Tecktonic® ta mère ou l’apologie de la médiocrité
Dans les pays occidentaux, chaque époque voit se créer ses tribus, courants culturo-musical. Disco, soul, hip-hop, punk ou encore techno, et j’en oublie, se sont succédé pendant ces dernières décennies. Chacune véhiculant ses idéaux, ses codes, ses arts, son style, sa musique et son message à la société (« je vous aime », « allez tous vous faire foutre », « faites l’amour pas la guerre », « rien à battre »...). La dernière en date, et la première du XXIe siècle, s’appelle la Tecktonic®. Présentant les traits caractéristiques de ces mouvements, elle a néanmoins ses propres spécificités qui illustrent bien à mon goût certaines dérives d’aujourd’hui
Les grands mouvements musicaux du XXe siècle se sont tous généralement développés à partir d’un plan régional où des artistes ont créé des musiques novatrices qui ont ensuite mué en véritable culture musicale plus ou moins underground (et tout ce que cela implique, code vestimentaire, idéaux, messages...) pour exploser ensuite en sous-ensemble de genres plus ou moins commerciaux et plus ou moins directement reliés au genre initial (ex : disco-funk, disco-pop, disco-électro...), pouvant eux-mêmes déboucher sur de nouveaux mouvements.
Mais revenons sur notre sujet, la Tektonic.
Son invention revient à par Cyril Blanc et Alexandre Barouzdin, membres de l’équipe artistique du Metropolis, une boîte de nuit parisienne. A l’origine désigné pour un type de soirée, ces deux personnes ont eu l’idée de déposer le nom, une ligne de vêtement et un logo (aigle de style germanico-romain estampillé d’une étoile et du mot Tectonic). Un marketing intelligent, utilisant très habilement internet, et hop ! Quelques années plus tard, le phénomène explose.
En apparence donc, cette tribu (culture, phénomène, groupe, appelez cela comme vous voulez) présente un peu les caractéristiques de ces aînés, mais elle a de particulier d’être la parfaite illustration de la société de consommation de masse et une apologie de la médiocrité. En effet, je trouve qu’elle illustre très bien le manque d’imagination de la nouvelle génération, un peu trop formatée par le trio TV-Téléphone portable-Internet de masse, dirigé par la pub et le marketing. D’ailleurs, le point de départ du phénomène est bien une marque.
Le style vestimentaire (pour quelques illustrations, se reporter à http://tck01-shop.com/ et youtube pour des vidéos) et la danse :
Pour être in et aware, il s’agit de se vêtir de manière colorée et moulante. Empruntant à la fois sur un peu tout, le tektoniceur est un condensé de n’importe quoi, empruntant au gré de ses envies, les gants blanc stylés de Mme la Comtesse du château La-Caille-sur-Adour, le débardeur de Jean-Mi le routier, des Vans All Star fluo, des mocassins à carreau rouge et blanc, des bufallos à semelles compensées, des chaussures montantes de boxeur, un jean ultra slim tendance gay porté sur les cuisses tendance baggy, une tétine de bébés (pour info aux éventuels nouveaux convertis qui me liraient : elle est à l’origine destinée à empêcher certaines montées d’ecstasy). Les coupes de cheveux à la Chris Waddle de l’époque de l’OM, Agassi à ces débuts, ou encore Mac Gyver de la grande époque, frange, cheveux courts, mais quand même longs derrière, sont revenus également dans le mouve.
Là où le hip-hop avait trouvé des performances physiques et sportives, le rock’n’roll l’expression d’une rébellion face à un ordre établi, le disco un délire psychédélique collectif, le punk un défouloir, la techno une sorte de trip minimaliste personnel dans un mouvement collectif, la tecktonic a introduit finalement la télé-réalité dans la danse (bien que les boîtes de nuit y ait contribué très fortement ces dix dernières années). Le but avoué de tout cela est donc de se montrer : des mouvements faciles, sans avoir la nécessité d’être en rythme et en musique, accessibles au commun des mortels, ayant pour seul but d’accéder à ces quelques minutes de gloire en devenant le centre d’intérêt. Individualisme à outrance.
La musique :
Là encore aucune originalité. C’est bien simple, il n’y a pas d’artiste (quoique certains autoproclamés ne devraient pas tarder à sortir des albums pour profiter de l’effet et se remplir les poches). Le tecktoniceur, tout comme certains de ces concitoyens (mais qui ont quand même moins le style que lui) se déhanche sur de la house ou de la techno qui passe et repasse sur Fun et sur M6. Demandez-leur s’ils connaissent Kraftwerk, ils vous répondront qu’ils n’aiment pas la cuisine allemande !
Je suis retourné à la Techno Parade cette année, ça faisait relativement longtemps et j’avais été très surpris d’y trouver un nombre impressionnant de personne pratiquant cet art (que je ne connaissais pas encore). Mais ma contemplation de ces mouvements membresques ne dura point. En effet, la procession des chars s’arrêtant à 20 heures, il fallait continuer les soirées dans des lieux privés (saluant ici l’immobilisme et le conformisme des institutions, l’ambiance était terrible, mais quel dommage d’arrêter cela si tôt). Le Cabaret sauvage donnait donc carte blanche à quelques DJ de fort bon calibre et la soirée fut terrible. Mais, à mon grand regret, il n’y eu aucun tecktoniceur pour m’apprendre à bouger mon corps : eh oui, aucun des tubes de Fun ne fut diffuser, quel manque de goût !
Le message :
Y en a pas.
Conclusion :
Au-delà de la critique acerbe (et pas forcément très objective) que je viens de faire, cet exemple reflète à mon sens les évolutions d’aujourd’hui. Aucune inventivité, un individualisme à outrance, on ne cherche plus, on ne réfléchit plus, on ne pense plus, on ne recherche plus, on ne travaille plus, tout doit être servi sur un plateau, il n’y a plus de mérite. Bref, bienvenue dans un monde de consommation de masse ! J’en ai rêvé, les majors l’ont fait !
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