Tchaïkovsky, maître du romantisme russe
« Maintenant, je suis devenu un vieil homme, sans foi en lui-même. Pendant deux jours entiers j'ai "fait cuire à feu doux" deux pages. Je n'avance pas comme je voudrais, mais je n'abandonne pas. » (Tchaïkovsky, 1893).
Quelle audace ! Je veux ici rendre hommage à un Russe ! Un merveilleux compositeur russe, Piotr Ilitch Tchaïkovsky dont le premier concerto a bercé mon enfance. Oui, heureusement, l'âme russe, le génie russe, c'est autre chose que les bombes de Vladimir Poutine sur les Ukrainiens. Tchaïkovsky est mort il y a cent trente ans, le 25 octobre 1893 à Saint-Pétersbourg. Enfin, pas vraiment, pour être exact, cette date est restée dans les mémoires parce que l'Empire russe était resté avec le calendrier julien mais dans le calendrier grégorien, le nôtre depuis plus de quatre siècles, il est mort en fait le 6 novembre 1893. Qu'importe.
Il est mort assez jeune, à 53 ans (il est né le 7 mai 1840, en grégorien, à Votkinsk), quelques jours après la création de sa Symphonie n°6 (le 28 octobre 1893 à Saint-Pétersbourg). Une mort plutôt mystérieuse. La version relativement officielle est qu'il serait mort du choléra après avoir bu une eau polluée. Mais on évoque aussi un suicide à cause d'un risque de scandale sentimental (il était entre autres homosexuel), voire un suicide "contraint" (poussé à absorber de l'arsenic). L'empoisonnement, un vilain mot russe. Toujours est-il que le compositeur a bénéficié de funérailles nationales offertes par le tsar à la cathédrale de Saint-Pétersbourg et qu'il est enterré au Monastère Alexandre-Nevski, pas loin notamment des compositeurs Moussorgski, Glinka, Borodine et Rimski-Korsakov.
Faut-il présenter Tchaïkovsky, maître de la musique romantique ? C'est l'un des compositeurs les plus joués de nos jours par les meilleurs interprètes. Il a marqué son époque et la nôtre également. Malgré sa mort précoce, il a composé de très nombreuses œuvres musicales dans des registres très différents. Sa première œuvre aurait été une improvisation au piano à l'âge de 4 ans. Douze ans plus tard, il est devenu fonctionnaire, assistant juridique dans un ministère, poste qu'il garda seulement quatre ans avant de se consacrer totalement à la musique à partir de 1863. Les compositeurs russes avaient généralement un autre métier (Borodine était chimiste, Rimski-Korsakov officier de marine, etc.).
Selon le catalogue officiel, Tchaïkovsky a composé 159 œuvres dont huit symphonies, trois ballets, dix concertos, et onze opéras. Pour lui rendre hommage, profitant de la mémoire collective qu'est Internet en général (et Youtube en particulier), je propose de le revisiter dans quelques-unes de ses œuvres les plus connues, des œuvres magistrales, des chefs-d'œuvre.
1. Concerto pour piano n°1 en si bémol mineur, op. 23 (1875)
Composé à Moscou de novembre 1874 à février 1876, ce concerto, qui est l'une des œuvres les plus connues de Tchaïkovsky, a été créé le 13 octobre 1875 à Boston par le pianiste Hans von Bülow à qui l'œuvre fut dédicacée. L'ouverture de ce concerto est utilisé comme hymne des joueurs russes concourant sous bannière neutre depuis que la Fédération de Russie a été bannie par le tribunal arbitral du sport en 2020.
Je propose l'interprétation de la pianiste Martha Argerich dirigée par son ancien mari Charles Dutoit en été 2014 au Festival de Verbier.
Une autre version, un extrait lors d'une répétition du pianiste Lang Lang dirigé par Paavo Järvi avec l'Orchestre de Paris avant le concert du 15 janvier 2015 à la Philharmonie de Paris.
2. Casse-Noisette, suites d'orchestre (extrait du ballet), op. 71A (1892)
Adaptation de la version d'Alexandre Dumas du conte allemand de Hoffmann (1816), Casse-Noisette est à l'origine un ballet composé de février 1891 à avril 1892 par Tchaïkovsky et créé le 18 décembre 1892 à Saint-Pétersbourg dont il a extrait huit suites orchestrales.
