Une pépinière d’étoiles
Après mon éblouissement devant la qualité des nouveaux danseurs de l’Opéra ayant accédé récemment au rang d’étoile, je n’ai pas manqué d’aller voir le spectacle de l’Ecole de danse de l’Opéra.
La soirée de ballet - Noureev, Balanchine, Forsythe - la semaine précédente, nous avait présenté trois grands chorégraphes servis par une foison d’étoiles. Jamais le ballet de l’opéra n’a été aussi jeune (Dorothée Gilbert, 25 ans - Mathieu Ganio, 24 ans). C’est donc avec grand intérêt que j’ai assisté au spectacle de cette Ecole de danse qui fournit à l’opéra une telle qualité de danseurs.
Comme la soirée que je viens d’évoquer, Elizabeth Platel, la nouvelle directrice de l’école de danse, a présenté trois différents types de ballets. Pour commencer Soir de fête, de Leo Staats. Un véritable enfant de la maison qui fut tour à tour danseur, chorégraphe, professeur et créa en 1925 ce typique divertissement d’opéra. Il choisit la musique de Léo Delibes, pour construire un ballet permettant à chaque classe : quadrille, coryphée, sujets, de briller. Une bonne œuvre classique à la chorégraphie équilibrée et gracieuse
Dès le départ, on est impressionné par la qualité technique de l’ensemble. Les deux solistes possèdent déjà une étonnante maîtrise. Les jetés et la batterie de Mike Derrua ont force et ampleur même si visiblement le trac a nui à sa performance et l’a rendu un peu gauche dans l’adage. Par contre, Léonore Baulac, à part quelques défaillances dans la diagonale, révèle une totale maîtrise dans la redoutable variation de tours et de pirouettes. Elle a tenu ses équilibres sans raideur et terminé dans une détente parfaite, exactement sur le temps ! Je peux sans aucun risque prédire à Léonore Baulac un destin d’étoile, à l’Opéra ou dans une compagnie étrangère.
L’ensemble des jeunes interprètes fut tout aussi remarquable à part quelques garçons qui plissaient nerveusement les lèvres dans l’effort.
Les Forains ont provoqué en moi une grande émotion. Je pense que cette interprétation devait ressembler à la première de ce ballet qui fut un événement dans le monde de la danse, le 4 mars 1945. Roland Petit, chorégraphe, avait 20 ans, Ethery Pagava, la petite acrobate, 13, comme paraissait avoir l’interprète de ce soir, Clémence Gross.
Ce célèbre ballet, monté avec peu de moyens (et pour cause, la guerre n’était pas finie), sur le thème mélancolique composé par Henri Sauguet, dans des costumes et éléments créés par Christian Bérard et montés sur scène par les danseurs eux-mêmes, demeure aussi beau et émouvant qu’à la création.
Il comporte peu de prouesses techniques (à part peut-être le clown), mais il s’agit d’autre chose, interpréter des personnages, faire ressentir le découragement, la misère, puis l’excitation du spectacle. Tout y était !
La grande surprise de la soirée fut surtout pour moi la Symphonie en trois mouvements de Stravinsky. Je connaissais la version de Balanchine de 1945 et j’ai découvert cette très belle chorégraphie de 1983 du danseur et chorégraphe néerlandais Nils Christe. Une œuvre très structurée, à l’évidence longuement travaillée sur la partition, restituant l’énergie et la puissance de Stravinsky, avec la dérision de l’andantino et l’impact dramatique du final.
Ce ballet important fut dansé par l’ensemble de l’école avec une virtuosité spectaculaire. Des groupes de six, de dix, se succèdent, se figent brutalement, tombent au sol avant de repartir avec vélocité. Tout cela dans un ensemble parfait, sans la moindre erreur.
Cette soirée a été une véritable merveille et on demeure abasourdi en se rendant compte que l’on vient d’assister à un spectacle d’école ! Ces danseurs ne sont que des élèves de 16 à 18 ans et ne font pas encore partie des ballets de l’opéra. Que ne peut-on espérer quand les meilleurs feront partie de la maison !
L’on ne peut que s’incliner devant la qualité des professeurs et la passion, le courage de ces jeunes gens, qui surmontent les difficultés, les douleurs, les inévitables déceptions et parviennent déjà à une telle qualité technique.
La soirée se termina par des ovations bien méritées et de nombreux rappels, entre autres, des petits rats qui ne faisaient pas partie du spectacle.
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