Robert Rodriguez signe avec Planète Terreur, second volet du diptyque Grindhouse, un exercice de style tout bonnement génial, aux influences seventies marquées, à la drôlerie débridée et sanguinolente, et au rythme d’enfer.
Pour ceux qui n’ont pas peur du décalé, du loufoque, du saignant, du répugnant, et qui sont prêts à passer leur soirée entre des zombies anthropophages et des bombes aussi sexy que guerrières, ce Planète Terreur constituera un vrai régal, épicé et survitaminé à souhait. Synthèse improbable entre La Nuit des morts-vivants de George Romero (1970) et Supervixens de Russ Meyer (1975), ce film d’épouvante désopilant est bourré de trouvailles inracontables, presque permanentes (le film ne se résume vraiment pas à sa bande-annonce !).
Le Texas en joyeuse déliquescence
Dans le trou perdu du Texas que nous dépeint Robert Rodriguez, entre une base militaire secrète, lieu d’expériences douteuses et bientôt dévastatrices, un hôpital où la gangrène gagne tous les patients (et où les médecins règlent leurs problèmes conjugaux à coups de seringues hypodermiques !), et un restaurant fièrement tenu par le champion texan du barbecue, les personnages hauts en couleur et aux caractères bien trempés se succèdent, dans une danse aussi bouffonne que macabre.
L’héroïne, Cherry (alias Rose McGowan, qui n’est pas sans rappeler Shari Eubank, l’héroïne de Supervixens) est une go-go danseuse ultra-sexy, qui plaque son pauvre job avec des rêves de stand-up dans la tête. Pas de bol : elle se fait rapidement dévorer une jambe par deux zombies aux visages ornés de pustules purulentes. L’unijambiste ne tarde pas à armer son moignon d’une sulfateuse qu’elle fait cracher à 360 degrès, et fait jouer toute sa souplesse pour éviter les balles ennemies. Clin d’oeil en passant à Matrix. Son ex-petit copain, Wray (alias Freddy Rodriguez), est un jeune type mystérieux, solitaire, qui s’avérera être une sorte de légende de l’Ouest, roi du colt et tireur d’élite. A travers cet archétype du poor lonesome cowboy remis au goût du jour (le bougre n’est pas maladroit en matière d’art martial), Rodriguez rend hommage aux bons vieux westerns d’antan. Les deux amants, paumés dans un monde de plus en plus en déliquescence - au propre comme au figuré -, vont prendre la tête de la résistance face à tous les méchants gluants qui font splatch ! quand on leur tire dessus.
On retrouve avec plaisir, dans ce joyeux délire, Michael Biehn, qu’on avait découvert dans Terminator : c’est lui qui venait du futur pour sauver Sarah Connor et engendrer John Connor, le chef de la résistance aux machines. Ici, il campe un shérif intransigeant, qui aimerait bien réussir - jusqu’au seuil de la mort - à percer les secrets culinaires de son frère, interprété par Jeff Fahey. Celui-ci est excellent et irrésistible en tenant de snack obsédé par la barbaque et l’élaboration de la meilleure recette de sauce barbecue de tout le Texas. Bruce Willis joue même un petit rôle, parodique de son personnage traditionnel de super-héros, et l’on apprend (attention scoop !) que c’est lui qui a tué Ben Laden ! Les habitués des films de Tarantino et Rodriguez reconnaîtront Tom Savini, "Sex Machine" dans Une Nuit en enfer (1996), au pouvoir comique toujours aussi énorme, ici dans le rôle d’un adjoint du shérif pour le moins maladroit.
Un cinéma total qui se marre
Planète Terreur se situe dans la (très bonne) lignée d’Une Nuit en enfer (avec George Clooney, Quentin Tarantino, Harvey Keitel, Juliette Lewis et Salma Hayek). Histoires de contaminations, de métamorphoses monstrueuses, vampires ici, zombies là, à chaque fois anthropophages voraces, spectacle gore, têtes et bras arrachés, sang et autres substances qui giclent de toutes parts, et puis créatures super-sexy, au tempérament de feu, danses endiablées (Satanico Pandemonium !), obsessions sexuelles de Quentin Tarantino, humour déjanté, sens de l’absurde, rythme infernal, maîtrise technique parfaite... et à chaque fois, en guise de (presque) dernier plan, un temple-pyramide maya (source de tous les sortilèges ?) qui émerge, paisible, au petit matin, au sortir de la nuit maléfique. Les thèmes sont récurrents, mais les productions se renouvellent miraculeusement.
Les effets spéciaux sont merveilleux, et les maquillages, qui nous gratifient de tant d’horreurs. La musique, envoûtante et chaude, assaisonnée à la sauce mexicaine, accompagne magistralement les rafales de Cherry, dans d’étonnants ballets-massacres. Comme dans le très croustillantSupervixens, les femmes, bigger than life, sont malmenées, violentées, parfois même charcutées par les hommes, machos et brutaux, mais elles ne s’en laissent pas compter et savent se mêler à la bagarre. Fragiles au départ, elles se muent en véritables wonderwomen, au point d’éclipser les héros mâles, et ce sont elles qui triomphent à la fin.
Planète Terreur est un vrai moment de bonheur, réjouissant au possible, qui ne se prend surtout pas au sérieux, un objet totalement original, malgré les innombrables références et clins d’oeil, une aventure sans temps mort, sans creux, bref, le film du moment. A voir !
Pour continuer dans les analogies, ce film est comme une sorte de train fantôme : on va le voir pour les sensations qu’il procure.
Sans se préoccuper de la cohérence des situations, d’une certaine réalité, parce que l’on sait que de toute façon le décor est en carton et que ça finira bien à la fin.
Sauf qu’avant de s’arrêter, le train nous aura fait rire, peur, crier, frapper !
Ce film est LE train fantôme du moment dans lequel il faut monter et se laisser transporter.
Ah les films « indépendants » anglo-saxons... . Avec des bijous cités plus haut, j’ajouterais à la liste les deux films du réalisateur néo-zélandais, « bad taste », et surtout « braindead ». Du bonheur, du dégeulasse, du burlesque, du grandiloquant, enfin pas tout lisse tout ça. Loin, bien loin de ce qu’on ose nous servir sous l’appellation « films d’horreur ».
Vu hier soir. Ce film en vaut la peine, vraiment. C’est presque un exercice de style sur le « on peut en faire trop ? mais oui on peut ». Et ça marche. Mais alors très bien.
J’ai encore plus ri que devant 300 (mais il paraîtrait que pour ce dernier ce n’était pas le but).
Moi aussi j’ai vu le film, et j’en suis sorti vaguement insatisfait. Pourtant c’est super-bien fait, même les rayures de pellicule, avec les crachotis au changement de bobine, les répliques sévèrement burnées (la recette de la sauce, à la fin !), les trucages volontairement ratés (les maquillages des zombis), les plans fixes volontairement un poil trop longs, bref, c’est un monument à la ringardise des séries Z d’horreur des seventies. Je me suis retrouvé comme dans la salle du Grand Rex pour le Festival du Film Fantastique de Paris à l’époque (et d’autant mieux que justement, eh ! j’étais au Grand Rex).
Et pourtant, ça n’allait pas tout à fait. Je pense que c’est la limite du second degré et de la parodie, une bonne parodie de mauvais film ne fait pas forcément un bon film. Je me suis bien marré ce coup-ci, mais je n’irai pas voir Boulevard de la Mort.
En revanche, une idée de génie : la fausse bande-annonce pour Machette, on s’y croirait, même que le film va être vraiment tourné !