« V » comme Vendetta

"V" comme Vendetta est un bon film, bien réalisé, agréable à regarder.
J'ai bien remarqué que la photo du personnage principal du film,avec son fameux masque vénitien, servait d'avatar à bon nombre de "cyber-dissidents".
Aussi, une critique rabat-joie m'a paru tout à fait indispensable.
Le Super-Héros
Le personnage principal est un mutant évadé et masqué doté de supers-pouvoirs (force et agilité).
Cela correspond à un arché-type connu, le super-héros solitaire, lointain avatar américanisé des demi-dieux d'antan.
Il ne dépareillerait pas au milieu des super-héros chamarrés des célèbres BD "Marvel".
Toutefois certains éléments du scénario m'ont laissé perplexe : comment même un super-hétros a-t-il pu, seul, dans la clandestinité, sans appui logistique extérieur, sous un régime policier, accumuler les explosifs, faire distribuer des millions de masques en temps voulu, aménager une ligne de métro en vue de son attentat final ?
Tous les super-héros ne sont pourtant pas multi-milliardaires comme Batman ou Ironman.
Années 30-40 le retour ?
Ancien détenu victimes d'expériences probablement génétiques, le super-héros, tout en poursuivant une vengeance personnelle (assassinats) mène une opération de subversion contre une affreuse dictature, incarnée par un tyran haïssable à souhait, quelques sbires qui ne le sont pas moins (dont un evêque très crédible), une police politique détestable (comme toutes les polices politiques). (1). Cette opération de subversion est menée à coups d'attentats à l'explosif et de coups d'éclat (piratages médiatiques).
La nature de la dictature présentée dans le film, dictature parvenue au pouvoir suite à un complot et à une "stratégie du choc" bien menés (2), pose question.
On a ici affaire à une dictature nationaliste à parti unique. Un vieux modèle du genre fachiste.
Une dictature à la grand-papa en quelque sorte, ça me laisse sceptique.
Serions nous menacés, comme le suggère ce scénario, par un "remake" du totalitarisme des années 30-40 ? j'en doute.
Je pense que le totalitarisme de demain, dont on peut voir dès aujourd'hui certains prémices (3) ressemblera davantage au " Meilleur des mondes" d'Huxley qu'à "1984" d'Orwell. Ou alors probablement une forme combinatoire des deux à la fois plus séduisante et encore plus implacable.
Pour en revenir au film, l'accent y est mis avec insistance sur le répression des homosexuels. Je me demande pourquoi.
Historiquement ce type de régime se préoccupe d'abord de réprimer les militants politiques et syndicaux, bien avant de s'occuper des moeurs "déviantes" de citoyens-sujets ordinaires. Mais bon, la dénonciation de l"homophobie" est sans doute dans l'air du temps, question de mode.
Mais tout finit bien. Par ses actions d'éclat, son verbe, son exemple héroïque et au final son sacrifice, le super-héros solitaire (flanqué néanmoins par la traditionnelle demoiselle en détresse, devenue son assistante dévouée après torture préalable) parvient à éveiller et à soulever les masses qui renversent le régime honni.
Le terroriste individuel
On a là encore une fois affaire à un archétype connu. Le terroriste individuel qui par son seul exemple et son sacrifice glorieux et héroïque parvient à mettre à mal un régime oppresseur.
Historiquement -sauf au cinéma en l'occurrence (4)- ça n'a jamais fonctionné.
Plus d'un siècle avant "Action Directe", les "populistes" russes et autres "anarchistes" en ont fait la douloureuse expérience. Bien qu'ils aient réussi quelques "actions d'éclats", assassinats de Tsar, de ministres, ils n'ont jamais ébranlé le régime tsariste. Le résultat le plus immédiat de leurs actions a été la mise en place par le régime en question d'une police politique -l' Ohkrana- qui sut vite se rendre indispensable.
Qu'ils coopèrent ou qu'ils s'opposent, terrorisme et services secrets forment un vieux couple.
Conclusion
"V" comme Vendetta reste un film séduisant et sympathique. Un bon divertissement. Mais y voir une "leçon politique" ce serait se bercer d'illusions. A aucun moment il n'est fait allusion dans cette histoire à l'outil le plus nécéssaire au combat des opprimés face aux oppresseurs : une organisation collective.
Notes
(1) le policier "ordinaire" qui mène l'enquête est toutefois un personnage sympathique.
(2) voir le fameux documentaire de Naomi Klein "la stratégie du choc" dont le scénariste du film s'est peut-être inspiré.
(3) on peut voir une menace totalitaire sérieuse dans l'autorité toujours accrue d'instances supra-nationales comme le FMI ou l'UE (ou encore l'OCDE) très loin de la démocratie mais très proches des "marchés financiers" et qui subornent toujours davantage -avec la complicité des dirigeants de celles ci (qu'ils soient de "droite" ou de "gauche") les démocraties parlementaires des vieux Etats-nations.Mais le pire n'est jamais sûr et -dans un contexte de crise générale du capitalisme et face à une lutte des classes qui s'exacerbe une institution comme l'UE pourrait bien imploser.
(4) On peut aussi voir dans le film "Avatar" le même genre de "Happy-End" trompeur.Il n' y a en effet que dans les "super-productions" d'Hollywood que des "bons sauvages" munis d'armes primitives puissent gagner face à des troupes impérialistes surarmées venus piller leurs "matières premières". Rêvez braves gens.
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