« Rupture à Domicile » en livraison amoureuse contrariée au Rive Gauche
Depuis presque 10 ans, de reprise en reprise, cette pièce à succès de Tristan Petitgirard est en passe de devenir un Must de la Comédie car son renouvellement du triangle amoureux permet à l’auteur d'y faire fonctionner un véritable enjeu de chaises musicales où le rapport de forces tanguerait entre trois pôles se pliant successivement mais sans jamais pouvoir vraiment rompre.
En effet dans le schéma classique, à l’instar du fameux système quelque peu éculé « L’épouse, l’amant et le mari » où les rôles sont attribués une fois pour toutes, chacun y joue sa partition du mieux que lui accordent les circonstances certes évolutives mais nécessairement liées aux trois assignations initiales.
Alors qu’ici selon une perspective innovante où la communication à distance, spécifique aux moeurs de notre époque, viendrait s’intégrer dans la manière de concevoir, en l’occurence, une rupture amoureuse voilà qu’un tiers pourrait être en charge de transmettre le message sans doute douloureux pour son destinataire mais où la dramatisation devrait être réduite à un impact minima.
Cette méthode, apparemment très cool & clean pour procéder à une déclaration forcément désagréable aux deux futurs ex-partenaires, aurait ainsi l’avantage d’assumer une forme de véracité mais sans devoir en supporter les affres contingents.
A ceci près qu’en introduisant le service marchand d’une telle décision unilatérale, c’est tout un cortège d’aléas non maîtrisables qui pourrait également être initié à l’insu de son expéditeur sans même en pouvoir évaluer les conséquences contre-productives.
Ainsi, si comme dans cette pièce de Petitgirard, Hyppolite charge Eric d’aller prévenir Gaëlle qu’il ne viendra pas ce soir ni même aucun autre soir à venir, la situation pourrait a priori paraître simplissime... sauf, bien entendu, si quelques minutes avant l’heure dite, Hyppo. était soudain en proie au doute et voulait à tout prix empêcher le message et le messager de parvenir à destination.
Et imaginez, en outre, que ce dernier en arrivant au domicile de Gaëlle pourrait lui-même avoir la surprise réciproque de découvrir que cette « cliente » ne lui est personnellement pas vraiment inconnue !...
Bref tous les ingrédients pourraient être désormais réunis pour que les « faux-semblants » côtoient les « fake news » et que de tromperies avérées en aveux repentants les protagonistes passent l’un après l’autre par des sensations de désarroi entrecoupées par des reprises en main factices.
Tous seraient logés à même enseigne dans une sorte de duperie généralisée à géométrie variable où chacun tenterait de tirer la couverture à soi mais sans jamais parvenir à se rendre invulnérable ou hors d’atteinte des failles de sa propre lâcheté.
Dans cette configuration, l’auteur découvrirait qu’il a entre les mains un véritable gisement de modèles contemporains ainsi que de contre-modèles où, au fur et à mesure des révélations plus ou moins pertinentes, chaque protagoniste se retrouverait tour à tour en prise directe avec sa propre incohérence.
De la dentelle à tisser avec jubilation pour un dramaturge s’émerveillant des méandres que le spectateur, au fil de l’intrigue, pourra parcourir à son tour de tout son soul.
D’ailleurs Tristan Petitgirard confie volontiers, qu’aujourd’hui encore, lors de cette reprise avec ces trois comédiens fort expérimentés notamment dans l’humour, il trouve source à faire progresser l’écriture de sa pièce (Meilleur Auteur Francophone Molières 2015) en l’adaptant à leurs comportements talentueux pour faire jaillir de nouvelles pépites jusque-là insoupçonnées.
Comme, de surcroît, il s’en trouve être également le metteur en scène, sous les auspices d’Eric-Emmanuel Schmitt en ce lieu théâtral où il a créé récemment avec bonheur « La maison du loup », c’est dans un cercle ô combien performant que le trio Isabelle Vitari (Nos chers voisins), Loup-Denis Élion (Scènes de ménage) et Cyril Garnier (On ne demande qu’à en rire) vient allègrement pourfendre la cuirasse du politiquement correct finalement aussi mal armée aux relations amoureuses d’hier que de demain... en la transformant en un régal drolatique du jeu de la vérité déclinée au diapason des impératifs aléatoires de l’instant présent.
photos 1 à 4 © Fabienne Rappeneau
photos 5 à 7 © Theothea.com
RUPTURE A DOMICILE - ***. Theothea.com - de & mise en scène Tristan Petitgirard - avec Cyril Garnier, Isabelle Vitari & Loup-Denis Elion - Théâtre Rive Gauche
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