« Skyfall » ou le retour au mythe « Bond »
His name is Bond, James Bond.
Dans la continuité de « Casino Royal », et en oubliant la malheureuse expérience de « Quantum of solace », qui n’était vraiment pas au niveau de l’opus précédent, Skyfall est le troisième film avec Daniel Craig dans le rôle de 007, même s’il s’agit officiellement du 23ème film. Et force est de reconnaître que ce long-métrage est très certainement le meilleur de la série, et ce même si Craig n’a pas le charisme exceptionnel de Connery. Il a la chance d’avoir à ses côtés d’excellents réalisateurs et de non moins excellents scénaristes. La différence d’avec les films au scénario squelettique mettant en scène Pierce Brosnan est ainsi saisissante.
Evoquons rapidement les points contestables de ce film. Le choix d’une Moneypenny issue de la diversité n’est pas des plus heureux, alors que Skyfall retourne au mythe Bond, celui de Ian Fleming. Mais il fallait bien céder à l’air du temps et respecter le quota. Les allusions à une éventuelle expérience homosexuelle de Bond n’étaient pas forcément nécessaires mais s’intègrent à la même logique. Enfin, à l’exception d’une actrice grecque, le casting des James Bond girls évite les actrices européennes, privilégiant le charme épicé d’une franco-asiatique sculpturale. Nous sommes en 2012 et l’idéologie dominante, mondialiste, écrase tout sur son passage, même si le Batman de Nolan a su résister remarquablement à cette pression.
L’inspiration tirée d’autres films paraît évidente à voir Skyfall. Les allusions à Batman sont nombreuses, à savoir un manoir avec des passages secrets, un James Bond jeune tourmenté par la mort de ses parents, un vieil homme qui conserve l’héritage familial, et le caractère célibataire propre au personnage. En revanche, les gadgets sont quasiment absents, à part l’apparition de l’Aston Martin originel, avec son équipement d’époque (siège éjectable et mitrailleuse à l’avant). Le choix du réalisme a été privilégié même si on conçoit mal comment Bond a pu survivre à deux balles tirées dans la poitrine ou à sortir indemne d’une chute dans l’eau glacée. Enfin, le début du film se passant à Istambul rappelle Taken 2 et Liam Neeson en agent américain déjouant la vengeance d’un gang albanais.
Le film repose tout comme The Dark Knight Rises sur la chute du héros. Trahi par son directeur, qui préfère prendre le risque de le faire abattre plutôt que de lui faire confiance jusqu’au bout, alcoolique, incapable de vaincre ses démons intérieurs, cynique et provocateur, Bond est en fin de cycle. Mais, à la différence de Batman, qui raccroche la cape pour préférer les charmes de Selina Kyle, Bond va renaître. Il fallait bien pouvoir proposer un Bond 24 dans deux ans aux spectateurs. Jugé inapte au service, ce que M lui cache, Bond doit revenir au meilleur niveau. Face à un ancien agent devenu un ennemi viscéral du MI6, et connaissant toutes les ficelles du métier, Bond doit parvenir à se sublimer jusqu’à incarner le 007 héroïque de Fleming. Finie la démarche aristocratique de Sean Connery. Fini l’humour britannique de Roger Moore. Craig est dans l’action pure et dure.
Ce retour aux sources est remarquablement illustré par une fin purement écossaise où Bond retrouve sa terre natale et le cimetière familial. Attendant l’ennemi, réfugié dans le manoir de ses ancêtres, afin de protéger M traquée, Bond revoit sa plus longue mémoire avant de faire à nouveau marche avant. Dans un tonnerre de feu, son manoir est finalement brûlé mais tel le phénix, Bond sort indemne des flammes. Il n’empêchera néanmoins pas le M incarné par Judi Dench de céder la place au nouveau M que représente Ralph Fiennes, parfait dans le rôle.
Les dernières minutes du film nous ramènent cinquante ans en arrière, dans l’une des toutes premières scènes de 007 dans « Docteur No ». L’hommage implicite rendu au maître Fleming et au Bond idéal, Connery en personne, est évident. Est-ce à dire que James Bond aura le droit à encore cinquante années nouvelles, et qu’on le découvrira en 2062 sur ce qui aura remplacé nos écrans ? Entre temps, il sera devenu noir, homosexuel et peut-être même musulman.
La chute, la déchéance puis la renaissance de James Bond ne personnifient-ils pas le déclin de l’occident ? C’est bien par un retour aux ancêtres, à la tradition, à la terre natale, que Bond renaît. Cela converge avec la phrase de Nietzsche selon laquelle « l’homme de l’avenir sera celui qui aura la plus longue mémoire ». Et sa renaissance se fait de manière flamboyante au sens littéral. L’éternel retour du même a lieu devant les yeux du spectateur. Bond change mais ne change pas. Le personnage atteint son acmé, ce qui laisse présager d’une suite bien moins reluisante, sauf si Christopher Nolan prend les manettes. Son influence est évidente dans « Skyfall » même s’il n’a été associé ni de près ni de loin au projet.
Gelezinis Vilkas
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