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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > À ma sorcière tant aimée

À ma sorcière tant aimée

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Pour les yeux d'Irène

Il était une fois une affreuse et repoussante vieille dame que tous les enfants de ce petit village craignaient comme la peste. Pour chacun d'eux, elle était sorcière effrayante, vieille folle qu'il fallait éviter ; la croiser dans la rue était une épreuve. Les adultes qu'ils sont devenus évoquent encore ce souvenir lointain, avec des frissons dans le dos.

La fin de cette pauvre femme fut à l'image de cette réputation qui progressivement l'enferma dans un rôle qui n'était pas glorieux. Sorcière, était-elle devenue, c'est en sorcière qu'elle allait périr. Pourtant, sa destinée eût pu être tout autre. Il eût suffi d'un signe, d'un regard ou d'une passion qui n'eût pas été entravée.

Irène avait été jeune. Irène avait été belle en ce temps glorieux. Ses yeux surtout, d'un bleu si profond, n'étaient pas encore déparés par la froideur de ce qui fait peur. Bien au contraire, ils étaient pièges à garçons ! C'est ainsi qu'un jeune homme du village s'y laissa prendre mais en retour toucha le cœur de la belle. Ces deux-là s'aimaient, c'est du moins ce qui se raconte encore mais le mariage n'était pas possible. Irène était d'une famille trop modeste pour que l'alliance se fît,

Il faut peu de chose pour basculer dans une forme de folie. Irène ne se remit jamais de cet amour contrarié. Enfermée dans sa modeste demeure, elle se coupa du monde, se négligea , cessa de se laver. Petit à petit, enchâssés dans sa laideur repoussante, ses yeux si beaux semblaient à présent , d'inquiétants diamants glacés ….

Irène était seule ; elle le resterait toute sa longue vie. Ses contacts désormais se limitaient à ses chèvres, ses lapins et de rares clients qui surmontaient leur aversion pour acheter ses succulents fromages. Les enfants du bourg lui jetaient des pierres et lui lançaient des insultes. Elle puait ! Cela justifiait hélas ce comportement si peu recommandable …

Irène vivait aussi dans une saleté sans nom, ce que ne révèle pas aujourd'hui sa maison , devenue la petite bibliothèque du village où l'on peut admirer un trésor : un magnifique pressoir à l'ancienne, pièce d'exception et de collection ! Du temps de la dame, cette merveille était dissimulée sous une couche de fumier qui occupait une grande partie de la masure !

Personne ne venait jamais dans l'unique pièce à vivre dont disposait Irène ; l'odeur y était trop insupportable. C'est là qu'elle s'enferma dans sa rancune et son désespoir. On lui avait refusé l'homme de sa vie ; il n'y en aurait aucun autre ! Pire même, elle se coupa des siens. Quand sa sœur se maria, Irène , cloîtrée chez elle, assista cependant de la petite lucarne du grenier, à une célébration qu'elle s'était interdite.

La folie n'était pas loin, favorisée par la vieillesse et la solitude d'Irène . Elle devint désagréable et un peu grossière. Quand on lui demandait son nom, elle répondait toujours : « Irène Fouqueau, avec un Q comme le mien qui ne combla jamais personne ! » Si la formule est détestable, elle révèle parfaitement toute la détresse éprouvée par cette malheureuse , au plus secret d'un cœur en souffrance.

Irène passait son temps à sillonner la campagne avec sa brouette. C'est ainsi qu'elle parcourait des distances considérables pour aller chercher de l'herbe afin de nourrir ses bêtes ou pour se rendre aux marchés du coin, vendre ses fromages de chèvre. C'est au retour de celui de Jargeau, ville située à sept kilomètres de son domicile, qu'elle tira, un jeudi soir, sa révérence à cette vallée de larmes.

A la nuit tombée, Irène poussait sa brouette le long de la route, marchant d'un bon pas en dépit de ses 88 ans. Le chauffeur d'une voiture qui allait trop vite, ne la vit pas et la percuta ; le choc fut terrible ! Irène mourut sur le coup. Il fallait pour cette pauvre femme, une fin à l'image de sa vie. Celle qui pour tous, était devenue une sorcière, fut décapitée. Ses yeux qui inspiraient si grande peur, avaient roulé avec sa face immonde dans un fossé. Ainsi finit une pauvre femme pour qui la vie n'avait pas été facile .

Sa maison est devenue un lieu culturel, et la photographie de la pauvre vieille trône en majesté près du pressoir ; il faut retenir l'ironie de cette histoire. Une réputation, pour monstrueuse qu'elle puisse être, peut un jour se transformer par la grâce du temps qui passe. La maison d'Irène est un lieu charmant. Fasse en sorte qu'elle redore une image qui était tombée bien bas. Si vous passez par Mardié, demandez à visiter ce lieu et n'oubliez pas d'avoir une pensée émue pour la pauvre Irène, la vieille aux si beaux yeux !

Hommagement sien

Irène, à jamais la gentille birette de mes contes

 

Dimanche 14 juillet

Gégé & C’’Nabum racontent Irène

Mardié (Loiret) 19 h 21 h

Sur la péniche Suave au canal


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4 réactions à cet article    


  • juluch juluch 4 juillet 2019 11:12

    Je crois que l’on a tous ce type de personnage dans nos mémoires…….c’est une fois mort que l’on connait leur parcourt parfois bien chaotiques.


