Trésors premiers à Daoulas
Les poètes en avaient rêvé : Apollinaire, Breton et puis Senghor. Aujourd’hui il existe ! C’est le « grand musée d’art exotique » d’Apollinaire, le « Musée imaginaire », le « musée sans murs ». Après « Les mondes dogons » en 2002, « Les rêves d’Amazonie » et « Les masques d’Asie » en 2006, l’abbaye de Daoulas expose les arts premiers pour, selon le mot de Heidegger, « nous dépayser dans nos propres origines ».

Une vision de poètes :
Avec Rimbaud, dans Une saison en enfer, de 1889, naît le désir de retourner à l’état primitif dans l’art. Pourtant, Arthur ne part pas en quête du Graal de la civilisation africaine qu’il méprisera pour le seul commerce des armes. Son influence jouera néanmoins sur un poète africain, Léopold Sédar Senghor, qui se plaira à rappeler que Rimbaud avait proclamé sa volonté de se faire nègre, primitif, sauvage.
Apollinaire rêva d’un "grand musée d’art exotique", dès 1912, "qui serait à cet art ce que le Louvre est à l’art européen". Son rêve fut en partie exaucé Il annonçait en partie la création du musée du quai Branly.
Léopold Sédar Senghor est l’inspirateur de l’actuelle exposition. Il aura fallu attendre le XXe siècle pour qu’un explorateur d’Afrique noire, l’Allemand Leo Frobenius, reconnaisse que le continent africain n’était pas que barbarie, mais que les hommes y avaient produit une civilisation. En 1936, Senghor s’exclame : "Mais quel coup de tonnerre, soudain, que celui de Frobenius !... Toute l’histoire et toute la préhistoire de l’Afrique en furent illuminées jusque dans leurs profondeurs." Trente années plus tard, et l’indépendance venue, Senghor créait le Festival des arts nègres conçu comme "la manifestation d’un humanisme du XXe siècle" qui réunirait la culture occidentale et la culture africaine pour la construction d’une civilisation réellement "universelle".
André Breton s’était constitué une sorte de caverne du surréalisme. Un poète d’aujourd’hui, Alain Jouffroy, s’en souvient. C’était un jour de juillet 1946 au Grand Hôtel d’Angleterre de Huelgoat (Finistère), Alain Jouffroy, poète et amateur d’art français (prix Goncourt 2006 de la poésie pour l’ensemble de son œuvre), rencontre par hasard André Breton qui influencera fortement sa carrière. Il passera en sa compagnie des après-midi à parler des rites et des fêtes des Indiens d’Amérique que le couple Breton a visités dans les réserves. De retour à Paris, il visitera la caverne d’André Breton riche d’œuvres du monde entier dont Breton voulait "s’approprier les pouvoirs". Le centre Pompidou a reconstitué un mur entier de l’atelier.
C’est finalement l’œuvre de Senghor, ses vues et ses visions, qui inspireront l’exposition "Primitifs ?" de Daoulas. Elle témoigne d’une convergence des arts, qui donne, selon le "poète-président" sénégalais Léopold Sédar Senghor, son sens et son unité à l’humanité.
L’intérêt de cette exposition :
Comme le disait la revue Marianne en juin 2006, "si les galeries du Quai Branly font la part belle aux masques Dogons (Mali) ou ceux du Sépik (Papouasie-Nouvelle Guinée), l’esthétique, la puissance énigmatique, la signification des masques asiatiques, elles, sont reléguées au second rang. À point nommé, une abbaye bretonne se propose de pallier ce manque." C’était à propos de l’exposition de 2006 "Les masques d’Asie".
Il existe d’autres raisons de visiter l’exposition. D’abord, il n’y a pas les trois heures de file d’attente du musée Branly. On peut en profiter pour admirer le cadre. L’abbaye date du XIIe siècle, époque dont subsiste un cloître roman, unique en Bretagne, pourvu d’une imposante vasque d’inspiration celtique destinée aux ablutions. Une fontaine et un oratoire du XVIe siècle et la maison conventuelle du XVIIIe siècle (non visitable) complètent ce bel ensemble.
Qu’y voit-on ?
L’exposition se compose de plus de 300 objets prêtés par de prestigieux musées (Quai Branly, Tervuren, Barbier Mueller, Louvre...) et des collectionneurs. L’exposition révèle les parentés entre les objets usuels et de cultes de ces peuples lointains avec les œuvres bretonnes ou celtes. Elle se décline en thèmes : le couple, l’homme et les siens, l’homme dans son milieu, l’homme et la mort, dieux et démons, le jeu, le besoin de créer de l’art. À travers ces thèmes se dessine une image de l’homme dans ses rapports avec lui-même et avec le monde
Renseignements pratiques :
L’Abbaye de Daoulas, dont la renommée a dépassé nos frontières grâce aux expositions qu’elle présente chaque année, est située au sud de Brest.
Liens :
Site de l’abaye de Daoulas : présentation de l’exposition.
Une idée des prix des oeuvres d’arts premiers pour ne pas se faire escroquer
« Masques ! Ô Masques !
Masque noir masque rouge, vous masque blanc - et noir -
Masques aux quatre coins d’où souffle l’Esprit
Je vous salue dans le silence. »
(Prières aux masques, Léopold Sédar Senghor)
Illustration : Statue Grand Nok. Nigeria. Terre cuite. Coll. Part. - © J. Vigne.
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON