Vous êtes-vous demandé pourquoi on couche ?
« Vous êtes-vous demandé pourquoi on couche ? », c’est la catchline – « phrase qui attrape » – de l’affiche de
Le ménage à trois tortueux, façon le triangle amoureux qui vire au drame via l’intrusion d’un élément perturbateur, c’est souvent son truc à Anne Fontaine, on avait déjà eu ça dans Nettoyage à sec (1997), dans Nathalie (2004) aussi et on le retrouve ici. Au fait, pourquoi on couche ? Franchement, ce film, malgré des dialogues savoureux et une très bonne direction d’acteurs (mention spéciale à Roschdy Zem qui est très convaincant, parce que suffisamment opaque, dans son rôle de bodyguard formaté), ne nous apprend pas grand-chose sur cette question-là. Certes, vous me rétorquerez que ce film n’est pas une étude de mœurs, ne se veut pas un documentaire sociologique diffusé sur Arte et qu’il se propose d’être avant tout une fiction et, bien sûr, vous aurez raison ! Pour autant, avec cette histoire freudienne racontant la perte de contrôle d’un homme – joué impeccablement, as usual, par Luchini – qui a seulement les mots pour mécanisme de défense, d’attaque et qui se trouve soudain confronté, face à une cagole délurée, à une spirale l’aspirant vers des abîmes qu’il ne soupçonnait pas, on reste quand même, au niveau existentiel, voire psychanalytique, un peu à quai, on aurait aimé que ça aille plus loin. Heureusement, on peut toujours se raccrocher aux dialogues et aux déclarations dans la presse des divers protagonistes du film. Voici, histoire de répondre quelque peu à la question de départ qui donne le titre à cet article, un petit florilège de phrases qui, me semble-t-il, peuvent être picorées comme des Apéricubes : « Est-ce que vous vous êtes déjà demandé pourquoi on couche ? [– Non.] Vous devriez… parce qu’on nous raconte beaucoup d’histoires, qu’on va découvrir des choses magnifiques. La plupart du temps c’est assez décevant. (…) Si vous saviez ce qu’elle m’a fait, si vous saviez ce qu’elle a inventé toute la nuit : ce corps cambré, sans pudeur, sans limites… [– Vous avez juste tiré un coup Maître.] C’est une sorcière, hein, au sens moderne du terme. Elle a une sexualité abyssale. (…) Elle est là, elle m’envahit, elle m’obsède. » (Bertrand). Et Luchini (in entretien vidéo AllôCiné, 20/08/2008) : « Il n’y a aucun problème avec les femmes tant qu’il n’y a pas concrétisation. A partir du moment où il y a concrétisation sexuelle, les distances sont abolies et les deux personnes, c’est-à-dire la femme ou l’homme, se permettent des choses sur ton intégrité, c’est-à-dire qu’ils exigent – « Tu m’as tiré(e) donc tu vas être au garde-à-vous ! » Tant que tu ne couches pas avec quelqu’un, ton indépendance est totale. Dès que tu couches avec quelqu’un, c’est le cas de le dire, t’es niqué ! Ce n’est pas toi qui niques, ça c’est bête de penser qu’on nique, on est niqué. Quand on couche avec quelqu’un qui a un dessein et un projet particulier, si t’es pas vraiment d’accord avec son projet, t’es niqué en la tirant. »
Bon, pour en revenir au film, en supposant qu’on s’en soit éloigné !, cette Fille de Monaco tient bien la route tant qu’on en reste à la comédie légère et glamour, lorgnant du côté de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, on s’y sent bien, les joutes verbales sont enlevées, la mise en scène, suffisamment élégante, plante habilement le décor(um), Fontaine parvenant bien à capter la chanson de gestes des grands hôtels et des prétoires. Les palaces Quatre étoiles et Hors de prix de Monaco font pas mal carton-pâte, Louise Bourgoin (fort jolie cette Bretonne !) campe bien son personnage de vamp du Sud venant vampiriser un avocat volubile, mais coincé – quand le démon du Midi vient rejoindre le fameux démon de midi (ou retour du refoulé) ! – et ce bain de soleil sur
Le tout marche bien parce qu’on assiste bientôt à une réversibilité des contraires, à savoir que ce jeu de manipulations et de dupes surfe allègrement sur les faux-semblants conduisant à inverser la vapeur en se plaisant à renverser les rôles. On se demande alors qui manipule qui ? Et cette cagole arriviste et Prête à tout – on pense à Kidman jouant également une miss météo dans le Gus Van Sant, To Die For, 1995 – est-elle aussi sotte qu’elle en a l’air (Bourgoin, drôlissime, étant très à l’aise pour être idiote sans l’être vraiment) ou bien n’est-elle pas, au contraire, une manipulatrice experte pour tisser sa toile autour de sa proie ? Bref, en ce qui concerne « l’étude » du triangle amoureux et l’aspect comédie de mœurs aux allures vaudevillesques (on assiste à un show Luchini très plaisant !), on accroche bien. Par contre, ça se gâte quelque peu vers la fin (le dernier quart d’heure) lorsque cette Fille de Monaco cherche à tendre vers le bain de soleil policier et le thriller en eaux troubles.
Eh oui, n’est pas Hitchcock – ou De Palma ou Chabrol ! – qui veut. Perso, je pense que cette Audrey (et le récit aussi) manque de mystère, d’opacité pour qu’on la suive vraiment loin. Pas assez femme vénéneuse, pas assez fleur du mal, pas assez Fille coupée en deux. On l’aimerait davantage en Femme fatale depalmienne, une séductrice aussi belle que dangereuse, ou en Ange bleu, en symbole éternel d’une féminité destructrice et irrésistible, à savoir en mythe qui, comme Lola Lola, est « de la tête aux pieds, fait pour l’amour. » Or, Louise Bourgoin, bien que jolie et sexy, n’a pas une beauté vraiment originale, étrange, elle est dans l’air du temps, elle pourrait très bien faire une pub pour Leclerc vêtements ou pour les BN ! Ainsi, on a bien du mal à croire à la passion torride et à la terrible machination qu’elle est censée (innocemment ?) orchestrer. Eh oui, si vous voulez me parler du mystère de l’éternel féminin avec une touche de contemporanéité, alors, parlez-moi plutôt d’Emmanuelle Seigner dans Frantic (1987) ou de Carice Van Houten, la classe faite femme, dans Black Book (2007). En outre, certes, cette Fille de Monaco n’a pas les allures d’une saga estivale de TMC, pour cela je vous conseille plutôt l’inénarrable Disparue de Deauville (2007) signé par une Sophie Marceau mimant De Palma, pour autant je trouve regrettable que, pour l’une des scènes se voulant très fortes du film (le climax avec la course-poursuite entre le bodyguard et la nympho), le filmage soit aussi plan-plan. On aurait aimé une caméra alambiquée et perverse venant malicieusement s’enrouler dans les entrelacs d’un rocher monégasque au parfum morbide. Oui, on aurait aimé, à la rescousse, un De Palma ou un Hitch qui tire cette réflexion torturée sur la sexualité vers les effets de surface, les dahlias noirs, vers le pays des morts, des fantômes et des images doubles. En résumé, Bourgoin, Bardot, Monaco, Coquillages & crustacés, c’est du deux étoiles sur quatre pour moi car on n’y décolle pas assez. Dommage.
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