« Un conte de Noël » : la famille ? Pas de quoi en faire une maladie ! Quoique...
Au départ, pour être franc, Un conte de Noël m’a agacé, tout allait très vite, trop vite : rapidité de la voix off, histoire à tiroirs multiples du genre film choral à

Puis, au bout d’un moment, la greffe prend. Le récit, entre tragique et cocasse, autour d’une mère (Deneuve) atteinte d’une myélodysplasie et attendant une greffe de moelle osseuse de son « fils maudit », s’installe dans la maison-camp retranché et Roubaix, ce nouveau monde aux allures de western estampillé Bienvenue en Arcadie, nous est alors conté sans gros souci de vraisemblance. Oui, on sent bien, et c’est ce que j’ai aimé dans ce film-gigogne, festival de feux d’artifices, de poupées russes et de piques bien envoyées, que la vraisemblance ou le vérisme de l’histoire, des personnages (la belle-fille et le benjamin, le fils banni et le chef de famille, la mère malade mais tout de même dure à cuire, le gendre et la fille vertueuse, le neveu adoré…) n’est pas le but recherché par le caméléonesque Desplechin. Il ne fait pas un documentaire, il fait bien une œuvre de cinéma, mais un cinéma sans grand C, bazinien, impur, hybride, nourri de mineur, de bric et de broc.
J’aime ça, on pourrait craindre le film-sample qui tourne à vide, le disc-jockey « bon élève » qui se complaît dans la référence stérile faisant platement révérence, mais il arrive à faire, en bon cuisto-chimiste ayant aussi un brevet de laborantin frankensteinien, que la mayonnaise prenne. On sort un peu KO de son film car celui-ci lorgne ouvertement du côté du chaos, du film-monstre s’affichant comme tel. Et qu’importe que son Conte de Noël puisse par moments nous apparaître comme un mix combinant séries TV + Bergman (Fanny & Alexandre, Saraband) + Wes Anderson (
Avec son Conte de Noël, on sent bien que Desplechin nous dit aussi qu’on connaît la chanson alors, sans chemins faussement de traverse qui viendraient masquer ses emprunts, il fait comme un De Palma revisitant inlassablement Hitchcock dans ses films maniéristes de copiste ou Godard compilant dans ses films-poèmes des citations plus ou moins de seconde main. Son film surchargé, à la manière de cette maison de Noël qui sert de refuge pour les électrons libres d’une famille "bâtarde", ne cesse d’affirmer son hétérogénéité en multipliant ouvertement les greffes : images documentaires (le filmage de l’opération de sérigraphie dans l’atelier de Simon, la captation clinique de l’opération chirurgicale autour du corps d’Henri), regards caméras, voix off, jump-cut, multiplicité des angles, écrans dans l’écran, cartons, faux raccords, flashs visuels, images mentales à tendance onirique, cellules microscopiques filmées en macro, ombres chinoises, montages parallèles, musiques diverses (un DJ – Yvan/Melvil Poupaud – sample dans le film, à même l’écran), panneau d’équations mathématiques improbables, citations littéraires et psychanalytiques, clins d’œil cinéphiles (on reconnaît sur l’écran enneigé de la télé fédératrice de Noël Le Songe d’une nuit d’été, Drôle de frimousse, Les Dix Commandements ou, dans Roubaix brillant de mille feux, l’affiche du Nouveau monde). Ce film-puzzle, jouant avec différents registres d’images, est effectivement à lire selon moi comme une sérigraphie démultiplicatrice de clichés à
Ainsi, ce délire de la référence, de la citation, de la voiture balai, de l’album de famille, n’étouffe pas pour autant, selon moi, ce film-mille-feuilles à la substantifique moelle. On évite le delirium tremens (risque possible en cas de rejet de la greffe) car il ne joue pas non plus le jeu de la surenchère pour gagner la Palme d’or du film-jeu de massacre le plus méchant de l’Histoire du cinéma envers la sacro-sainte famille, style Un air de famille,
Aussi, si les greffes de ce film-assemblage prennent si bien là-dedans, c’est certainement parce que ce film, mi-tragique mi-clownesque, sait avancer de guingois en multipliant les effets de bascule, l’entre-deux : film tangent à l’instar des lettres des noms des acteurs quelque peu éclatées, fêlées, brisées sur l’affiche du film et, surtout, du personnage d’Henri/Amalric s’étalant en pleine rue tel un personnage de cartoon burlesque. Oui, la ligne oblique de son corps en chute libre sur le bitume, c’est, à côté de la greffe, l’autre figure centrale d’un film bancal, à tendance hypocondriaque, jouant constamment, et de manière farcesque pour mieux conjurer le sort, sur le bord du gouffre et le goût quelque peu mortifère pour les revenants, les fantômes, la maladie, l’appel de la mort.
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