Scène progressive pop rock française. 1968-1971
Un pas de côté et puis s’en va...
Alors que la musique anglo-américaine rayonne dans l’Hexagone, que Cloclo et Dalida monopolisent les écrans de la télévision française, des petits groupes français tentent d’exister dans les sous-sols enfumés des garages familiaux.
Dans les années 68, au coeur de l’ardent mois de mai, une petite scène underground, faisant fi de l’aura écrasante de sa grande soeur, se lève avec l’espoir insensé d’une reconnaissance qui ne viendra jamais.
Un petit surgissement tectonique vite englouti, une génération de musiciens étouffée dans l’oeuf, dont certains excellents, furent à jamais brisés dans leur élan.
Des groupes qu’il faut d’urgence réhabiliter ou au moins revisiter, ne serait-ce que parce qu’il s’agit de vrais bons musiciens qui, nés à Liverpool ou à San Francisco, auraient pu connaître une tout autre destinée.
Une injustice qu’il convient de réparer alors que l’on s’apprête à commémorer le 40e anniversaire de Mai-68. Un chapitre que je vous propose ici de réouvrir quitte à refermer le livre pour longtemps, si tant est que la pureté et l’innocence de leur musique vous laissent définitivement de marbre.
A cette époque, le conservatisme ambiant était à la hauteur du scepticisme des labels à l’égard d’une nouvelle scène assez peu représentative des goûts du grand public, alors même que distribuer ou reprendre les hits anglo-saxons suffisait amplement à se remplir les poches.
L’histoire commence en octobre1967.
Daevid Allen, musicien australien, ex-membre du mythique Soft Machine forme en France le Banana Moon Band avec Patrick Fontaine et Marc Blanc, ce dernier prenant plus tard la tête du groupe Ame Son.
Daevid Allen fonde ensuite Gong en pleine mode du psychédélique, à la fois groupe musical et communauté hippie. Avec son LP Camembert électrique qui fera les beaux jours de la jeune Fnac, le groupe marquera fortement de son empreinte la scène française des années 70.
Derrière Gong, émergeront des petites formations pop rock plus ou moins éphémères comme le Triptyque d’Alain Renaud, Didier Batard et Clément Bailly, ou encore Triangle, Richard Pinhas, Crium Délirium, Ange, Magma, des noms qui ne vous diront peut-être rien. Pourtant, ils ont fait le bonheur des quelques poignées de chevelus égarés dans la France des années 70.
D’autres, comme Triangle, Les Variations, n’hésitent pas en effet à écumer les petites salles de province pour régaler des cohortes efflanquées de babas cools délivrant la part du rêve de smog londonien, en guise d’alibi aux peu discrètes volutes répandues en ces lieux virginaux.
Des senteurs encore peu identifiables par la maréchaussée.
Ame Son fait partie de ces groupes vite repliés tout comme l’idéologie, laminée après les événements de 68, un des rares (classé aujourd’hui en psychédélique progressif) à proposer un son français, tant on imitait plus souvent que l’on ne créait.
Actuel, Best et Rock & folk, magazines très influents des années 70, ou encore l’émission Pop2 animée par Patrice Blanc-Francard, ont accompagné leurs routes aussi longtemps et aussi loin qu’il était possible de les suivre. Mais, en 70, l’offre musicale explosait littéralement et il y avait tant à découvrir et à faire.
Côté influences, il est évident que cette génération a puisé son inspiration du côté des Cream, The Who, Led Zeppelin, Jefferson Airplane, ou encore des Doors, l’influence de ce dernier étant aisément palpable sur ce morceau tardif de Marc Blanc.
Leur chant du cygne achevé, notons qu’à défaut d’avoir survécu à leur éphémère et relative célébrité, certains d’entre eux feront plus tard le bonheur de nos idoles de variété.
Une génération qui aura eu le mérite de propulser Jean Louis Aubert, un des rares rescapés d’une lignée interrompue, un miracle presque.
« un long chemin s’ouvre devant toi », chantait alors Marc Blanc.
Un rêve plus souvent échoué sur le sable des illusions perdues pour bien de ces gars talentueux.
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