De ma chaise percée
Diarrhée verbale

Je sais que le temps n'est plus d'examiner attentivement la couleur et la texture de ses excrétions intestines. Les docteurs Diafoirus n'ont plus bonne presse et notre société a des pudeurs en certains domaines, alors qu'elle ne cesse de se montrer totalement impudique en beaucoup d'autres. C'est ainsi : le scatologique peut, à la limite, animer quelques pervers en mal de position assise mais nulle référence ne doit être faite à cette occupation journalière qui nous place tous dans une posture de grande humilité.
Pourtant, c'est là, le pantalon en accordéon avachi à mes pieds, les genoux relevés pour y accueillir mon ordinateur portable que je vous écris la plupart du temps. J'avoue cette faute qui va en rebuter plus d'un ; ceux-là n'hésiteront pas à me tourner le dos. Déjà que mes écrits n'étaient pas toujours en odeur de sainteté, les voilà parés d'effluves nauséeux, au grand dam de ceux qui aiment à se pincer le nez pour un oui et surtout pour un non.
Je dois à la vérité de vous informer que ce séjour sans partage est l'une de mes occupations préférées, non par perversion mais, hélas, par nécessité. Quand certains boudent ce modeste cagibi sanitaire, souffrant d'un mal redoutable qu'on nomme constipation et qui affecte le caractère, d'autres, à l'inverse, en abusent à l'excès. Je suis de ceux dont la mécanique intime ne cesse de produire matière digne d'être évacuée. Pour accompagner cette fastidieuse besogne, j'aime à m'épancher au-dessus de ma cuvette.
Je vous ferai grâce des détails. L'activité qui chez moi est particulièrement féconde ne manque jamais de diversité ni de variation. Pas un jour où le produit de mes entrailles ne vienne apporter une nuance nouvelle, une consistance surprenante, un parfum délicat et subtil. Tout est matière à surprise et je ne cesse de m'extasier devant le produit final et ces incroyables expressions fécales.
Tous mes états d'âmes se résument en cette substance. La contrariété délaie, l'alcool parfume, le stress liquéfie, la fatigue concentre, la gourmandise accumule, le froid resserre, la chaleur libère … Je sais tout de ces variations secrètes, des parfums qui viennent se greffer aux différentes phases d'une production abondante et variée. Je lis mon passé immédiat au travers d'une lunette anatomique !
Je l'examine avec soin, c'est mon côté apothicaire d'un autre temps. C'est d'ailleurs pourquoi j'aime écrire des contes en cet endroit. Il était une fois... formule qui ne me convient guère, moi qui aime à multiplier les plaisirs au cours d'une journée. Je ne suis nullement avare en la circonstance et renouvelle sans cesse la source de mes inquiétudes.
Il faut avouer que ce problème m'a accompagné toute mon existence et que je n'ai eu de cesse de vouloir le dépasser en me faisant le chantre de la cabane au fond du jardin et de nos tinettes d'antan. La nostalgie n'a rien à voir dans cette folie personnelle ; elle n'est que façade pour dissimuler le trou noir de mon existence, le dérèglement intestin qui, pas un seul jour, ne me laisse en paix depuis cette maudite occlusion intestinale de mes douze ans.
Alors pardonnez-moi ces récits à la chaîne, ces petits papiers qui vous importunent, ces étrons que sont parfois mes billets rageurs. J'évacue par le haut et sur le clavier bien plus aisément que sous ma chaise percée. Si ce texte vous fait mal au ventre, vous aurez alors le bonheur de partager ma douleur quotidienne. Je vous remercie pour votre commisération.
Il est temps de tourner la page, d'essayer de sortir la tête haute de ce réduit ridicule qu'on nomme parfois édicule. J'ai voulu rendre public mon modeste espace de souffrance. Ne m'en veuillez pas et partagez avec moi, sans tirer au cœur, vos récits secrets si vous souhaitez mettre à nu le fruit de vos entrailles.
Quant aux autres, il y a longtemps qu'ils ont fui les parages, se pinçant le nez et fermant les yeux devant une activité qui pourtant leur est commune. Je vais aller me rhabiller comme vous en mourez d'envie. Mais auparavant, j'aimerais que vous passiez l'éponge sur cette petite folie. J'en avais tellement envie !
Autrefois on n'avait pas cette réticence à" entrer en matière" de cette façon, comme nous le prouve l'origine de cette expression si usitée.
Le savoir-vivre fait que lorsque l’on rencontre une personne que l’on connaît, on la salue et on lui demande : comment allez-vous (ou comment vas-tu) ? Mais d’où vient cette expression ? Elle date en fait de la fin du Moyen Âge au XVe siècle, quand la médecine grand public commença à apparaître. À défaut de mieux à l’époque, l’indicateur de la santé, c’étaient les selles ! Eh oui ! La question posée faisait référence à la consistance, à l’odeur etc. de la défection de l’interlocuteur. D’ailleurs, le mot selle (apparu au XIIIe siècle) est issu du latin sella = siège. C’est aussi pour cela que l’on s’assoit sur une selle… de vélo ! La selle désignait aussi autrefois la chaise percée (ancêtre de la cuvette de WC) qui servait à faire ses besoins. Bien évidemment, à l’heure actuelle, le sens originel de l’expression (comment allez-vous ?) n’est plus de mise. On veut juste savoir si la personne se porte bien, sans entrer dans les détails scatologiques… heureusement !
à consulter d'une fesse discrète ou à écouter
http://www.chroniques-ovales.com/article-la-cabane-au-fond-du-jardin-115509839.html
http://www.chroniques-ovales.com/article-souvenirs-de-latrines-115602690.html
http://www.chroniques-ovales.com/article-l-etron-sauvage-115629037.html
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