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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Saisir l’ambiance, la lumière à fleur d’eau avec Claude (...)

Saisir l’ambiance, la lumière à fleur d’eau avec Claude Monet

A parcourir l'oeuvre d'un des plus grands peintres de l'histoire occidentale, on prend la mesure de la prégnance du thème de l'eau évoquée à partir de son bateau-atelier à Argenteuil jusqu'aux eaux mouvantes du bassin de Giverny. Une idée fixe qui a guidé chaque étape de sa vie, lui permettant de pousser toujours plus loin ses expérimentations picturales.

 

Les Nymphéas {JPEG}

 

Construire et déconstruire la nature

Ayant choisi la modernité à l'encontre de l'académisme sous son pinceau Monet privilégie la nature dans son caractère le plus insaisissable : la lumière, les nuages, le vent, la simplicité des fleurs et des reflets sur l'eau au fil des saisons.

Historiquement lié au tableau « Impression Soleil Levant » daté de 1872 et figurant l'atmosphère de l'aube dans le port du Havre que le rayon émanant du soleil vient effleurer le mouvement « impressionniste » dont Monet est le premier animateur trouve sa source dans une marine, prétexte à saisir la fulgurance d'un mouvement fugitif de la journée.

Il est ainsi le peintre de l'élémentaire qu'il nous fait partager dans ses séries de paysages. Quelques mois après son installation à Giverny, en fin d été 1891 il décide de poursuivre son travail sur les peupliers au bord du rivage de l'Epte, et ce pendant plusieurs mois. Dans « Effet de Vent, Série de Peupliers » Monet s'efforce de saisir au travers de peupliers aux longues silhouettes le vent dans les feuilles, leurs reflets sur l'eau et leurs mouvements au fil des heures. A travers l'étude des effets de la lumière dans ses subtiles nuances, il parvient à peindre le temps dans son écoulement perpétuel.

En choisissant le paysage comme sujet et non plus comme objet il nous fait partager l'immensité d'une nature pour lui à la fois merveilleuse, toute-puissante et mélodieuse. Au cours de l'été 1897, il crée une série de toiles sur la représentation du cours de la Seine près de sa propriété aux premières heures du jour. Il y retient à contre jour la silhouette de la végétation et les reflets des formes des arbustes sur les eaux calmes du fleuve. On y observe une grande harmonie obtenue à partir de tons pâles et neutres ponctués par des coups de pinceaux d'une grande légèreté qui préfigure une esthétique du sublime que l'on va retrouver dans le cycle des Nymphéas.

Les Nymphéas ou l'abstraction à fleur d'eau

Son génie éclate au crépuscule de sa vie vers l'année 1900, où pendant près d'un quart de siècle, l’artiste va peindre de façon quasi obsessionnelle la surface de son jardin d'eau. « J'ai mis du temps à comprendre mes nymphéas. Je les avais plantés pour le plaisir ; je les cultivais sans songer à les peindre... Un paysage ne vous imprègne pas en un jour... Et puis tout à coup, j'ai eu la révélation des féeries de mon étang. J'ai pris ma palette, depuis ce temps je n'ai guère eu d'autre modèle. » Il se retire volontairement du monde dans un paradis fait à sa mesure pour être peint.

Jusqu'à la fin de sa vie en 1926, il leur consacre environ trois cent tableaux qui sont autant de paysages aquatiques aux nuances infinies. Inlassablement, il scrute le miroitement sur l'eau des nuages et des arbres tout en jouissant des nuances bleu-verte de l'onde. Bientôt tout se mêle comme dans une rêverie. Le ciel, la végétation et l'eau, transposées en une multitude de taches de couleur, donnent le sentiment d'une immersion totale dans la nature. La série des Nymphéas marque un éloignement conceptuel par rapport au projet impressionniste dont il est à l'origine qui consistait à peindre sur le motif les variations du paysage, les jeux de lumière la nature toute entière devenant un vaste atelier. Dans ces innombrables toiles aux proportions monumentales que l'on retrouve à l'Orangerie, l'artiste supprime les bordures végétales plantées autour du bassin et sa peinture y devient pure surface dans des glacis de couleurs translucides.

Ces compositions, dans lesquelles fleurissent des nymphéas, où des reflets dessinent le ciel et les rives, ouvrent la voie à une peinture qui s'est abstraite de l'objet pour mieux saisir le sujet. Progressivement, dans les eaux mouvantes du bassin de Giverny, le sujet perd ses détails et son individualité, les coups de pinceaux deviennent tâches, la forme se désintègre pour devenir pure vibration lumineuse se reflétant à l'infini. La variété des tons allant du bleu pâle au plus sombre, la subtile harmonie chromatique diluent l'espace qui devient indéterminé. La surface de l'eau à la fois plane et profonde, la fusion des éléments produisent un effet de désorientation spatiale propre à l'abstraction.

 

Au fil du temps, de l'aube dans le port du Havre au balancement serpentin des peupliers jusqu'au flux essentiel qui anime les nymphéas, la démarche de Monet aura tendu un miroir à la beauté du monde, au travers une poétique de la rêverie.

« On ne rêve pas près de l'eau sans formuler une dialectique du reflet et de la profondeur » écrit Gaston Bachelard en 1952 dans son court essai sur les Nymphéas.

On peut admirer Les Nymphéas sur le site du Musée de l'Orangerie ici :

https://www.musee-orangerie.fr/fr/article/visite-virtuelle-des-nympheas

 


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26 réactions à cet article    


  • sophie 28 août 2020 12:24

    une économiste qui s’exprime sur l’improductif, c’est génial


    • Clark Kent Séraphin Lampion 28 août 2020 12:24

      Monet est d’une certaine manière le père de l’Abstraction américaine. Pour capter l’instantanéité, Monet avait fini par estomper les motifs figuratifs pour ne garder qu’une atmosphère diffuse, des touches vives et des formes estompées qui ont influencé des artistes d’avant-garde comme Mitchell, Riopelle, Richter ou Kelly.

      lien


      • Eliane Jacquot Eliane Jacquot 28 août 2020 14:56

        @Séraphin Lampion

        La modernité de Monet a en effet raisonné chez les artistes de l’expressionnisme abstrait américain comme vous le soulignez , mais aussi en France chez Nicolas de Staël et Hans Hartung .On assiste dans la deuxième partie du XXème siècle à la naissance d’une nouvelle manière de peindre se dégageant définitivement de la notion de représentativité , véritable révolution picturale où la matière devient une vibration lumineuse ...


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 15:04

        @Eliane Jacquot

        Bonjour. Après le commentaire de Lampion j’ai immédiatement pensé à De Staël...d’un béotien.


      • Clark Kent Séraphin Lampion 28 août 2020 20:54

        @Eliane Jacquot

        « La modernité de Monet a en effet raisonné  »
        résonné aurait peut-être été d’un meilleur usage ?


      • Clark Kent Séraphin Lampion 29 août 2020 10:52

        @Philippe Huysmans

        j’ai bien pensé à Maître Capello en rédigeant le commentaire, mais je me suis retenu !


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 14:49

        Etrange" synchronicité, ce jour est celui de l’EAU sur Agora et dans les médias (cf LA LIBRE sur l’origine de l’eau sur terre,..). Monet résonne comme MONNAIE ou Money en anglais. Ce jour est aussi celui de la Saint HERMES dont nous savons qu’il est associé à VENUS (HERM-APHRODITE) ou La vénus émergeant de l’eau de Botticelli. La Naissance de Vénus est un tableau majeur de Sandro Botticelli, peint vers 1484-1485 et conservé à la Galerie des Offices. Il a été peint selon la technique de la tempera. Et dans le livre de Denis CHRZANOWSKA (astrologie stellaire et mythologie. POSEIDON est ASSOCIE THOTH HERMES TRISMEGISTE (TROIS FOIS GRAND avec le TRIDENT) Le DIEU qui se trouve dans les eaux profondes de l’inconscient.


        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 14:53

          Cela me fait penser à Django et son titre « nuages » ...


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 15:05

            La monnaie virtuelle n’est-elle pas de l’argent liquide,...qui s’écoule comme une onde,...


            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 15:11
              Quelques notes de peinture,...

              Rendre un objet, un paysage, un visage n’est pas simplement le cueillir, le dérober à sa création première. Tendre à sa maîtrise comme un enfant dans un pré vole une pomme sur son passage.
               C’est au contraire lui donner une seconde vie, lui restituer une lumière qu’un regard souvent trop éteint avait délaissé.

               Le crime est dans la confusion.

