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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Wall-E », robot pour être vrai ?

« Wall-E », robot pour être vrai ?

Ca y est, j’ai vu le dernier Pixar, un certain… Wall-E ! D’emblée, s’impose la force de l’évidence, à savoir que, comme d’hab concernant ces studios, il s’agit d’un bel ouvrage combinant fond et forme. Que demande-t-on à un film ? Qu’il nous étonne, qu’il sorte des sentiers battus et, accessoirement, qu’il nous fasse rêver. En ce sens là, Andrew Stanton remplit haut la main son contrat.

Pour une production mainstream distribuée par Walt Disney Studio, les deux mondes décrits - une Terre sale nettoyée par un petit robot romantique et une plateforme stellaire truffée d’hommes-moules - offrent vraiment une belle proposition de SF, dotée d’un univers poétique alliant habilement désenchantement et espérance quant au devenir humain. Ca marche et ce film pour enfants à partir de 6 ans ratisse vraiment large : son public peut aller, selon la formule consacrée, de 7 à 77 ans, voire plus – du genre 3/103 ans ! – du fait même qu’il est en partie « muet », c’est-à-dire essentiellement constitué au niveau sonore, hormis la bande-son superbe signée Thomas Newman, des mouvements, bruitages et autres bips de ses personnages de bric et de broc. Néanmoins, autant visuellement le film est splendide (je ne me lasse pas des fonds flous et des parties de décors plus ou moins nets pouvant faire penser à des aquarelles), autant il ne peut s’empêcher de stagner, ici et là, dans une certaine mièvrerie. A dire vrai, ce n’est pas mon Pixar préféré. Je lui préfère, et de loin, un Ratatouille ou encore des Toy Story 2 et autres Monde de Nemo, « films de famille » où le dosage entre innocence enfantine et clins d’œil aux spectateurs adultes me semble meilleur. Oui, d’un côté, Wall-E fait preuve de parti-pris graphiques et narratifs forts et, de l’autre, on stagne dans du neuneu à la sauce hollywoodienne formatée. Quelques exemples : l’histoire d’amour entre Wall-E et Eve, pourquoi pas, quoi qu’on n’y croit pas beaucoup, mais pourquoi faut-il se taper durant tout le film des « Wall-iiiii » et des « EvvvA » à tire-larigot ?

Au bout d’un moment, tout cet anthropomorphisme fastoche est soûlant ! Il faut dire que j’ai vu ce film en salle (Gaumont Alesia/Paris) et que juste à côté de moi il y avait trois spectateurs « enveloppés » se goinfrant de pop corn, n’arrêtant pas de ricaner grassement et de s’attendrir bruyamment au moindre geste ou expression fleur bleue de Wall-E, aussi ils rendaient ce film d’animation peut-être plus rose bonbon qu’il n’est, allez savoir ! J’ai même cru un moment avoir assis à côté de moi trois gros bonshommes sortis du film, adeptes de la surconsommation tous azimuts, et je me suis dit que Gaumont organisait maintenant des séances interactives, mélangeant vrais spectateurs et personnages sortant de l’écran – cauchemar assuré. Je blague ! Trêve de plaisanterie, au rayon plan-plan, autre exemple : il est tout à fait louable que cette animation SF se penche sur les dangers de la surconsommation planétaire (obésité, trop-plein, pollution, solitude…) mais pourquoi charger autant la barque du côté d’un discours bio-écolo-chlorophylle bien dans l’air du temps ? On a eu ça récemment dans Phénomènes, et ça avait tendance à plomber le film Nature&Découvertes de Shy, et voilà qu’on retrouve ce message – assez consensuel - dans une production Disney qui, au passage, pour rappeler les bienfaits d’un paradis perdu d’une humanité regrettée, ne peut s’empêcher de se référer essentiellement à la sacro-sainte culture américaine : au détour d’un plan dans l’espace, nous croisons forcément le drapeau de la bannière étoilée et notre cher Wall-E, dans son antre à la McGyver, a pour film de chevet une comédie… américaine : Hello, Dolly ! de Gene Kelly. Bon sang, pourquoi Wall-E ne peut-il pas faire preuve d’un meilleur goût cinéphile et mater, comme il se doit !, un musical de l’âge d’or du cinéma hollywoodien ou, encore mieux, histoire de dépasser un certain protectionnisme culturel US, une comédie musicale estampillée Jacques Demy ?


Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir, il y a de très bonnes choses dans Wall-E. L’histoire, hormis la love story et le happy end convenus (l’embrassade finale), est prenante : plus personne sur la Terre, 700 ans après le départ des humains partis se réfugier dans un vaisseau spatial, un robot composite continue vaille que vaille son job : nettoyer la Terre, jadis bleue, désormais couverte d’ordures. Bientôt, il rencontre la jolie Eve, robot sexy en mission sur Terre, et il décide alors de repartir dans l’espace avec sa promise. En gros, c’est ET à la rencontre de 2001, sur fond de ville futuriste à la Blade Runner. Franchement, les mondes présentés (Terre débordée par ses poubelles et plateforme en orbite) sont fascinants et je trouve tout à fait remarquable l’affirmation de ces deux blocs filmiques parfaitement scindés. D’un côté, on a un no man’s land fait de pyramides de détritus, à croire que des César et des Max Ernst seraient passés dans le coin (cf. photos) !, et de l’autre on découvre des humains obèses et mous du bulbe planqués dans un vaisseau touristique ressemblant à un parc de loisirs créatifs façon Disneyland, Club Med & Co ! De même, le paysage cauchemardesque de la 1ière partie, avec ses teintes orange sanguine et rouille, m’a convaincu : on y voit Wall-E (« videur automatique pour lavage et levage classe E »), droïde compact fait de chenillettes et d’un ventre-benne, réaliser des gestes automatiques, à savoir compiler des objets pour en faire des gratte-ciel, des totems et autres stèles de déchets. On pense alors à Lavoisier (« rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »), à Lamartine (« objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »), et on se dit que ce film qui recycle à tout-va (Keaton, Kubrick, Chaplin, Titanic…) est tel un Rubik’s cube : on peut le tourner dans tous les sens, il finira toujours par retomber sur ses pattes. Non seulement Stanton intègre le recyclage à son histoire (Wall-E, collectionneur sentimental et propriétaire d’un vide-grenier plein de poésie bric-à-brac, peut être vu comme un artiste) mais il fait du film même une piste recyclable ad libitum. En ce sens, voilà un film-concept cohérent et rond comme le design I-pod d’Eve, charmante guerrière en pilotage automatique. Autre référence commerciale à Macintosh : l’alerte sonore indiquant que les batteries de Wall-E sont rechargées est celle du démarrage des ordinateurs Apple. Aussi, il me semble vain, comme l’ont fait facilement certains critiques, de reprocher au film d’être une rampe de lancement pour vendre du merchandising Pixar. Eh oui, si l’on y regarde de plus près, ce film est parsemé de logos et d’une signalétique publicitaire qui s’affichent comme tels. On est de plain-pied plongés dans la société consumériste et on y est d’ailleurs jusqu’au cou – ainsi la boucle est bouclée !

