Top list du prog anglais des seventies
Les vacances approchent, l’occasion de quitter la quotidienneté annuelle pour découvrir de nouveaux paysages mais aussi, n’oubliez pas la musique. Je propose une top list dans un genre spécial, le rock progressif anglais dans les années 1970. Le principe, présenter dix groupes à travers le choix d’un album et d’un morceau significatif.

Pink Floyd
Pour des raisons évidentes, chronologiques et autres, je commence par ce groupe précurseur que fut le Floyd. Syd Barett en fut l’âme dit-on. Si bien que dans les dîners en ville, vous brillerez de toute votre snobitude en déclamant que le Floyd est mort en 1968 après avoir signé un album et demi. Plus sérieusement, le connaisseur s’attend à ce que l’on choisisse l’album Dark side of the moon mais ne comptez pas sur moi. L’album le plus abouti est Meddle, avec cette longue suite intitulée Echoes et sur l’autre face, tout le talent d’un style abouti décliné en morceaux de 5 minutes. Mais si je devais choisir un titre emblématique, ce serait sans conteste Astronomy domine, non pas dans sa version studio assez modeste mais ses multiples versions qu’on trouve sur les bootlegs ainsi que celle, pas la meilleure, éditée sur cet autre album culte, Ummaguma. Tout compte fait, je mettrai le Floyd à part. Pour présenter dix figures majeures des seventies.
King Crimson
Lorsqu’on évoque le prog, il est impensable de passer sous silence King Crimson dont l’album In the court of the Crimson king signa l’avènement d’un genre déjà défriché par les Moody blues mais cette fois, décliné dans le grand style du rock symphonique, avec des nappes de mellotron d’anthologie, des longs morceaux et deux titres devenus cultes mais très différents. 21st century schizoid man qui anticipe la seconde épopée du groupe en 1972 et In the court, morceau éponyme incarnant les règles stylistiques d’un rock symphonique sont Ange sera l’un des meilleurs représentants. Quant à choisir un album pour ce groupe qui a connu tant de styles et de line up, ce sera bien difficile. Le plus original, riche et abouti, c’est Lark’s tongue in aspic paru en 1972, le premier d’une fameuse trilogie avec la voix rocailleuse de John Wetton et les incroyables percussions de Bill Brudford, batteur prog par excellence, transfuge de Yes puis parti dans de nombreuses aventures dont celle avec UK.
Yes
Allons-y pour le plus baroque des groupes de prog, une musique foisonnante, complexe, à la limite de la grandiloquence, avec des musiciens hors pair, un chanteur à la voix inimitable et quelques chefs d’œuvres à la clé, Fragile, Tales from…, Relayer (avec Patrick Moraz au clavier) et Close to the edge que je vais choisir parce qu’il est représentatif de ce que fut ce groupe entre sa naissance et son apogée avec Relayer que je trouve meilleur. Puisqu’il faut choisir un titre emblématique, ayant sacrifié Echoes précédemment, je vais proposer Close to the edge, long morceau éponyme occupant une face de vinyle, et donc inscrivant sans conteste le genre prog dans la musique rock, l’art rock si on veut, et non pas le rock plus pop, plus song, au format cadré pour les radio et adapté du reste aux possibilités des musicos.
Genesis
Impossible de contourner Genesis, le plus connus des groupes de prog après Pink Floyd, un Genesis qui eut le succès quand il ne faisait plus vraiment du prog. Mais entre 1971 et 1975, même tarif que Yes, quatre chefs d’œuvres. Là encore, les connaisseurs vont vous bassiner avec l’album The lamb… double vinyle signant la fin de la précieuse participation de Peter Gabriel. Mais je lui préfère largement l’album Fox Trot, pour le style, l’atmosphère, la richesse des claviers et de la composition… et son morceau culte, Supper’s ready, longue suite de 25 minutes, emblème du prog.
Van der graaf generator
Prononcer Van der Graaf, ou bien écrire VDGG. Voilà l’un des plus fameux et inventifs groupe des early 70’s, avec son leader Peter Hammil, l’un des plus grands auteurs compositeurs de ce siècle. Morceaux alambiqués partant dans tous les sens, musique torturée, étranges atmosphères dues à l’inventivité du claviériste Banton oeuvrant de concert avec le saxophoniste Jackson et pour compléter ce quatuor du prog rock, l’excellent batteur Evans. Un éphémère bassiste a participé aux deux premiers albums. En fait, Van der Graaf a produit quatre chefs d’œuvres entre 69 et 72. Même tarif que Yes et Genesis. Un mot aussi pour signaler la reformation du groupe en 1976 et trois albums plus qu’excellents, dans un style un peu différent. L’album le plus abouti est Pawn Heart. C’est donc celui que je choisis avec comme titre emblématique la longue suite de plus de 20 minutes sur la seconde face, Plague of…
Avec Hawkwind, nous ne sommes plus dans le genre strictement prog, comme du reste avec Van der Graaf dont le leader récusait l’appellation progressive, lui préférant celle d’art rock. Ce groupe est né en 1969 autour de son leader, Dave Brock. A part évoquer du space rock et quelques atmosphères de science fiction, avec des images de vaisseaux spatiaux, il n’y a rien de spécial à dire sur Hawkwind sauf que ce groupe fête ses 40 ans de carrière et qu’il possède l’une des discographies les plus riches, avec des dizaines d’album et des tonnes d’enregistrements live. Comme le Floyd, Hawkwind est l’un des rares groupes dont les shows méritent d’être gravés sur le sillon. Etant donné que cette top list concerne le début des seventies, le choix se portera vers In search of space, le second album parmi une série de cinq chefs d’œuvres. A noter un morceau occupant une face. C’est du reste très tendance en 1972. Morceau culte, extrait de cet album, Master of the universe, interprété diversement dans les shows depuis sa création et présent sur la plupart des live disponibles dans le commerce.