               Découvrir l’objet, dégager son espace, accomplir sa ligne, chercher ses angles, accorder ses couleurs, épouser son ombre,...c’est aussi le libérer, préserver son mystère.
               L’objet s’est donné,...un instant.
               Il peut à présent s’évader, ou mourir, encore. L’esquisse à naître lui ressemblera peut-être, mais de si loin. 
               L’essentiel est dans sa rencontre, sans laquelle rien ne s’accomplit.
               Si l’objet, même préfiguré n’est pas au rendez-vous, les retrouvailles sont décevantes, la galerie des souvenirs se peuple de fantômes, l’air s’emplit d’échos, de bavardages enguirlandés.
               l’objet parfois se nargue d’une présence, mais la rencontre est amère, la danse macabre, le sang se détache mal du pinceau, la ligne se casse, l’objet se désarticule, grimace, l’espace se tord, l’ombre s’évade. La maîtrise échoue et l’objet se venge.


               On crie au scandale ou au génie.
               Si Dieu est une création à l’image de l’homme, celle-ci n’en est bien souvent que le négatif. Le développement de la pellicule (petite peau) suppose une aptitude particulière qui elle seule laissera se déployer une certaine une certaine idées des « RETROUVAILLES ».

              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 15:18

                Dans Giverny, nous entendons : GIT VERNIS (ci git : est enterré). Le vernis de la création est enterré, il va à l’essen-ciel.


                • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 15:26

                  L’art baroque consistant à reproduire un réel encore plus puissant que le réel est le contraire de l’impressionnisme. L’art du faux plus vrai que la vérité est une tentative désespérée de se saisir du réel pur lutter contre le vide et la dépression ; 


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 15:34

                    @Mélusine ou la Robe de Saphir.

                    Faut voir question musique...


                  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 28 août 2020 16:08

                    @Aita Pea Pea, Marin Marais...


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 19:39

                    @M�lusine ou la Robe de Saphir.

                    Bach Partita en la mineur ...flute solo. J’ai toujours trouvé ce morceau très moderne et qui aurait pu être composé par Debussy.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 20:32

                    @Philippe Huysmans

                    Comme les tableaux de Monet .


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 20:46

                    @Philippe Huysmans

                    Vemeer ...y’a pire comme référence...lol .j’essaye de lier musique et peinture...quelle musique pour Vermeer ?


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 21:13

                    @Philippe Huysmans

                    Musique ténue...oui . J’aime. Mais que jouais t’ont dans les maisons bourgeoises hollandaises au temps de Vermeer ?


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 21:17

                    @Philippe Huysmans

                    Marin Marais...pas d’accord...la viole de gambe j’adore.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 21:24

                    @Philippe Huysmans

                    Juste entamé ton Youtube...merde que le baroque est riche ...


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 21:33

                    @Philippe Huysmans

                    La viole étant un instrument fretté il y a moins d’expressivité . Faudrait parler aussi de la musique compensée qui a été une véritable révolution initiée en partie par Bach ...mais là on entre dans le dur ...lol


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 21:54

                    @Philippe Huysmans

                    Tempérée ... Moi aussi suis autodidacte...il y a quelques années j’avais expliqué le pourquoi et le comment sur Avox...ça m’avais pris des plombes sur ordi ...alors sur Smartphone...pense fréquences , intervals et changements de tonalités et tu verras qu’il y a un bintz instrumental ...la tempérance résout cela...


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 22:15

                    @Philippe Huysmans

                    Dans le temps il y avait Deneb aussi. M’est avis que Armand de la Sourdiere en connait un rayon aussi.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 28 août 2020 22:51

                    @Philippe Huysmans

                    La tempérance permet de nous interroger sur ce que l’on nous présente médiatiquement comme oreille parfaite...qui saurait sans référence ce qu’est un la ...ça n’existe pas...par contre des doués qui a partir d’une note entendue de référence sont extrêmement justes sur les autres...oui .


                  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 29 août 2020 11:28

                    @Philippe Huysmans Pour Monet, je ne vois que : l’après midi d’un faune,....


                  • Samson Samson 28 août 2020 16:38

                    Hi, hi, ...

                    Comme l’anecdote du chêne effeuillé de Fresselines en fait foi, Claude Monet nous fait certes « partager l’immensité d’une nature pour lui à la fois merveilleuse, toute-puissante et mélodieuse », mais pas au point de tolérer que son écoulement saisonnier fasse obstacle à son oeuvre. smiley

                    En vous présentant mes cordiales salutations ! smiley

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