« Victor ou les enfants au pouvoir » avec Lorànt Deutsch au théâtre Antoine

"Mais, c’était un drame !... ", telle est la dernière réplique de Victor ou les enfants au pouvoir, cette pièce qui en ce début de saison 07-08, décoiffe tout ce qui bouge sur la scène du théâtre Antoine.
De la grande bourgeoise pétomane à l’enfant roi tyrannique, Roger Vitrac balaie toutes les conventions et règles de savoir-vivre pour orchestrer un délire conceptuel digne d’une famille "tuyau de poêle".
Mais où va l’auteur, se demande-t-on à chaque instant de la pièce, tant l’adultère y atteint le paroxysme du fantasme généalogique, sans qu’aucune recomposition ne paraisse pouvoir venir à bout de la culpabilité collective ?
Dans ses notes de mise en scène, Alain Sachs décrit : "véritable précurseur du Théâtre de l’absurde, pétri de dadaïsme, directement inspiré par Feydeau qu’il affectionne autant qu’il le met en miettes, Roger Vitrac nous offre ici une indémodable peinture au vitriol de la société bourgeoise".
D’ailleurs, si Alain Sachs devait payer son tribu de metteur en scène hilarant à l’égard de ses pairs, sans doute n’aurait-il pas trouvé meilleur terrain de jeu pour stigmatiser avec une complicité jubilatoire, la dictature fantasque des enfants face à la résignation explosive des parents.
Ici, Laurent Deutsch est bel et bien au centre d’un enjeu insolent, celui de témoigner que rien ne sert de courir en tête, l’enfance aura toujours raison de l’hypocrisie adulte.
Alors plutôt que de faire la bête, le toujours jeune comédien fait effectivement l’enfant atteint par son 9e anniversaire en s’arrogeant tous les droits, y compris celui de renvoyer la réalité en miroir à peine déformé par le piège du non-dit qu’il ose proférer tout à trac.
Mais c’est bien connu, la folie est communicative. Alors dans la confusion des rôles préétablis, tout le monde s’y met sur le plateau en plein tohu-bohu : père, mère, mari, épouse, amante, la bonne, le général et les deux préadolescents... pour y aller chacun de sa tirade incompréhensible, mais à décoder entre les lignes bien au-delà du rideau de la bienséance.
Un feu d’artifice frénétique s’active de lui-même alors que les conflits entre générations ravivent dans une extravagance surréaliste, la dualité entre mensonge tacite et provocation explicite autour du cocufiage et de ses dégâts affectifs collatéraux.
L’entracte ne résoudra en rien le traumatisme de la trahison conjugale placée sur orbite intemporelle et c’est donc faute de combattants restés valides que la chute annoncée par la domestique stupéfaite, pourra faire mouche à l’issue d’un ultime combat hallucinatoire : "Mais, c’était donc un drame !..."
Photo © Gilles Bureau
VICTOR OU LES ENFANTS AU POUVOIR - *** Theothea.com - de Roger Vitrac - mise en scène : Alain Sachs - avec Lorànt Deutsch, Christiane Millet, Philippe Uchan, Cerise, Urbain Cancelier, Fabienne Chaudat, Isabelle Tanakil, Pierre Aussedat & Caroline Maillard - Théâtre Antoine -
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