Battez tambour !
Sonnez musette…
Me voilà pour un temps célibataire, mon épouse ayant pris la clef des champs pour l’autre hémisphère, une destination bien trop lointaine pour le vieux sédentaire qui vous parle. C’est ainsi que je découvre soudainement, certaines diront enfin, les nécessités de me prendre un peu en charge. L’éducation que me fournit en son temps ma pauvre mère en la matière me préparant davantage à la situation de propre à rien que de mari partageur des tâches ménagères. J’ai beau me dédouaner de ma cossarde tendance en affirmant haut et fort que je fais la cuisine et le marché, je me suis néanmoins et toute honte bue, largement exonéré de tout ce qui relève du quotidien indispensable au bon fonctionnement d’une maison.
Du sol au plafond en passant par le linge et le supermarché, j’ai échappé à tout ce qui rend la vie insupportable à la ménagère, quel que soit son âge. Vous dire que j’ai supporté cette défaillance sans état d’âme ni remords ne serait pas exact, j’ai quelques fois des poussées de lucidité qui me valent des crises de mauvaise conscience puis, l’habitude prenant le dessus, la facilité jouant la bonne fée ménagère, je passe allégrement l’éponge sur un comportement qui n’est guère responsable et encore moins louable. Mais cette fois, il n’y a pas moyen d’y couper, le coup de balai s’impose à moi, tout au moins la nécessité d’assumer ce qui ne se fera pas tout seul.
J’ai eu beau jouer la montre, retarder le plus possible l’inéluctable, il faut me rendre à l’évidence, je n’ai plus rien à me mettre ni même de vaisselle propre pour mon maigre repas. Je devais me jeter à l’eau, reprendre en détail le mode d’emploi de la machine à laver, cette invention miraculeuse qui semblait, d’après mes récits de lavandières, avoir libéré la femme dans les années 1960. C’est pourtant sans tambour ni trompette, que je découvris qu’il y avait une sélection impitoyable à l’entrée de l’appareil ; les bons conseils étaient en la matière catégorique, le blanc ne se mêle pas à la couleur et la température ne doit pas excéder le raisonnable. Voilà bien de quoi aggraver ma réflexion, j’étais dubitatif tout autant interrogatif devant ce qui relevait du blanc dans l’univers du tissus imprimés aux nuances multiples.
J’optai pour la température la plus basse histoire de ne pas faire des nœuds à mes espérances afin de pouvoir me revêtir de manière convenable. Restait alors l‘épineux problème des détergents assouplisseurs et autres produits censés faciliter le travail et rendre plus propre ce qui ne l’était plus. Je découvris avec stupéfaction que la lessive en poudre était inconnue dans la maison, il me fallait faire le bon choix entre les différents bidons qui se proposaient à ma sagacité. Je ne sais si la loterie tira les bons numéros mais je remplissais les réservoirs prévus à cet effet sans défaillir. Je me trouvai ensuite confronté à un appareil aux multiples boutons, réclamant des compétences qui soudainement me semblait hors de mon programme personnel. Il semble plus facile de piloter un aéronef qu’une machine à laver résolument moderne. J’aurais mieux fait de prendre moi aussi la tangente ou bien de me rendre directement dans une laverie automatique.
Je jouai à la roulette russe pour actionner les yeux fermés, la bonne combinaison. J’oubliai volontairement des suggestions qui ne signifiaient rien qui vaille pour moi : lavage différé, programme facilitateur pour repassage - éventualité que je repoussais d’entrée, le dire c’est bien mais le fer c’est trop ! - essorage rapide. Tout ceci eut mérité une traduction qui ne figurait pas sur l’appareil électroménager. Je n’oubliai pas d’ouvrir l’eau, preuve que j’avais écouté les précieux conseils qu’on m’avait opportunément promulgués avant l’escapade de madame. Ne restait plus qu’à trouver le bouton de mise en marche, ce qui se fit non sans hésitation. La suite aurait pu être une simple formalité si au moment de sortir le linge trempé et guère essoré à des fins de séchage, je découvris que la température dans la maison était particulièrement basse. Il est vrai que n’ayant plus rien à me mettre, j’avais une plus grande sensibilité à ce petit détail.
Mon sang ne fit qu’un tour pour irriguer mon cerveau archaïque. Il y avait anguille sous roche du côté de la chaudière, autre inconnue notoire dans mon panthéon domestique. J’examinai des thermostats qui me firent tourner en bourrique et finirent par m’échauder l’esprit. Rien ne se passa. L’écran de contrôle affichait un incident chaudière, message ésotérique pour un gars de ma trempe. Je descendis à la cave, chemin que je connais parfaitement mais sans jamais m’arrêter à la hauteur de ce curieux engin. Un voyant clignotait, il représentait un robinet. Décidément c’était le jour de la grande lessive, il me fallait une fois encore manipuler un accès à l’eau courante. J’en trouvais un, hélas, c’était celui de la vidange …. Non seulement il faisait froid mais en prime, j’avais maintenant les pieds dans l’eau. L’apprentissage ne se fait pas sans heurts ni déconfiture, il faut bien en convenir. La serpillière fit ma connaissance. Nous avions jusque là des relations très distantes.
J’avoue qu’elle se montra compréhensive et fit preuve d’une belle efficacité dans un contexte peu favorable, dois-je vous le rappeler au séchage rapide. Finalement tout revint dans l’ordre et la maudite récalcitrante refit feu de tout bois même s’il y avait un peu d’eau dans le gaz. Je crois que la fois prochaine, je prendrai l’avion. J’en avais plein les bottes tandis que mon épouse se la coulait douce sous les tropiques. Si par hasard, quelques gentes dames voulaient me donner un petit coup de main, je suis preneur. J’ai d’autres menus détails domestiques à régler et le plus petit coup de main tendre et bienveillant sera apprécié à sa juste saveur.
Ménagèrement vôtre
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