    • C'est Nabum C’est Nabum 4 juillet 2019 11:28

      @juluch

      Il convient alors de leur rendre honneur et dignité même si le mieux est de le faire de leur vivant

      Merci


    • Étirév 4 juillet 2019 11:13

      Hommage à la Sorcière…

      La sublime Prêtresse qui chantait le cantique de la Nature, l’inspiratrice des hommes, la grande consolatrice, Celle qui était la promesse et la miséricorde, Celle qui était la science et guérissait toutes les blessures, a été chassée du temple.

      L’ignorance a pris sa place et s’est faite orthodoxie. Alors, que va-t-elle devenir ?... Qu’elle le veuille ou non, la voilà destinée à l’œuvre sourde des conspirations.

      « Humiliée dans les petites occupations, elle qui avait vu par-dessus nos fronts, dit Jules Bois, elle fut enfoncée dans les détails obscurs. La sibylle qu’elle porte en elle fait semblant de dormir, mais s’éveille parfois.

      « La femme est en tête de l’hérésie. Chassée du temple, elle devint la sorcière. Elle paya cette révolte du plus riche et du plus précieux de son sang. Les Albigeois et les Gnostiques la glorifièrent. La sainte Sophia était pour eux la Déesse invisible. C’est dans le massacre que fut noyée cette résurrection mystique de la femme. Plus tard, quand les Bohémiens arrivent à Paris, ils disent obéir à la sublime maîtresse du feu et du métal, prêtresse d’Isis, qui dans le dernier de leurs chariots penche un front couronné de sequins sur les livres antiques. Mais la pauvre sorcière du moyen âge est encore la plus dolente. On l’extermine par hécatombes. »

      Mais il faut un prétexte pour l’exterminer.

      On l’accuse d’exercer un pouvoir magique, occulte et tout-puissant, pour nuire à l’homme.

      La puissance donnée aux femmes sorcières était immense. Une d’elles, du pays de Constance, qui n’avait pas été invitée aux noces de son village, à cause de sa supériorité, se fit, dit-on, porter par le Diable sur une haute montagne, y creusa une fosse dans laquelle elle répandit sa sécrétion urinaire, puis prononça quelques mots magiques, et, aussitôt, un formidable orage éclata qui dispersa la noce, les ménétriers et les danseurs. Tout cela prouve que le mal qui arrivait lui était attribué : c’était sa vengeance qu’elle exerçait, l’ancienne vengeance divine à laquelle on croyait toujours, quoiqu’elle ne fût plus Déesse. Elle était devenue au moyen âge la Stryge, celle qui s’envolait par les cheminées, se précipitait du haut des montagnes, devenait une chatte, etc.

      Et cependant, malgré la persécution, elle travaille, elle écrit, son esprit toujours actif se manifeste sous l’impulsion de sa plus brillante faculté, l’intuition ; c’est ce qui fait dire à Jules Bois, dans Le Satanisme et la Magie (p. 43) : « Elle se relève la nuit, écrit d’étranges pages, qui semblent ne jaillir ni de ses souvenirs, ni de ses lectures, ni de ses conversations. D’où alors ? Autour d’elle, on s’inquiète : comment croire à des fraudes ? On se récrie, on résiste, puis d’épouvante on accepte tout. C’est que l’invisible devient visible de plus en plus, il commande, il conseille, il investit la maison de sa présence outrecuidante, utile cependant. Il gère les affaires, prophétise, allonge dans la famille moderne l’ombre des vieux Dieux.  »

      La Fée Mélusine, la femme savante et bonne, n’était-elle pas représentée dans un corps qui finit en serpent par le Catholique qui la maudit  ?

      Après ce massacre de la Femme, qu’allait-il rester de la société humaine ?

      « La Femme universelle, toujours refoulée par l’Eglise, la Mère étouffée par la Vierge, la Femme vraie, sans fausse honte de sa nature et de ses dons » (Jules Bois). En effet, il restait la Nature avec ses éternelles lois. Il restait la Femme !.. Déesse sans autels, Reine sans royaume, qui n’ose avouer sa royauté,... mais la prend quand même !

      Mais toutes n’étaient pas des femmes fortes, des sorcières. Il y avait aussi les femmes faibles et amoureuses de l’homme perverti. Celles-là vont au prêtre, et ce sont les riches, les joyeuses, les heureuses, celles qui plaisent aux séducteurs par leurs complaisances ; elles lui apportent leurs amours et leur or. Qui oserait critiquer la sainteté de leurs intentions ? Aussi les maris se taisaient.

      Mais les femmes fortes allaient à l’homme maudit, à celui que, par un paradoxe fréquent, le prêtre appelait « Satan », c’est-à-dire à l’homme vrai, grand et droit. Elles allaient donc au diable, elles se donnaient au diable, modeste, pauvre, déshérité comme elles.

      Ce sont eux qu’on appelle les bons hommes, on les prend en pitié parce qu’ils n’ont pas l’astuce et l’hypocrisie des grands seigneurs de l’Église. Ces naïfs sont restés fidèles à l’antique loi morale ; aussi, comme ils sont ridiculisés, avilis, meurtris, les pauvres grands bons hommes, et hués par le peuple abruti  ! Mais qu’importe à ces hommes ce qu’on dit d’eux ? il leur reste la vraie femme, la grande, c’est-à-dire tout, et c’est cela qui, finalement, les fera triompher.

      Gloire à toutes les Sorcières d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

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