The Handsome Family : le blues des crotales
The Handsome family, c’est, comme leur nom l’indique (« la belle-famille » en anglais), un mariage mixte entre blues, folk indie et bluegrass. Des guitares qui sonnent clair, un banjo entêtant, un batteur minimaliste mais habité, des textes noirs comme une nuit sans lune. Un (vrai) couple détonnant depuis 35 ans, loin des Kevin des « rezosocio » : Lennie et Brett Sparks. Elle dans le genre « trop belle pour toi » (avant 2015 du moins) à la basse, au chant et au banjo, également responsable des fameux textes noirs en dépit de son look mi gothique, mi angélique. Lui, barbu un peu trop enrobé, chemise à carreaux genre trappeur canadien fermée sur un bedon un poil rebondi. Mais une voix de baryton, une ironie et une autodérision jamais bien loin, une façon classique mais un peu barrée ( …) de faire sonner la guitare. Une alchimie harmonieuse quand ces deux-là chantent des refrains en canon. Un zeste de Johnny Cash, un soupçon de Bruce Springsteen dans « the ghost of Tom Joad », quelque chose de Willie Nelson dans le retour de l’oreillette.
Ce couple sans histoire (s), longtemps connu des seuls « professionnels de la profession », a eu son heure de gloire en 2013, en étant choisi par Nic Pizzolatto et T. Bone Burnett pour la BO de « True detective » ( la seule série qui vaille d’être regardée depuis ces 10 dernières années.)
Les américains ont ceci de particulier qu’ils mangent, écrivent et chantent beaucoup de « bullshit », mais que, au cinéma, en littérature et en musique, sauvés par le nombre et le volume, ils produisent de temps à autres quelques pépites dans le rio asséché. Les Handsome Family sont de ceux-là, comme leurs cousins canadiens des « Cowboy junkies ».
Du simple, du minéral, mais du soigné, qui n’exclut pas un brin de poésie (les fleurs de cactus du mesa désertique, les crotales qui sortent chasser au crépuscule, etc).
Mais revenons à nos sornettes : le couple existe depuis 35 ans à présent (comme quoi, les Rita Mitsouko et leurs histoires qui finissent mal en général, bon, ben…)
Les Handsome family habitent une roulotte climatisée loin de leur Chicago natal, et sont installés sous le soleil accablant d’Albuquerque, au Nouveau Mexique, que Dieu semble avoir déserté au profit des crotales et des cactus, dont on apprends au passage que dans le mesa poussiéreux, certaines espèces fleurissent la nuit.
Les crotales aussi. Qu’ils fassent gaffe.
Leur route a croisé la série « true detective » à temps.
« True detective » est un poison violent et réaliste. On y apprend (pour ceux qui n’étaient pas ou courant ou sortent de 10 ans de taule) qu’un flic peut devenir pourri, un pourri devenir flic. Que les souvenirs ne s’effacent que chez les amnésiques, qu’on ne touche pas aux gamines de 11 ans. Qu’il faut des « bad men » pour stopper d’autres bad men. Que les morts, ca pue, mais moins que les vivants. Que « touchez l’obscurité, et c’est elle qui vous touchera »
Il restait à trouver une musique raccord avec tout ça. Ce fut « far from any road”.
10 ans plus tôt, les « Handsome Family » avaient sorti l’original, dans l’indifférence quasi générale, ce petit bijou sur le « middle of nowhere », loin de toute route (« far from any road »)
https://radical-production.fr/artistes/the-handsome-family/
Ils revisitent intelligemment l’incontournable obsession américaine : l’intemporel bras de fer entre le bien et le mal.
Mais les Handsome family semblent ne pas avoir choisi leur camp, et c’est tant mieux pour nous.
Cela donne aussi un petit bijou du genre, sur les puis sans fond du trou du cul du monde ( bottomless hole), où tout disparait quand on descend trop profond à la corde dans la cave, sous la grange : femme, enfants, tracteurs, vieux frigos…Tout ca fleure bon les symboles et autres allégories, mais les guitares sont magnifiques :
-Brett Sparks se souvient aussi de l’époque où il buvait trop (too much wine) :
- de la recherche de la légèreté perdue (incroyable contraste entre la douceur du timbre de la voix de Brett Sparks dans ce morceau et la désespérance du texte) :
- de sa sœur jumelle, morte d’une morsure de crotale alors qu’il lui tenait la main dans une prairie, « My sister Tiny hand »
Pour ceux qui entravent la langue des serpents à sonnettes, une belle interview ici.
Oui, même les crotales peuvent avoir le blues.
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