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Un regard sur les Trente Glorieuses

Ou les trente ravageuses.

UN REGARD SUR LES TRENTE GLORIEUSES - Ou les trente ravageuses
Pierre LE VIGAN 

 
Le livre a de quoi agacer. Il est vrai qu’il bénéficie de subventions du CNRS. En conséquence de quoi (on l’espère car si c’est spontané c’est pire), les auteurs sacrifient parfois au politiquement correct et surtout aux nouvelles niaiseries grammaticales : historien.ne.s (sic). Reste que se pencher sur les Trente Glorieuses est une fort bonne idée. 

D’une part, elles furent marquées par l’essor inouï du productivisme (voir le chapitre sur Jean Fourastié et le culte de la productivité définie comme un état d’esprit « sans patrie et sans couleur politique »). Elles furent en somme sous ce registre les « Trente Ravageuses ». D’autre part, elles furent une période de sécurité identitaire autour de la valeur travail et c’est une des raisons de la nostalgie qu’elles suscitent.

Sur le plan de l’urbanisme elles furent une période de mutation assez considérable (chapitre « Le Grand Paris sous la tutelle des aménageurs »), et les grands projets technocratiques virent assez souvent l’opposition des habitants, petits propriétaires de pavillons, souvent soutenus par les municipalités (mêmes et surtout communistes : c’est un paradoxe à certains égards mais une réalité que le PCF s’appuyait sur un conservatisme sociétal). 

En fait, toute cette période est marquée par une lutte entre l’Etat et les pouvoirs locaux, avec le démantèlement des départements de la Seine et de la Seine et Oise en 1964. Dans le même temps que la France se déleste de son Empire colonial et de l’Algérie, de Gaulle ambitionne que la France aussi « retrouve son indépendance », allusion claire à la domination américaine, d’où un élan modernisateur c’est-à-dire productiviste accéléré. 

Mais ce sont les derniers chapitres qui méritent surtout la lecture. Ils portent sur les critiques des Trente Glorieuses durant cette période même. Il s’agit notamment des situationnistes, de « Socialisme et Barbarie », mais aussi de Bernard Charbonneau, de Jacques Ellul, de Georges Bernanos (La France contre les robots). On lira notamment les analyses concernant Emmanuel Mounier, favorable à la modernité technique, et rompant avec Bernanos sur ce point. Les auteurs montrent qu’une certaine pensée écologiste, à la fois hostile à la société de masse et à l’individualisme, est passée par l’école d’Uriage sous Vichy.
 
Céline Pessis, Sezin Topçu, Christophe Bonneuil dir., Une autre histoire des « Trente Glorieuses  », La Découverte, 310 pages, 24 €.
 

 


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7 réactions à cet article    


  • Peretz1 Peretz1 5 octobre 2013 15:42

    Période que j’ai connue très jeune, mais qui m’a marqué « comme les trente heureuses ». Je ne sais pas si les auteurs en parlent, mais on était arrivé au plein emploi : les employés et les ouvriers (sauf après Giscard) choisissaient leur entreprises. Comme quoi le productivisme n’a pas que des inconvénients.


    • Gemini Gemini 5 octobre 2013 17:29

      Autant il est peut-être vrai que nous pouvions parler des « trente heureuses », autant il me semble erroné de mettre cela sur le compte du productivisme. Un argument simple permet de le démontrer : de nos jours, nous sommes toujours en plein productivisme, mais nous sommes très loin des années « heureuses ».


    • Croa Croa 5 octobre 2013 17:51

      Le plein emploi ne fut pas le résultat du productivisme. D’ailleurs le productivisme est toujours là mais pas le plein emploi !

      Le plein emploi de l’époque résulte d’autres facteurs, notamment de l’indépendance monétaire, d’une efficace réglementation de tous les prix et de la protection du marché intérieur.


    • devphil30 devphil30 7 octobre 2013 09:33

      Le plein emploi quelle folie ....les salariés pouvant choisir leur entreprise , dicter leurs conditions aux entreprises , vite , vite ....il faut faire venir des salariés payer moins cher, vite vite , il faut délocaliser , vite vite il faut créer du chômage pour rétablir la balance du pouvoir vers les patrons.


      Voila les trentes glorieuses comme l’indique l’auteur de l’article ont été une période heureuse mais aussi le précurseur de ce que nous vivons actuellement avec un chômage important lié à la volonté de toujours gagner plus de la part du capital.

      Sommes nous arriver à la fin d’un cycle croissance , décroissance et prochainement dépression ?
      Comme ce fut le cas avec la folie des années 20 qui furent suivi d’un période de dépression .

      La différence aujourd’hui est l’imbrication des économies mondiales qui risque de conduire à une implosion économique de grande ampleur pour tous les pays lié au dollar.

      Philippe 

    • Gemini Gemini 5 octobre 2013 17:27

      Au vu de l’impact environnemental où ces glorieuses nous ont menées, il me semble fort probable que ces années là soit par la suite, avec le recul de l’histoire, renommées les « trente désastreuses » ou les « trente destructrices », ou tout autre nom pouvant donner l’idée que ces années là ont été le tournant de l’humanité vers l’auto-destruction de sa propre civilisation.


      • Croa Croa 5 octobre 2013 17:59

        Tout à fait mais nous avions l’excuse de l’ignorance ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Si nous l’avions voulu nous aurions pu éviter ce désastre avec le système politique étatique planifié de cet époque... Maintenant nous savons mais nous ne pouvons plus smiley  !


      • Gemini Gemini 6 octobre 2013 21:40

        Et encore, il faudrait clarifier quelle période précisément les trente glorieuses/destructrices/etc. englobe, car il me semble que, au moins depuis le club de Rome en 1972, nous savions.

        Je suppose donc que déjà avant cette date, pour ceux qui prenaient la peine de s’informer, il devait y avoir d’importants signaux de fumée, mais je ne maîtrise pas suffisamment la période pour être affirmatif.

        En même temps, il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il suffit de voir aujourd’hui, ou bien que nous sachions, à quel point rien ne change, ou alors si peu.

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