The Proposition, un western antipasti
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The Proposition, c’est celle qu’un capitaine britannique, désireux de civiliser l’Australie, fait à un renégat, en pleine rédemption : celle de la vie de son frère, boucher du bush, contre celle de son autre, demeuré mental. Dès lors, le film est fragmenté en deux mouvements : la vie du capitaine et de sa femme dans cette bourgade aride qu’il dirige, saturée de violence étouffée. Et le voyage mystique d’un homme en totale renonciation. Trame classique doublée d’un fond de film noir, le scénario est, sans hésiter, la pièce à sauver de ce film dont le reste des choix artistiques rappelle que metteur en scène est aussi un métier. L’histoire a été écrite par Nick Cave, chanteur multi-overdosé. Ce passage au scénario lui permit, à une époque de disette musicale, de pouvoir prouver qu’il était capable, en trois semaines, de sortir de terre un récit que Clint Eastwood, grand réinventeur du western moderne, nous aurait régalé à mettre en images. Malheureusement ici, au contraire, nous nous devons d’assister, scènes après scènes à un fatras d’intentions qui ridiculisent le matériau originel. Ce genre particulier revêt diverses formes et Avatar peut être considéré comme tel mais The Proposition n’est finalement, comme le disait Bazin, qu’un surwestern incapable de donner le change et qui s’enferme au fil du temps dans un décor bien trop vaste pour lui.
Il faudra alors peut-être reprocher à Nick Cave de s’être acoquiné avec son ami John Hillcoat avec lequel il collabore au cinéma depuis son premier film, Ghosts… Of The Civil Dead. Pourtant son travail sur toutes ses productions successives semble creuser le même sillon et s’intéresser aux mêmes désordres de l’âme humaine, ceux qui la ramènent à son état de bestialité la plus primaire. Sa démarche semble donc sincère et pourtant cela ne fait pas de lui un réalisateur indispensable ou qui mériterait de conserver la vue. Formellement, dans son film, il n’ y a que trois instants à sauver : son générique, sa scène d’introduction brusque, nous donnant l’impression de sentir l’odeur du plomb jusque dans la salle et le dernier tiers du film lorsqu’apparaît enfin, celui recherché par tous, joué avec précaution par Danny Huston. C’est d’ailleurs à peu près le seul à se sortir du marasme de cette direction d’acteur et de ce casting de seconde zone, type zone industrielle qui nous est offert. Sans hésiter, Emily Watson est celle qui insupporte le plus et qui mériterait de passer quelques mois enfermée dans une machine à gifles, histoire de lui rectifier son bestiaire d’expressions. Et puis il y a ce malheureux John Hurt, abonné depuis peu à ces rôles de vieux débiles illuminés et qu’on n’arrive plus vraiment à dissocier. Il ne faut pas oublier non plus le talent d’Hillcoat à donner à son désert australien l’ampleur d’un jardin d’enfants ou à ses intérieurs une parfaite réplique, proprette et sans vie, d’un magasin Habitat vintage. Le tout aidé par un montage opéré à la machette, on se retrouve avec un film indigeste, bancal et qui rate sa cible car pas à la hauteur de son histoire et de la mythologie qu’elle charrie. On ne saurait donc trop conseiller à son réalisateur de faire comme son scénariste, s’essayer à l’overdose, voir si cela le bonifie.
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