Scoop : censure aux « César » !
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Tout s’annonçait très bien sur le papier et sur mon écran plasma. Bonne cérémonie des César (2007) vendredi 22 février 2008 au superbe théâtre du Châtelet, récompensant dans l’ensemble de bons films français.
Alain Delon le guépard a rendu un hommage poignant à l’inoubliable Romy. Le beau Melvil Poupaud, très sobrement et avec talent, a rendu hommage, comme il se doit, aux soixante ans de carrière de la grande Jeanne Moreau. L’histrion Roberto Benigni, face à son César d’Honneur, s’est montré (Fanny) ardent comme toujours, et il a rendu un bel hommage au cinéma français, à son Histoire (les Lumière), ainsi qu’à deux grands cinéastes disparus l’an passé : Antonioni et Bergman - sa minute de silence était très forte après ses clowneries festives, bien joué l’artiste. Antoine de Caunes était drôle et punchy, j’ai bien aimé ses petites piques happy few, notamment contre les Jaoui-Bacri (!), et son bestiaire animalier foutraque était, euh... comment dire, poilant - c’était dogville à un moment, ça faisait très Tintin et Milou (vous savez, les fameuses planches 45 et 46 de Tintin en Amérique (1947) lorsqu’un détective privé, mou du bulbe, ramène plein de chiens à notre petit reporter qui vient de perdre Milou, mais c’est jamais le bon !). Au Châtelet, l’autre soir, on a récompensé deux films qui le valaient vraiment : j’ai été ravi pour les César attribués à Persepolis, le très beau film sensible itou itou signé Marjane Satrapi, et les César d’importance (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original), attribués au puissant
Le César de la meilleure musique attribué à Alex Beaupain pour Les Chansons d’amour de Christophe Honoré (film, selon moi, trop absent de cette cérémonie) était mérité, on a encore tous et toutes, je pense, ses chansons entêtantes en tête, telles des ritournelles libertaires, et le compositeur, agacé, a eu raison de reprendre le banal Gilles Lellouche qui avait écorché son nom en le nommant Alex Beaupoint, ou Beaucoin, et pourquoi pas Bonpoint tant qu’on y est ! Bref, un mauvais point pour cet acteur lambda n’ayant pas assez préparé sa remise d’un César, c’est dommage. Seule ombre au tableau, le César pour
Scoop : censure aux César, j’hallucine ! C’est une affaire qui fait grand bruit dans le landerneau cinématographique (presse et monde du cinéma) et ailleurs. Voici l’affaire, il se trouve qu’une partie de la lettre de Mathieu Amalric a été censurée aux César, ni plus ni moins. Tronquée. Coupée nette. Edulcorée. Ratiboisée. Pas de têtes qui dépassent, paraît-il que c’est tendance en ce moment ! Censure par qui ? Antoine de Caunes ? Les boss de Canal+ (chaîne qu’on a connu plus « rebelle » à une époque) ou des César ? Michel Denisot himself ? L’establishment politique ? Sarkozy ? Que nenni, pas de parano inutile. L’acteur et réalisateur Amalric, en plein tournage au Panama pour Quantum of Solace (le prochain James Bond), n’était pas présent vendredi soir au théâtre du Châtelet où il devait recevoir le César du Meilleur Interprète masculin pour Le Scaphandre et le Papillon. Aussi, il a envoyé par e-mail une lettre qu’il voulait qu’Antoine de Caunes lise à sa place, mais il y a un bug : le message de remerciement de l’acteur n’a pas été lu en entier, ledit texte a été censuré dans toute sa dernière partie. Eh oui, c’est bien connu : les absents ont toujours tort. Voilà la polémique lancée : Amalric, furibard, crie à la censure ! Sur le site des Cahiers*, on peut lire : « De Panama je t’envoie le texte que j’avais envoyé au dernier moment aux Césars au cas où. Et comme le cas où est arrivé, il a été lu, paraît-il très bien par de Caunes mais... pas jusqu’au bout. Je n’en reviens pas. Je ne savais pas que c’était si simple que ça, la censure ». Depuis, de Caunes s’est expliqué, plutôt bien d’ailleurs : « Mathieu Amalric a demandé que ce soit moi qui lise sa lettre. A la dernière minute, on m’a passé quatre fiches et j’ai tout lu de la première à la dernière ligne. Vous pensez bien que je ne me serais pas privé d’une déclaration politique ni de la chute sur "se tripoter la nouille". » Renaud Le Van Kim, le producteur exécutif des César (depuis six ans), explique les conditions de cette coupe : « Nous avons reçu le texte par le biais de l’agent d’Amalric dix minutes avant la remise du prix. Sur autorisation expresse de son agent, nous avons décidé, avec Laurent Chalumeau [auteur des textes d’Antoine de Caunes] de raccourcir la lettre parce que nous avions déjà du retard. On a enlevé la partie sur les multiplexes parce que Jeanne Moreau venait, mot à mot, de dire la même chose. »