ELP
Emerson, Lake et Palmer, trois musiciens, le premier connu pour sa participation aux Nice et à ses prestations hystériques sur scène, malmenant son orgue pour une interprétation endiablée d’America, composé par Bernstein. ELP est avec Yes la tête de turc des anti-prog, régulièrement brocardés par les Inrocks et Télérama. Pourtant, les exécutions, compositions et parfois, arrangements de classiques, sont classieux, élégants, originaux, riches comme peuvent l’être des quatuors de Bartok ou Janacek. Rien à voir avec les pitoyables néerlandais Ekseption. Bref, trois musiciens d’exception dont le génial Emerson, virtuose au clavier. S’il faut choisir un album, ce sera Trilogy, dont seul un morceau est une adaptation. J’avoue avoir hésité avec Brain Salad. Et comme morceau, Take a pebble, extrait du premier album, petite suite de 12 minutes ornée par des parties de piano magiques !
Mike Oldfield
Mike Oldfield n’avait même pas 18 ans quand il composa la bande originale du film L’exorciste. Evidemment, ce sera le choix évident pour célébrer cette grande figure de la musique progressive des seventies. Mike Oldfield fait partie de cette génération de musiciens et compositeurs ayant élevé le rock au stade d’une « grande musique ». Ses premiers chefs d’œuvres ont en point commun de proposer des albums avec un morceau par face.
Jethro Tull
Plusieurs chefs d’œuvres pour ce groupe d’art rock aussi doué sur scène qu’en studio. Des musiciens énergiques pour entraîner le leader chanteur et flutiste Ian Anderson dans des longues exécutions complexes légèrement teintées de folk mais ne vous inquiétez pas, le Tull c’est comme les Doors ou Led Zep, du pur produit rock, pas comme Tri Yan. Le meilleur album est en fait constitué d’un seul morceau présenté sur un vinyle vendu à l’origine dans une pochette se dépliant comme un vrai-faux journal. Thick as a brick. Sinon, le morceau culte restera Aqualung, titre gravé dans toutes les mémoires des lycéens à l’époque des grandes manifs.
Soft machine
Avec Soft machine, on ne se situe pas dans le prog de style symphonique mais plus dans un genre fusion, teinté de jazz, improvisations et esprit rock. Un album double s’impose, le troisième, intitulé Third (réédité en double CD avec des bonus live enregistrés par la BBC). Avec sur chaque face une longue suite. Ce groupe a marqué l’époque en jouant d’audace au risque de l’hermétisme. Musique inattendue, refusant le diktat mélodique, cultivant la dissonance, bref, le genre de truc qu’on n’écoute plus vraiment, sauf si on veut se rappeler une belle époque au risque de vous faire prendre conscience que nous n’avons plus 20 ans. L’effet est garanti, comme avec la Messe du temps présent de Pierre Henry. Soft machine a incarné une musique free, quittant le populaire du pop d’époque pour séduire les publics dits intellectuels, ceux qui plus tard écouteront Keith Jarret en plein air. Un morceau de choix, extrait du troisième album, Moon in june, composé par Robert Wyatt qui y chante admirablement. Morceau préfigurant les aventures de Wyatt au sein de son groupe Matching Mole et symbolisant tout un courant musical, de l’école de Canterbury aux aventures d’Henry Cow et consorts sans oublier Caravan.
Gentle Giant
Ce groupe inventif fut boudé par la critique française qui se plut à descendre tous ses albums, on ne sait pour quelle raison car nous avons dans cette formation l’incarnation de ce que représente le rock progressif. Rien d’évident ni de commercial. Des morceaux à la texture complexe superbement exécuté par des musiciens hors pair et notamment les trois frères Schulman dont Derek, saxophoniste et âme du groupe. Influences médiévale et jazzy se mélangent à des figures plus classiques. Un album parmi les 6 ou 7 pièces majeures produites, In a glass house, et c’est mon dernier mot.
Zappa ne figure pas dans la liste. Il est américain. Désolé pour ne pas avoir fait preuve d’originalité, j’ai choisi le meilleur ; les initiés commenteront mes choix et les néophytes se laisseront tenter par quelques galettes, ce qui est le but de ce billet. Sorry pour les fans de Camel.
51 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON