« Soyez sympas, rembobinez » : un cinéma de quartier !

Je viens de voir Soyez sympas, rembobinez, « un film suédé de Michel Gondry ». Je tiens tout d’abord à préciser, pour ceux qui ne l’auraient pas vu, que suédé veut dire « film de Suède », c’est un clin d’œil pour dire qu’il vient d’ailleurs, il s’agit en quelque sorte d’un film qui échappe au mainstream et au cinéma dit « institutionnel ».
En fait, ce suédé, c’est un gimmick, un leitmotiv car tout le film de Gondry tourne autour de ça et... de l’amour du cinéma, sous toutes ses formes et ses modalités de projection (de la salle obscure au vidéoclub de quartier, etc.). D’ailleurs, le titre original, reprenant mot pour mot le slogan Be Kind, Rewind, se réfère aux vidéoclubs américains demandant à leurs clients de rembobiner la cassette vidéo avant de la rapporter. Oui, malgré quelques réserves, j’ai aimé ce film car c’est le film d’un passionné et il rend un hommage évident aux passionnés de cinéma, qu’ils soient professionnels ou amateurs plus ou moins éclairés, voire complètement foutraques ! Voici le pitch : M. Fletcher (joué par le flegmatique Danny Glover), un gérant de vidéo-club d’une petite ville près de New York (Paissac), doit laisser quelque temps sa petite entreprise tourner sans lui, aussi il fait appel à un assistant (Mike, joué par l’acteur black Mos Def) pour tenir la boutique. Seulement, il y a un hic, un voisin (Jerry Gerber, joué par le facétieux Jack Black) hante souvent les environs et il est plutôt incontrôlable ! Après quelques pérégrinations et un sabotage carrément foireux d’une centrale électrique du coin, voici que ce dernier, dont le cerveau est devenu magnétique et... saboté suite au sabotage surréaliste donc, efface malencontreusement toutes les cassettes VHS du vidéo-club. Aussi, pour ne pas perdre la clientèle de M. Fletcher, notamment la plus fidèle - et démente ! - cliente du vidéo-club (Mme Kimberley jouée par la malicieuse Mia Farrow), nos deux compères, Mike & Jerry, décident, bille en tête, de retourner les films autrefois présents sur les K7 du vidéo-club. C’est là que le film devient vraiment carnavalesque et cartoonesque. Notons aussi que la magnétisation du corps de Jack Black offre les scènes les plus drôles du film, notamment celle où, tel un aimant, il est irrésistiblement attiré en pleine rue par des éléments métalliques de tous ordres. Séquences burlesques à éclater de rire.
En fait, tout le film est un hommage vibrant au cinéma. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’on retrouve ici une Mia Farrow comme échappée de
Pour autant, ne soyons pas naïfs, et si l’on voulait être un peu sévères même, on peut mentionner que Soyez sympas, rembobinez est un film estampillé EuropaCorp, la boîte de production du fameux tycoon Luc Besson. Son budget n’est donc pas celui d’un film fauché, loin de là !, il est tout de même, selon Le Parisien, autour de 20 millions de dollars. Or, Luc Besson cherche à faire des films de professionnels, il est parti, et pourquoi pas d’ailleurs, pour implanter en Seine-Saint-Denis des studios de cinéma hyper-puissants, mais qui peuvent, on le sait bien, tendre inéluctablement vers la grosse machinerie académique, limite bulldozer. Ainsi, pour Michel Gondry, malgré son talent indéniable, son film de fortune, dans tous les sens du terme, fait un peu parfois gosse de riche s’amusant à casser ses jouets vintage dans une chambre bien bling-bling...
Toutefois, ne jouons pas la fine bouche, ce film de guingois sur des cinéastes branquignoles est drôle, surréaliste et poétique à souhait. Jack Black est un acteur dont le pétage de plombs est vraiment contagieux. Les tournages de films, la plupart du temps des gros blockbusters tels que SOS Fantômes, Le Roi Lion, Rush Hour 2, Men in Black et autres Robocop, sont de grandes récréations pour bricoler, jouer, se salir, délirer et sortir des sentiers battus afin de vivre pleinement sa vie, loin des diktats sociétaux et des ronds de jambes. Tout le monde a sa place. On pense alors à d’autres films sur l’envers du décor cherchant à entremêler subtilement vie et cinéma, de telle sorte que la fiction vienne à la rencontre du réel et vice versa. On a cité
Gondry nous propose avec Soyez sympas, rembobinez de vivre la pratique artistique (l’art ou le non-art façon Dada et Fluxus) comme une aventure communautaire où l’important est de participer, pas forcément de gagner coûte que coûte ; ainsi on échappe au schéma paralysant cherchant à définitivement distinguer les winners des soi-disant losers. Le pop corn movie, ici, devient un espace à investir pour pratiquer en nombre (c’est un cinéma choral) et de manière jouissive le je est un autre de Rimbaud. Bref, c’est un bon film, je lui mets 3 sur 4 parce qu’il met en joie. C’est une aventure filmique permettant d’osciller en permanence - en tant que spectateur rêvant le cinéma - entre drôlerie (des farces à gogo) et émotion (nostalgie, quand tu nous tiens...). Ainsi, selon moi, et dans cette idée de s’éclater avec le médium cinéma, la meilleure séquence est celle autour de SOS Fantômes car lorsque nos ingénieux bricoleurs refont à leur façon carrément à l’Ouest la scène des marshmallows grillés ou des œufs qui éclatent dans la cuisine, on a vraiment l’impression de voir à l’écran des bribes de sa jeunesse cinéfoutraque, entre inspiration cathartique et grand n’importe quoi. Bref, un film vraiment sympa, quoi !
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