitié, Sly, ne nous en ponds pas un numéro 7 sinon tu fiches tout en l’air !), notre bon vieux Sly, une vieille connaissance qui nous poursuit depuis notre adolescence, légèrement passée aux oubliettes des salles obscures depuis quelque temps. Oui, je l’avoue, Stallone, notre saltimbanque bobybuildé number one (!), c’est l’idole de ma jeunesse cinéfoutraque, le mec à la tablette de chocolat, aux biscottos maouss kostos et à la "gueule cassée" pas piquée des hannetons qui m’a fait me déplacer illico en salle pour dévorer des pop-corn amerloques et mater non stop des Rocky, des Rambo et des Cobra à fond la caisse, quitte à être K.O., voire légèrement mou du bulbe !
Je l’ai toujours préféré à son grand rival eighties, à savoir le Gouvernator Schwarzy, parce que je le trouve plus humain (... trop humain) et doté d’une palette de je(u) plus large, plus généreuse, plus bigger than life.
Alors, au risque de passer pour un vieux con cinéphile (ou phage) adepte de la gérontocratie druckero-chiraquienne et consorts - non non, je ne suis pas un quinquagénaire ringard, j’ai seulement l’âge du Christ ! -, je rappellerai simplement aux nouvelles générations montantes, quelque peu moqueuses, que Sly n’a pas fait que des panouilles attachantes à la Pan Cosmatos ou à la Golam, du genre Over the top ou Tango & Cash, il est aussi un scénariste de talent (les histoires trépidantes de Rocky ou de Cliffhanger, c’est lui) et il est très bon acteur (émouvant itou itou) dans des films signés, non pas par des tâcherons hollywoodiens, mais par des cinéastes prestigieux comme Norman Jewison (F.I.S.T.) ou encore John Huston (À nous la victoire), excusez du peu. Respect.
Sly, on l’avait quitté hénaurme, dans un rôle tout à sa démesure, has been désenchanté dans le sublime polar crépusculaire de James Mangold, Copland (1997), et on le retrouve, notre sacré cabotin sympathique en diable, dix ans après pour un... Rocky Balboa (sans doute, le meilleur film de la série avec le 1, remarque y’a pas de mal !) : retour à la case départ donc - eh bien, moi, je dis Banco ! Pourquoi pas ? Certes, c’est un retour plutôt improbable, on pensait le dossier Stallone classé sans suite, mais non, il revient, après un détour oubliable par Driven (Renny Harlin, 2001) et Taxi 3 (Gérard Krawczyk, 2003) et ce n’est qu’un début, j’espère !
Bref, Sly, chère fieffée canaille, bienvenue parmi nous. Dans nos cœurs, tu es toujours... staying alive !
Et je suis sûr que ce mec-là (et ses bonnes vieilles idées), question box-office et films d’auteur hype - Allô Quentin ? Après Travolta, ressuscites-nous Stallone et fissa ! -, en a gardé sous la pédale et peut encore faire sauter la banque ! (Bon, on nous annonce un Rambo 4 en plein tournage mais, après tout, la superstar nous fait peut-être encore un ultime tour de chauffe avant l’apothéose - sur le DVD il est écrit : "La légende s’écrit jusqu’au dernier round." Alors, ma foi, un peu de patience, on y croit !).
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