Bon, c’est crédible, pour autant, ce n’est pas très malin de « censurer » un tel acteur. Mathieu Amalric est un acteur bankable aux 2 César (2004 : Rois & reine, 2007 : Le Scaphandre et le Papillon) et à la carrière internationale assez impressionnante (Steven Spielberg, Julian Schnabel, Sofia Coppola, James Bond...). Aussi, il a des tribunes de choix - et puissantes - pour s’exprimer. La preuve : ce fils de journalistes - Jacques Amalric, éditorialiste à Libération, et Nicole Zand, critique littéraire au Monde - a envoyé un e-mail de mise au point aux Cahiers du cinéma, entre autres. Ceux-ci, par intégrité par rapport au cinéma comme art et par respect pour l’artiste (Amalric, acteur et cinéaste indé), ont décidé de publier l’e-mail et la lettre intégrale sur leur site. Merci à eux. Et pour vous, lecteurs du média citoyen Agoravox, le voici dans son intégralité : "Antoine, tu le lis avec hésitation et bafouillements. Oui bon ben... euh... alors là on frôle le n’importe quoi : Lindon ; trois fois nommé, zéro compression Darroussin ; deux fois... nada Michel ; quatre fois comme acteur... résultat blanc. Et le pompon, Jean-Pierre Marielle. Sept fois nommé !!! Et jamais la fève, même pas pour les Galettes. Chapeau ! ... De Panama, d’où je vous fais un vrai faux-Bon...D. L’autre vilain de Lonsdale aussi il paraît. Enfin, mouais, mais... non ce qui fait plaisir, c’est que Le Scaphandre, c’est bien la preuve qu’un acteur n’existe qu’à travers, qu’en regard de ses partenaires. Parce que qui voit-on à l’image, qui fait prendre vie au Jean-Do de fiction ? C’est Chesnais, c’est Ecoffey, Arestrup, Watkins. Ce sont Marie-José, Olatz, Consigny penchées vers lui, vers moi, vers vous, tendres, drôles et attentives. C’est Marina en Vierge Marie, c’est Emmanuelle Seigner qui joue pas
Texte certes fort, mais un peu facile, venant d’ailleurs d’un acteur qui ne boude pas les billets verts des blockbusters (Munich, James Bond...). On serait un peu caustique, on serait tenté de dire que l’auteur du film Mange ta soupe crache un tantinet dans la soupe ! D’ailleurs, de même qu’il est bon qu’il y ait plusieurs types de cinémas - Amalric en est un très bon exemple, il tourne aussi bien des films d’auteurs français et autres (Richet, Bonello, Desplechin, Odoul, Klotz, Dieutre, Giannoli, Moullet, Jacquot, Biette, Iosseliani, Téchiné...) que dans des grosses machines cinématographiques américaines -, il est bon qu’il y ait en France un tissu large de distributions des films dits « d’auteurs », « du milieu » (selon le mot de la cinéaste engagée Pascale Ferran) et « populaires » : multiplexes comme salles indépendantes, mais en faisant très attention à ce qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale, avec un gros Goliath bling-bling qui écraserait systématiquement un David « arte povera ». Il faut aussi souligner que les cartes d’abonnement (UGC, Pathé, MK2) permettent au cinéma sortant en salles de tenir, et ça, c’est essentiellement le fait des multiplexes-bulldozers ayant pignon sur rue. Oui, il faut garder notre tissu de salles dans toute sa diversité. Cependant, ne soyons pas naïfs, le cinéma est un art ET une industrie. Derrière les gros producteurs à cigares et les bankable Amalric et autres Jeanne Moreau, il y aussi les distributeurs, les caissiers, les exploitants, y compris dans les multiplexes tant décriés. Bref, évitons l’angélisme élitiste facile, la diversité culturelle gagnerait-elle à la disparition des multiplexes ? Je ne pense pas, loin s’en faut, même. Certes, il faut se méfier de la planche à billets qui uniformise tout, il faut aussi trouver la juste mesure entre un public de flux (cartes d’abonnement) et un rapport singulier entre le spectateur et le film et, bien sûr, il faut également préserver notre parc de petites salles indépendantes de quartier et de caractère, endroits où l’on évite les odeurs de frites et de pop corn, pour autant ne diabolisons pas à l’extrême les multiplexes.
Ah oui, quand même un dernier truc. Petite cerise sur le gâteau : ça se passe comme ça chez UGC et ses gros multiplexes sans complexes : l’autre jour, je me décide à aller au cinéma, direction l’UGC-Ciné-Cité-les-Halles (Paris), et m’apprêtant à prendre une place pour un film « du milieu », voilà qu’il n’y a plus ni caisses ni caissiers ni caissières ! Bon sang, me voilà donc dans un film, ça y est, du genre Minority Report ou I, robot. Mazette, je suis plongé ad libitum dans
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