Davantage que la Terre désolée, ce qui m’a le plus plu dans Wall-E, c’est toute la 2ième partie, lorsqu’on voit un monde d’anticipation aux allures de contre-utopie, un univers d’images dérivées d’images, à savoir une plateforme stellaire garnie d’hommes-mollusques, totalement assistés par des écrans d’ordinateur, postés sur des fauteuils flottants et défilant sur des espèces de tapis de caisse high-tech. L’homme devient sa propre marchandise. Cette colonie d’hommes-poupons centrés sur une piscine d’opérette fait penser à une société communautariste du 19ième, style familistère de Guise par Godin ou phalanstère de Charles Fourier, qui aurait mal tourné. Ces hommes-machines indolents, aussi intéressants que des plantes vertes plantées dans un décorum clinique et clean, ont les os et muscles atrophiés, le visage bouffi et des capacités intellectuelles hautement diminuées, comme passées au rouleau compresseur. Au secours, s’agit-il de décrire les geeks et les nerds d’aujourd’hui, plantés des heures devant leurs écrans ? En outre, les bibendums, chapeautés par le Président de BnL, sont complètement sous le joug d’un ordinateur central aux noirs desseins - l’œil de l’auto-pilote de l’Axiom faisant bien sûr penser au fameux Hal cyclope de 2001. Bref, d’un côté, ce film SF ouvre des perspectives fascinantes, parce qu’il met le doigt sur les travers capitalistiques flippants de notre époque et, de l’autre, il peut se montrer fort timide. J’en ai souligné quelques limites au début, et juste une dernière pour la route : son générique final, pur bijou graphique, choisit de raconter la suite du film via les moments les plus importants de l’art. Ainsi, on assiste à un voyage à travers la peinture, depuis l’Antiquité jusqu’à Van Gogh, pourquoi pas. Mais pourquoi s’arrêter à un peintre du 19ième ? Comment faire l’impasse sur les plasticiens de l’art moderne et contemporain qui viennent après (des Picasso, Dalí, Pollock, Warhol et autres Bacon) ? Allez Pixar, encore un effort pour aller plus loin, vers l’infini et au-delà, afin de nous surprendre davantage encore !

 

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« Wall-E », robot pour être vrai ? « Wall-E », robot pour être vrai ? « Wall-E », robot pour être vrai ?

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10 réactions à cet article    


  • morice morice 23 août 2008 10:19

    Jaime bien quand vous VOUS décrivez : "Au secours, s’agit-il de décrire les geeks et les nerds d’aujourd’hui, plantés des heures devant leurs écrans ?".... toujours le même style pseudo branché pour faire mode. Superficiel. Tout ce qu’on apprend dans ce fouilli modal, c’est que l’auteur n’aime pas regarder un film en compagnei de mangeurs de pop-corn. C’est déjà ça remarqué, il est peut être en voie de guérison, notre geek cinématographique.


    • Proto Proto 23 août 2008 17:23

      Je vous trouve dur dans la critique sur ce coup, personnellement je pense que le background de ce film méritait une analyse du style, car pour une fois on peut observer un certain "contenu", et pour une fois les cuillères et les serpillères ne chantent pas.
      Moi la première chose qui m’a frappé c’est la ressemblance de Wall-E avec Johnny 5, robot héros des années 80, j’aurais espéré que l’auteur fasse un parralèle.


      • morice morice 23 août 2008 17:25

         Proto, vous ne voulez pas vous charger de la rubrique ?


        • tesla 23 août 2008 17:33

          Ce film est surtout une grosse pub pour Apple...


          • momo 25 août 2008 14:55

            En quoi ce film est-il une pub pour Apple ?


          • ThatJazz ThatJazz 26 août 2008 18:48

            C’est une pub pour apple (mais bon steve jobs a créé pixar) parce que le son que wall-e fait quand il démarre et un son de démarrage de mac, et que Eve a un design très Mac.


          • Proto Proto 23 août 2008 17:42

            Il faut garder une certaine légèreté parfois Morice, ne pas prendre tout trop à coeur, et pour votre info les mots "geek" ou "nerd" ne sont pas si branchés que ça.
            J’ai même l’impression que votre commentaire est assez vide et lié à un précédent avec cet auteur, bref un peu comme ceux qui polluent vos articles.
            L’auteur dit lui-même en introduction ce qu’il attend d’un film, ses exigeances ne sont pas les nôtres, et pourtant l’analyse est de bonne facture selon moi, j’avais cru comprendre qu’AV peinait à remplir sa rubrique culture et loisirs.


            • Nina Hagen Nina Hagen 26 août 2008 20:05

              Bonsoir Vincent,
              Votre titre m’a interpelée. A m’y pencher, je me suis apperçue que c’était du Prévert...

              Le progrès ??? Trop robot pour être vrai..


              • Vincent Delaury Vincent Delaury 27 août 2008 08:39

                Nina Hagen : " (...) A m’y pencher, je me suis apperçue que c’était du Prévert... "

                Eh bien je prends ça pour un compliment !
                Cordialement.

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