Science-fiction : Lowtechpunk résilient VS Steampunk frelaté
J’ai regardé Alita Battle Angel sur TF1. Mouais. Un joli film, avec de très bonnes performances esthétiques. Pour le reste, c’est l’invraisemblance totale : un mélange de Cyberpunk et de Steampunk, en gros de l’ultra-high-tech intergalactique (Ah, l’Union des Républiques Martiennes où a été fabriquée l’héroïne !) mêlé à la lourdeur des ferrailles et autres laitons glauques, bras articulés ou yeux de verre caractéristiques du Steampunk (quoiqu’à peu près sans « steam » puisque les machines à vapeur y étaient, ce me semble, totalement absentes).
C’est la tendance Steampunk actuelle : on bricole, on customise, et ça s’arrête là. On ne compte plus les petits rigolos, souvent américains, qui se font installer des maisons Steampunk, en réalité des maisons très équipées en technologies diverses, comme on les aime actuellement, mais avec un enrobage, un maquillage rétro-vintage. Le must : c’est l’ordinateur dernier cri retravaillé par un artisan pour bénéficier d’un clavier façon machine à écrire et d’un écran placé dans un cadre en bois ou en cuivre. C’est la négation même de la science-fiction : on vous emballe le présent dans un décor insolite, point final, sans véritable imagination du futur.
Nous aurions tout au contraire besoin d’une science-fiction résiliente, attachée aux possibles, chronologiquement cohérente, proche de l’anticipation et de la futurologie raisonnables, voire de la prospective si on la place dans un futur proche. Ce nouveau genre littéraire, auquel j’ai désiré contribuer quelque peu, je le nommerais volontiers le Lowtechpunk, c’est-à-dire une science-fiction dévoilant un futur hypo-technologique (low tech) et non hyper- ou ultra-technologique (high tech), comme dans la quasi-totalité des productions actuelles. Aujourd’hui, il n’y a guère que les survivalistes (souvent catalogués à droite de la droite) et les collapsologues (souvent à gauche de la gauche) qui envisagent la perspective d’un avenir régressif, ou, si l’on veut, d’un futur rétrograde (très différent du rétrofuturisme frelaté des superproductions actuelles). Mais les survivalistes et les collapsologues – s’ils excellent dans l’essai politique et la critique de l’actualité – s’intéressent moins qu’on ne le souhaiterait à l’imagination d’un futur possible.
Photo : Pablo Servigne, collapsologue
Pourtant avec la raréfaction, puis la disparition de certaines matières premières et ressources naturelles, l’accumulation de pollutions majeures très préoccupantes, la perspective de gigantesques pannes, notamment des méga-bugs informatiques, le tout sur fond de tensions sociétales et géopolitiques croissantes, la Nature comme l’Humanité risquent fort de se prendre un sérieux coup dans les gencives dans les décennies qui suivent…
Nul n’est prophète en son pays, mais enfin, si on me demandait comment je vois l’avenir, je dresserais la liste suivante :
— Évolution du XXIe siècle vers un grand conflit mondial (version dure) ou un grand effondrement (version soft) ;
— Forte diminution consécutive de la population terrestre et de l’espérance de vie ;
— Disparition du monde virtuel et de ses supports technologiques : télévision, internet, numérique, réseaux informatiques, téléphonie mobile (tout l’inverse des fantasmes cyberpunk actuels) ;
— Persistance partielle de l’analogique : radio, téléphone filaire ;
— Persistance partielle de la presse écrite et du livre ;
— Persistance partielle de l’hydroélectricité, du moteur à explosion (agrocarburants) et des réseaux de distribution d’eau ;
— Réemploi massif de la force musculaire animale et humaine (ce qui n’implique pas nécessairement esclavage ou maltraitance) ;
— Amenuisement des idéologies molles (bien-pensance, droit-de-l’hommisme, haine de soi, wokisme, cancel culture, virtualisation, etc.)
— Frugalité et simplicité…
Pour l’instant, les rétrofuturismes frelatés (généralement du Cyberpunk déguisé en Steampunk ou en Dieselpunk) occupent les esprits et trustent l’ensemble de la production littéraire et cinématographique (sans compter les jeux vidéo). C’est ce qui plaît à l’heure actuelle ; il faut dire que les enfants comme les adultes sont de grands naïfs technicistes, qui conjurent la peur des techniques par l’imagination de mondes bizarres… où il y a encore plus de machines ! C’est un peu le retour du refoulé technique. Rares sont ceux qui conçoivent que, dans un avenir plus ou moins proche, on pourrait bel et bien revivre… à l’ancienne !
Ci-dessous, une liste d’ouvrages. On me pardonnera d’avoir mentionné le mien au passage. Bonnes et douces lectures !
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