U2 - Rien de nouveau à l’horizon ?
Depuis le début des années 90 et leur virage musical à 180°, U2 est en permanence soumis à de sévères critiques, conspué par certains fans de la première heure qui ne supportent pas que le feu inoubliable se soit métamorphosé en une machine étrange d’expérimentation tous azimuts. C’est que les irlandais avaient décidé d’explorer leur côté psychédélique et en ressortait une trilogie d’albums d’un abord pas forcément facile, mais où il fallait reconnaître une impressionnante créativité. Il leur fallait déconstruire le mythe U2, se mettre en danger musicalement pour mieux rebondir sur un avenir qui se présentait comme insaisissable.

A l’époque de Rattle And Hum, le groupe ne savait plus trop où il en était. Deux voies s’ouvraient alors à eux : continuer l’américanisation de leur musique au risque de virer en groupe de blues, ou provoquer une séparation risquée au moment où les quatre garçons étaient au summum de leur succès. U2 opta pour la seconde solution et c’est lors de leur concert à Sydney en 1989, qui concluait leur tournée mondiale, que Bono annonça la tragique nouvelle devant un parterre de fans médusés.
Cette séparation, aussi douloureuse fut-elle pour les fans, s’avéra bénéfique pour les musiciens.
Deux ans plus tard, on retrouvait un Bono transformé en un personnage étrange, décalé, ironique, n’hésitant pas à se moquer ouvertement de l’homme qu’il était dans les années 80. The Fly était né et avec lui, U2 entamait la destruction du mythe encombrant qu’il était devenu. Le Zoo TV Show et l’album Zooropa viendront achever ce formidable travail de fossoyeur. En à peine trois ans, les quatre irlandais avaient balayés leur image quasi religieuse de groupe de rock engagé, prophète, mystique. Désormais, U2 se présentait comme un groupe showbizz, se moquant du showbizz et du star system qu’il n’hésitèrent pourtant pas à exploiter jusqu’à son paroxysme. Un paradoxe, voici quelle était ainsi leur nouvelle image !
Pop passera et U2 va mener une nouvelle croisade de déconstruction. Exit la caricature d’eux-mêmes, les paillettes, les frasques, le spectacle grandiose des concerts géants, retour à la sobriété des débuts, musique plus simple mais pas simpliste, prestation du groupe en avant, effets-spéciaux au placard. All That You Can’t Leave Behind et les irlandais entament le nouveau millénaire avec retenue, concision, sur une note de dépouillement extrême par rapport à la décennie précédente.
On range la technologie à outrance et les synthétiseurs de Brian Eno, on remet les guitares en avant, on retourne au rock pur et dur. The Fly, MacFisto, y’en à marre, on les enterre ! Bono revient comme lui-même : charisme et voix magnifique. C’est Bono le chanteur et plus Bono la caricature. How To Dismantle An Atomic Bomb viendra confirmer cette direction prise par le groupe, qui entame aujourd’hui son retour avec un nouvel album.
L’existence de No Line On The Horizon a quelque chose d’assez étrange. Cet album arrive à un moment où l’on était en droit de se demander ce que U2 pouvait encore nous offrir. Certes, nous n’avons pas ici affaire à une révolution complète de la musique des irlandais, mais force est de reconnaître qu’ils ne se sont pas reposés sur leurs lauriers et qu’ils ne nous offrent pas une redite de leurs deux précédentes oeuvres, non dénuées de qualité mais au style et au son très/trop proches.
Dès le premier titre, le bien nommé No Line On The Horizon, on a le sentiment de retrouver quelque chose que U2 avait perdu depuis presque vingt ans. Le morceau suivant, Magnificent, vient confirmer de fort belle manière cette sensation. L’intensité de l’nterprétation, la puissance qui s’en dégage, l’énergie volcanique des guitares de The Edge, la voix habitée de Bono et la rythmique diablement efficace de la paire Mullen Jr. et Clayton, nous confirment que oui, U2 est redevenu ce groupe à la force dramatique, à la flamboyante rock, traversé par des tourments que l’on suppose insondables. Le feu inoubliable est de retour !
A ce niveau, certaines chansons pourraient d’ailleurs avoir été écrites dans les années 80, tel cet étonnant Unknown Caller, au refrain tout en choeurs célestes, illuminé dans sa partie centrale par l’orgue de Brian Eno sur des cuivres psychédéliques.
Get On Your Boots se présente comme le hit imparable de l’album (il en faut bien un), mais marqué par des guitares un brun crades et une certaine folie.
Fez – Being Born est le titre le plus surprenant de l’album, oeuvre tarabiscotée, psychédélique en diable, sur laquelle la voix presque cassée de Bono nous offre une performance étrange. Une chanson vraiment inhabituelle pour U2.
Autre titre inhabituel, White As Snow, dont l’ouverture ambient se poursuit par une ballade country à l’ambiance sombre et envoutante.
L’album se conclut sur le spectrale Cedars Of Lebanon, sorte de blues dépressif où la voix mi-chantée mi parlée de Bono vient scander avec mélancolique le point de vue d’un correspondant de guerre.
No Line On The Horizon est sans aucun doute l’album de U2 le plus surprenant depuis Achtung Baby, le plus influencé aussi par les années 60 et marqué par un retour à une véritable intensité sonore dont on ne pensait plus capables ces quatre garçons.
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