Vercingétorix contre Arminius ?
Les rares mais néanmoins fidèles d’Agoravox qui ont la patience de lire mes articles connaissent maintenant ma propension à jeter des ponts entre l’histoire de France et celle d’Allemagne. Il y a maintenant plus de deux ans quand j’avais relaté - avant d’autres chroniqueurs français qui, à l’instar d’un Poivre d’Arvor, préfèrent manifestement Pompée à César- le "Massacre de Teutoburger Wald, j’avais déja évoqué ce parallèle entre Vercingétorix et Arminius ; j’ai découvert depuis d’autres coïncidences étonnantes dans les épopées de ces deux héros...

Commençons par les personnages eux-mêmes : ils sont connus -à environ soixante ans d'intervalle- pour avoir été les chefs de révolte de tribus, gauloises pour l'un , germaines pour l'autre contre l'occupant romain et ils étaient tous les deux fils de chefs de peuples pacifiés par Rome : les Arvernes et les Chérusques.
A ce titre ils avaient été faire leurs « humanités » à Rome, où ils apprirent le maniement des armes et les techniques de guerre romaines, ils furent tous les deux intégrés dans la cavalerie -normal, car essentiellement composée de germains et de gaulois, le romain étant piètre cavalier- Arminius en atteignant la plus haute distinction possible pour un non-romain : « eques » ( équivalent de « chevalier ») et Vercingétorix probablement comme « explorator » c'est-à-dire éclaireur.
Ils connaissaient aussi leurs futurs adversaires : Varus et César, et avaient partagé leur tente, leur table même pour le jeune « chevalier » germain
Leur force, leur jeunesse, leur courage les avaient fait choisir comme chefs par la coalition de ceux qu'ils avaient provoqués et convaincus : la quasi totalité des peuples de Gaule pour l'un, tous les peuples germains dans le triangle Ems, Lippe, Weser( soit la Basse-Saxe et le Rhin Nord-Westphalie) pour l'autre.
Ils avaient l'un et l'autre conscience que les Romains ne pouvaient être défiés en terrain découvert, et qu'ils devaient recourir à une lutte de type guérilla , en terrain difficile pour l'emporter.
Ils avaient tous les deux aussi des problèmes avec leurs oncles paternels respectifs qui s'opposèrent -à différents degrés allant jusqu'à la trahison- à leurs décisions : Inguiomer pour Arminius, Gobbanitio pour Vercingétorix.
Le lieu du combat décisif : proche d' Aliisia en Gaule et d'Aliso en Germanie, deux formes du même mot Celte, traduction : "aulne" ou lieu-dit " aulnaie", souvent rencontré en territoire Celtique ( Aliso étant place forte du Limes, à la frontière du territoire ou régnait la Pax Romana).
Les traces de ces deux épopées qui scellèrent leur destin ont été gravées dans la pierre pour l'éternité, fait très rare pour l'époque -hors Rome et Grèce- et qui mérite donc d'être relevé : Alisiia sur la « pierre de Martialis » retrouvée lors des fouilles d' Alèsia, « Clades Variana » ( la défaite de Varus) sur le cénotaphe de Marcus Caelius, centurion de la « Legio XVIII » tombé au combat.
Les mêmes historiens grecs, Strabon et Cassius Dion, comme romains, Tacite, Florus Suétone rapportèrent leurs exploits. Deux témoins directs :
César pour Vercingétorix , qu'on ne présente plus et...
Velleieus Paterculus, lui aussi probablement « eques » comme Arminius mais aussi historien et s'il ne fut pas témoin du « Massacre de Teutoburger Wald » il recueillit le témoignage -en direct- des survivants !
Il est temps maintenant de préciser un point important concernant l'origine des sources et leur crédibilité : n'oublions pas que les rapporteurs directs n'avaient d'autres soucis que de soutenir leurs propres intérêts et de caresser l'opinion dans le sens du poil, très vrai pour César qui devait asseoir sa réputation, mais aussi pour Velleius Paterculus qui devait plaire à Auguste et essayer d'atténuer l'effet désastreux de la perte de trois légions... d'où des exagérations probables sur le nombre des ennemis et les conditions difficiles du combat : ainsi une colline peut devenir une montagne, une poignée d'hommes un corps d'armée etc... sans oublier les fautes de frappe des secrétaires de l'époque ( qui n'étaient pas toujours bien traités) et les erreurs de copiste, des moines du même nom et autres traducteurs qui permirent à ces textes de nous parvenir à travers les siècles :
Un voyage très périlleux et qui trouva une définitive accalmie avec Gutenberg et l'imprimerie : dès cette importante découverte ( qui eut autant de retentissement à l'époque que celle d'Internet à la nôtre) l'information allait circuler et dans les siècles qui suivirent, les historiens et le « vulgum pecus » (j'appartiens à la deuxième catégorie) purent accéder aux sources, aussi polluées soient-elles.
Tout ça pour en revenir à une certitude : rien de ce qui a été écrit sur ces deux éminents personnages n'est certain, d'où une multitude de controverses quant à la localisation des deux batailles, encore un point commun ( et il y en a encore d'autres) qui réunit les deux héros !
Passons maintenant à la différence essentielle entre Arminius et Vercingétorix : le premier a battu et anéanti trois légions à l'époque où Rome était à son apogée, limitant ainsi définitivement l'invasion romaine à la partie Celtique de l'Allemagne, mis à part quelques incursions punitives ( de Germanicus en particulier, qui à défaut d'Arminius s'empara de sa tendre épouse Thusnelda)... le deuxième fut définitivement battu à Alésia, permettant une Pax Romana qui allait permettre aux gallo- de devenir de plus en plus romains et de jouir des bienfaits de leur culture pour les siècles à venir, alors que ces barbares de germains allaient le rester aussi pour des siècles et ...ah bon, arrêtons là cette théorie stupide, encore défendue récemment par un débatteur télévisuel mal inspiré...le saint Empire Romain quelques siècles après allait être ...Germanique !
Quant à Thusnelda et Vercingétorix, ils partagérent le césar de « l'illustre barbare battu » du triomphe -à leur retour- de Jules César et de Germanicus...
Encore un dernier point commun, et non des moindres au chef gaulois et à son cousin germain, la récupération nationaliste par Napoléon III et Bismarck.
Nombre de rapporteurs taxent ces récupérations de chauvinisme, c'est vrai, mais d'un autre coté il fallait bien réunir les bonapartistes, royalistes et révolutionnaires de tout poil derrière un héros symbolique unitaire, preuve en est l'inscription sur le socle de la statue de Vercingétorix : « La Gaule UNIE, animée d'UN MÊME ESPRIT, peut défier l'Univers »... et côté allemand sur le socle de la monumentale statue d'Arminius :
« L'unité allemande fait ma force, ma force est l'unité allemande ! » et quelle unité : plus de trois cents territoires, principautés, duchés et la puissante Autriche-Hongrie derrière un chef de tribu germanique... on connait la suite...
Et pour couronner le tout, devinez qui fut le chercheur qui travailla sur les sites d'Alesia et de Kalkriese/Teutoburger Wald, avec les mêmes méthodes de comptage sur site de fers à cheval et de recherche d'écritures authentiques : L'historien allemand Théodor Mommsen, prix Nobel, qui invité à Paris par Napoléon III, fût un des inspirateurs de son « Histoire Romaine » !
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