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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Tim Burton : l’éloge du rêve

Tim Burton : l’éloge du rêve

Avez-vous vu Big Fish ? Vous savez, le film de Tim Burton, sorti en 2003. C’est l’histoire d’un homme qui mystifie (mythifie ?) sa vie aux yeux de tous, mêmes les plus proches, même son fils.

 

 Celui-ci en souffre, car passé l’émerveillement qu’il avait à écouter les invraisemblables histoires de son père dans son enfance, l’âge adulte lui a laissé l’amer sentiment de ne point connaître cet homme étrange, toujours aàressasser les mêmes extravagantes anecdotes, enfermé dans l’univers qu’il s’est construit, héros de sa propre légende. La rupture est consommée depuis de longues années lorsque le film débute, et la santé déclinante du père rappelle le fils auprès de lui. Celui-ci apprend alors à réécouter la légende familiale, à y prêter une oreille nouvelle . Et le spectateur de se laisser guider par ce réalisateur de génie au sein d’un rêve sublime, empreint de poésie, de délicatesse et de pudeur.

 La possibilité de ré-enchanter nos vies, voilà la grandiose leçon que ce poète moderne nous donne, avec légèreté. Il nous dévoile cette capacité si propre à l’homme de transcender le réel pour le sublimer, d’extraire l’essence des choses pour la magnifier, de conférer un peu de sens à notre court passage ici bas et d’en exalter la beauté. Surtout, ceci repose sur l’aptitude à raconter des histoires, à y croire, et à se laisser porter vers des mondes imaginaires. Il rejoint par là le rôle de conteur moderne déjà endossé lors de la réalisation de son célèbre Edward Scissorhands.

 Pourtant, on entend souvent ceux de toutes les luttes reprocher aux rêveurs de fuir la confrontation au réel, d’abandonner la lutte, de renoncer au combat, en un mot de se résigner. L’imaginaire et le rêve sont perçus au mieux comme un refuge, un havre de paix, au pire comme une échappatoire, une fuite en avant. Pour changer notre condition, battons-nous, profèrent-ils, restons ancrés dans le réel, militons, manifestons, partons en guerre contre les gouvernements, contre les potentats de toutes sortes, contre ceux qui asservissent, ceux qui affament, ceux qui tuent, pillent et violent. Révoltons-nous contre la bêtise d’état, le consumérisme aveugle, l’immorale spéculation. Plongeons dans l’action. Je crois en ces combats. Le monde a besoin de justice. Mais cette lutte ne devrait pas se faire au détriment de notre capacité à nous émerveiller, à sentir, à vivre. Ou alors le combat perd son sens, puisque la nouvelle vie qu’il appelle sera désenchantée, guère meilleure que celle que nous avons.

 Tim Burton nous rappelle à quel point la poésie peut transformer nos vies. Dans un monde absurde, dans lequel la raison humaine, fondamentalement limitée, se heurte sans cesse au silence du monde, dans ce désert aride décrit par Camus, la seule échappatoire est l’art, le rêve, et l’imagination. Dans cet espace propre à l’homme se puise justement l’inspiration nécessaire à la volonté de vivre et changer le réel. Bien loin d’incliner à la résignation, l’imaginaire est une source infinie. L’action ne devrait donc jamais nous couper de ce qui constitue son fondement, mais procéder en un éternel aller-retour entre le réel et et le rêve. Ce cycle infini rappelle la définition étymologique de la révolution : un tour sur soi, de l’action à la contemplation, mouvement perpétuel de l’homme confronté à son énigmatique condition. Cet homme qui s’avance est un homme en révolution.

 


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8 réactions à cet article    


  • Yannick Harrel Yannick Harrel 16 mars 2010 14:11

    Bonjour,

    Entièrement d’accord avec vous : Tim Burton est un vrai poète qui donne à tous ses métrages une touche très particulière. Je garde toujours en souvenir l’excellente adaptation d’une nouvelle de Washington Irving : Sleepy Hollow. La beauté gothique qui s’en dégage est formidable d’onirisme. Et son dernier métrage, Alice au Pays des Merveilles, semble suivre le même chemin pour le même bonheur des yeux smiley

    Cordialement


    • morice morice 16 mars 2010 18:55

      rien à dire de plus.. Edouard aux mains d’argent une pure merveille. Et Big Fish ENORME. En voilà une médaille pas volée....


    • Sébastien Sébastien 16 mars 2010 18:10

      J’adore Tim Burton et j’ai adore Big Fish. C’est en effet un film poetique qui traite de la necessite de l’imaginaire pour agrementer une realite parfois trop plate. J’ai aussi ete tres touche par le rapport pere/fils developpe par Tim Burton et qui est, je crois, autobiographique.

      D’accord aussi sur le rapprochement que vous faites avec les actions et combats que l’on mene. Ils doivent servir a atteindre un reve et un ideal qui font quasiment toujours defaut.


      • morice morice 16 mars 2010 23:58

        je suis à -7 en saluant comme les autres l’auteur : c’est de la folie les trolls ici !!! quelle bande de minables !


        • friedrich 17 mars 2010 02:35

          lol, vous êtes déjà à -9, bonne vitesse de descente malgré l’ heure tardive


        • sisyphe sisyphe 17 mars 2010 03:47

          Très bon texte.
          Big Fish est le film magnifique d’une réconciliation du réel avec l’imaginaire qui le fonde et permet de le transformer.

          Vous citez Camus en disant :

          Dans un monde absurde, dans lequel la raison humaine, fondamentalement limitée, se heurte sans cesse au silence du monde, dans ce désert aride décrit par Camus, la seule échappatoire est l’art, le rêve, et l’imagination. Dans cet espace propre à l’homme se puise justement l’inspiration nécessaire à la volonté de vivre et changer le réel. Bien loin d’incliner à la résignation, l’imaginaire est une source infinie. L’action ne devrait donc jamais nous couper de ce qui constitue son fondement, mais procéder en un éternel aller-retour entre le réel et et le rêve.

          Oui, mais Camus, pour cette nécessité de vivre et de changer le réel d’un monde débarrassé de l’illusion de Dieu, prône la nécessaire RÉVOLTE.
          L’art, la pensée, outre leur fécondation du réel par les « utopies », provoquent aussi à cette révolte, à l’éveil des consciences, à cette action sur le réel.

          Soyons réaliste ; demandons l’impossible !


          • stephanemot stephanemot 17 mars 2010 09:35

            Le plus gilliamien des Burton. Pas un chef d’oeuvre mais un film raffraichissant, une ode a l’imagination.


            • King Al Batar King Al Batar 17 mars 2010 11:43

              Dans Apocalyps Now, le colonel Kurtz, gros désaxé mantal en puissance, pronon ce à un moment un phrase que je trouve d’une grande justesse....

              « La vie est le cauchemar du rêveur. »

              C’est assez anodin comme phrase mais d’une grande justesse. Cela peut également s’appliquer pour Big Fish, et c’est d’ailleurs une phrase qui me guide également dans ma vie. Il vaut mieux vivre sa vie que de la rever. Le film de Burton est mignon.

              Pour faire dnas le classissisme, j’ai beaucoup aimé les deux premiers Batmans. En revanche ne regardez surtout pas son remake de la planête des singes, c’est une honte.

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