Par exemple, voici une interprétation par l'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck en janvier 2021.
3. Le Lac des cygnes, op. 20 (1877)
Ballet en quatre actes, le premier composé de Tchaïkovsky (de l'été 1875 à 1876), Le Lac des cygnes, mondialement connu (comme Casse-Noisette), a été créé le 4 mars 1877 au Bolchoï de Moscou.
En voici une interprétation de l'Orchestre des Étoiles du Bolchoï en mai 2017.
4. Symphonie n°6 en si mineur, "Pathétique", op. 74 (1893)
Composée de février à août 1893, cette symphonie a été créée quelques jours seulement avant sa mort, le 28 octobre 1893 (en calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg, avec lui à la direction orchestrale. Tchaïkovsky écrivait en 1881 : « Je pense qu'il me sera donné d'écrire une symphonie exemplaire : probablement je me battrai jusqu'au dernier souffle pour atteindre la perfection sans jamais y réussir. ».
En voici une version interprétée par l'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck il y a un mois, le 15 septembre 2023, au Grand Auditorium de la Maison de la Radio à Paris.
5. Eugène Onéguine, op. 24 (1879)
Inspiré par l'œuvre romanesque de Pouchkine (1821), Tchaïkovsky a composé cet opéra lyrique de trois actes et sept tableaux de juin 1877 à janvier 1878 et cette œuvre (qui dure deux heures et demi) a été créée le 29 mars 1879 à Moscou.
Voici l'interprétation par l'Orchestre national de France dirigé par Karina Canellakis, avec une mise en scène de Stéphane Braunschweig et la participation de Mireille Delunsch, Jean-Sébastien Bou et Gelena Gaskarova, lors du concert du 10 novembre 2021 au Théâtre des Champs-Élysées à Paris.
6. Symphonie n°5 en mi mineur, op. 64 (1888)
Composée de mai à août 1888, cette symphonie a été créée le 17 novembre 1888 à Saint-Pétersbourg sous la propre direction de Tchaïkovsky. En 2018, le chef Valery Gergiev commentait ainsi cette symphonie : « Pour les chefs qui ont à diriger sa musique, c’est une chance et aussi un risque. Il est si facile de tuer l’esprit tchaïkovskien avec un simple forte mal exécuté ! Il ne faut jamais confondre puissance et intensité. Le son de Tchaïkovski ne doit jamais être clinquant ou agressif. Tout son être, toute sa culture, toute sa musique étaient aristocratiques. Le contraire de la vulgarité. (…) Je crois qu’au fil du temps Tchaïkovski avait développé un sens du mystère de la vie et de la mort. Une incroyable peur aussi, les circonstances étranges de sa disparition sont là pour le prouver. À partir de sa Quatrième Symphonie, une âme tourmentée est à l’œuvre. Tchaïkovski prend l’auditeur à la gorge. On sent qu’une force fatidique empêche le bonheur d’atteindre son but. Il ne peut cacher ce trouble obsédant. ».
Voici l'interprétation donnée par l'Orchestre national de France dirigé par Emmanuel Krivine le 31 mai 2018 au Grand Auditorium de la Maison de la Radio à Paris.
7. Souvenir de Florence, op. 70 (1892)
Composé en juin et juillet 1890, ce sextuor à cordes a été créé le 6 décembre 1892 à Saint-Pétersbourg.
L'excellent Quatuor Ébène l'a interprété le 7 septembre 2014 au Festival de Wissembourg, avec Arnaud Thorette alto et Felix Drake violoncelle.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
(Première illustration : détail du portrait de Tchaïkovsky par Nikolaï Kouznetsov en 1893, de la Galerie Tretiakov de Moscou).
Pour aller plus loin :
Piotr Ilitch Tchaïkovsky.
György Ligeti.
Vangelis.
Nicholas Angelich.
Joséphine Baker.
Léo Delibes.
Ludwig van Beethoven.
Jean-Claude Casadesus.
Ennio Morricone.
Michel Legrand.
Francis Poulenc.
Francis Lai.
Georges Bizet.
George Gershwin.
Maurice Chevalier.
Leonard Bernstein.
Jean-Michel Jarre.
Pierre Henry.
Barbara Hannigan.
Claude Debussy.
Binet compositeur.
Pierre Boulez.
Karlheinz Stockhausen.
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