Sarah Vajda célèbre les noces de Berlin et Jérusalem
On se souvient de cette scène bouleversante du film La Chute, dirigé par Olivier Hirschbiegel : Magda Goebbels sacrifie ses six enfants sur l’autel croulant du nazisme. Derrière ces minutes presque inhumaines, il y a une romance d’adolescents empêchée par la complexité du cœur humain : le fol amour qui, dans les années 30, unit la future troisième dame du Reich et le futur fondateur du Parti travailliste israélien.

D’où vous est venue une telle aventure ?
Je suis partie d’une histoire quasi-inconnue : l’écrivain Bella Fromm affirmant dans son journal avoir vu Magda Behrend, la future Madame Goebbels, en larmes sur le quai d’une gare, criant à Haïm Arlosoroff, l’un des fondateurs du Parti travailliste israélien : « Je te rejoindrai ! ». Imaginez : une nazie et un sioniste ! J’ai organisé leurs retrouvailles par procuration, à travers la rencontre imprévue de leurs descendants : Vince, le petit-fils de l’enfant que Madga eut de son premier mariage, et Bèla, la petite-nièce de Haïm Arlosoroff.
Si tout part de Berlin, alors, pourquoi faire démarrer votre roman à Los Angeles ?
A cause de l’incroyable beauté des ciels ! Je me souviens que c’est à l’aéroport de Los Angeles que, pour la première fois, j’ai voulu ne pas rentrer à Paris. Plus sérieusement, cette ville est comme un miroir de Tel-Aviv. C’est à Hollywood, ne l’oublions pas, qu’une certaine élite juive européenne a trouvé un asile sûr en 1933. C’est comme ça, si l’on peut dire, que le Berlin des Juifs est devenu une des étoiles du drapeau américain.
A travers ce roman, voulez-vous dire, à l’instar des humanistes bon marché d’aujourd’hui, que l’amour transcende les clivages ethniques ou idéologiques ?
Je n’ai pas voulu réécrire Roméo et Juliette ni West side story ! Aucun clivage ici. Béla et Vince, mes héros, ignorent qu’ils viennent du même monde. Un monde où une jeune fille allemande, Magda Behrend, pouvait être l’amie d’une jeune fille juive, Lisa Arlosoroff, la sœur de Haïm, au point de camper chez elle, d’apprendre des chants juifs et même de porter une étoile de David au cou. On est loin du clivage ! Il ne s’agit pas ici d’humanisme « bêlant » à la Gary ; il s’agit de réparation. Fille d’un réfugié juif de Budapest, je ne voulais pas quitter ce monde sans avoir expliqué à ma propre fille que le crime a certes bien eu lieu – la tentative d’extermination des juifs d’Europe – mais que ce fait établi ne devait en aucune manière interrompre le procès naturel de l’homme vers la lumière de l’intelligence.
Finalement, les "noces de Berlin et de Jérusalem", expression magnifique qui résume le propos de ce livre, auront-elles lieu à Tel-Aviv, à Paris ou à L.A. ?
Ces noces ont lieu à chaque fois qu’un juif relit le Faust de Goethe et à chaque fois qu’un Allemand est fier d’avoir entendu Freud énoncer son étrange théorie dans la langue de Kant, qui fut aussi, hélas pour lui, celle de Hitler.
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