Walkyrie, le complot qui aurait dû réussir (suite)

Un personnage va jouer dans l’opération Walkyrie un rôle majeur, le diplomate allemand Adam Von Trott zu Solz :sa vie à elle seule est un véritable roman, il serait trop long d’en faire même un résumé- le principal est de savoir que de par sa position il va faire double jeu en multipliant les contacts jusqu’à la veille de l’attentat avec les plus hauts dirigeants alliés et membres de l’opposition en exil. D’autre part il va être le lien unificateur entre les différents cercles d’opposition au régime nazi et autres sympathisants (dont l’amiral Canaris chef du renseignement allemand et aussi spécialiste du double-jeu) et « last but not least » il sera déterminant dans le choix de son ami von Stauffenberg comme exécutant du complot.
Le colonel Claus von Stauffenberg, fin et cultivé, né en Souabe- donc rien à voir avec un « junker »- catholique pratiquant et ayant comme tout les officiers allemands juré fidélité au pays- quelque soit le gouvernement. Ces détails sont très importants- il va être véritablement déchiré entre ces deux impératifs : son devoir pour la patrie et son devoir envers l’église. Nombre de catholiques paieront de leur vie pour avoir fait le « mauvais choix », inspirés en cela par l’exemple du cardinal von Gallen- autre figure emblématique de l’opposition à Hitler et intouchable tant était grande sa popularité.
Une composante essentielle à la réussite du projet est , rappelons-le, d’arriver, après l’élimination d’Hitler à une paix séparée avec les alliés de façon à pouvoir avec cette
« paix dans l’honneur » continuer la guerre contre les Soviets et rétablir en Allemagne un gouvernement stable.
Cette proposition, malgré la sympathie de Lady Astor et l’appui de Lord Halifax et de Sir Neville Chamberlain, va rencontrer plusieurs opposants fermes dont en première ligne Winston Churchill, contre toute négociation et partisan d’une reddition sans conditions et- en filigrane, comme d’habitude, les profiteurs de guerre et autres industriels (dont ceux déjà nommés) qui verraient dans la fin du conflit un coup d’arrêt prématurée à leurs affaires juteuses et qui n’ont aucun intérêt à un réveil trop rapide, une fois la paix signée, de la concurrence industrielle allemande (toute ressemblance avec un conflit passé, présent ou avenir ne saurait être que fortuite, bien sûr).
Pourtant les conjurés continueront, trop longtemps, a y croire, de multiples contacts seront pris jusqu’au dernier moment, avec entre autres interlocuteurs ; parmi eux, Allan Dulles chef de l’OSS et aussi…Willy Brandt le future chancelier, réfugié en Suède : mais ils auront beau faire , le noyau dur ne cédera pas : la reddition totale en réplique à la guerre totale prônée par Goebbels dans ses discours enflammés.
Ce point est une des deux composantes essentielles de l’échec de l’attentat : sans l’accord des alliés, plus de paix dans l’honneur possible, le déroulement du complot va de plus en plus ressembler à une « fuite en avant » : dans cette "valse hésitation" plusieurs tentatives seront reportées, faute de conditions idéales (des proches d’Hitler comme Goebbels, Himmler ou Goering se décommandant au dernier moment…), de plus dans la terreur ambiante entretenue par la Gestapo (il suffit d’émettre des doutes, en public, sur la propagande officielle pour être condamné à mort par les tribunaux nazis) nombre d’officiers supérieurs hésitent à retourner leur veste, l’Histoire leur donnera, provisoirement, raison.
Le deuxième point essentiel participatif de l’échec provient du choix de l’exécutant : Claus Von Stauffenberg. Il est le seul officier supérieur, acquis à la cause, participant régulièrement aux réunions d’état-major au quartier général d’Hitler, le Wolfsschanze (la tanière du loup) en Prusse Orientale. Malheureusement, il a subi des blessures importantes sur le front Africain, il y a perdu un œil, une main et deux doigts manquent à sa main valide : lourd handicap qui aura une conséquence fatale et ce malgré l’assistance de son aide de camp von Haeftens : un des deux pains d’explosif, à cause d’un détonateur qu’il aura mal préparé (cela s’est fait au dernier moment et dans la précipitation), ne pourra être mis à feu, l’explosion – initialement calculée pour ne faire aucun survivant- épargnera la vie de la cible principale. On a longtemps épilogué sur le déplacement par un officier d’état major de la serviette chargée d’explosifs, initialement déposée près d’Hitler , sur le pied de table qui aurait protégé partiellement ce dernier comme sur le changement impromptu de salle de réunion( le bunker d’Hitler étant en travaux) : ces arguments ne résistent pas à l’analyse ; un seul point est fondamental : la charge initiale était calculée pour que personne n’en réchappe.
La suite ? Von Stauffenberg qui sous un prétexte quelconque s’était brusquement absenté de la salle de conférence croira à l’efficacité de l’explosion et sans s’assurer de la mort d’Hitler partira précipitamment en voiture avec von Haeftens pour participer à la mise en place du gouvernement provisoire…
La fausse nouvelle de la mort du Führer se répandra comme une traînée de poudre suscitant l’espoir jusque dans certains camps de prisonniers…
Le démenti arrivera le jour même, les principaux conjurés seront arrêtés, torturés et exécutés dans les jours qui suivent…dans les conditions les plus horribles et les plus dégradantes qu’on puisse imaginer…
La purge touchera environ cinq mille personnes plus ou moins coupables, dont le Feld-maréchal Rommel qui lui seul aura droit , compte tenu de sa stature de hèros, à un suicide obligé… et la salle guerre continuera encore pendant près de neuf mois avec d’innombrables victimes tant civiles que militaires…
J’en viens donc à l’explication de textes du titre de ces articles : Walkyrie, le complot qui aurait du réussir… si les responsables alliés ne s’étaient pas montrés aussi intransigeants.
Encore une fois, l’orgueil et la cupidité l’ont emporté, comme souvent, sur le bon sens et la raison. Churchill et Eisenhower furent parmi les artisans principaux de la victoire mais certaines de leurs décisions furent, comme ici mais pas seulement, à l’origine de catastrophes en matière de pertes humaines. Quant à l’industrie américaine, elle s’en est sorti, à juste titre avec les honneurs, mais aussi avec de substantiels bénéfices tant en espèces qu’en récupération de cerveaux de chercheurs allemands : von Braun qui sera à la pointe de la recherche spatiale et bien d’autres- dont on aura grand soin d’effacer le passé nazi …
…et il ne faudra pas un demi siècle à l’Allemagne pour redevenir l’une des plus importantes puissances industrielles de la planète ...
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON