Donald, un canard en tenue Marine

Victoire prémonitoire.
Mickey a perdu la face. L’époque a beau être à la domination du numérique, la petite souris doit baisser pavillon devant le canard idiot et maladroit à la voix insupportable et à l'irritation permanente. Nous voilà dans de beaux draps et personne ne songe à imaginer que pareille mésaventure pourrait bien nous arriver dans quelque temps. Astérix, perdu sur son pédalo, se retrouve détrôné au profit de Bécassine qui n’est autre que la fille du chef Abraracourcix, égarée dans la semaine de Suzette, tandis qu’Iznogoud croit encore à sa bonne étoile.
N’oublions jamais que Donald a eu une tenue marine : il affiche ainsi ses couleurs et son orientation. Il n’avait jamais supporté les mulots, les ratons laveurs et autres personnages issus de la diversité animalière. Il est grand temps que, dans les parcs d’attractions, il n’y ait plus que des canards nageant dans un marigot infâme. Speedy Gonzales se fracasse contre le mur du son, la lumière ne vient plus de ce côté là du pays.
Bécassine pense exactement la même chose. L’épuration graphique s’impose dans le petit monde feutré de la bande dessinée. Qu’importe si les nouveaux premiers rôles ne sont pas à la hauteur : ils plaisent aux lecteurs, ceux-là même que les anciens héros ont copieusement délaissés, ignorés, méprisés. Le Panthéon provoque toujours ce genre de retrait du réel : des hauteurs de la célébrité, on ne parvient guère à envisager la vie des seconds rôles et des personnes subalternes.
La promotion de Donald, l’éviction de Mickey, c’est la revanche des subalternes, des écartés de la galette, des abonnés aux sales besognes, des condamnés à l'anonymat et à l’indifférence. Il est grand temps de repenser le générique et de revoir le scénario. Les ombres, les silhouettes des vignettes veulent à leur tour croire que la vedette est à leur côté.
Les spécialistes de la bande dessinée nomment le phénomène « populisme », l’envie exprimée par tous les personnages de disposer d’un gros plan. Pour l’heure, Donald s’octroie un magnifique plan américain qui le met en selle pour partir à la conquête du monde des parcs d’attractions. Le rêve américain passe, Lucky Luke rejoint les Dalton dans un pénitencier mexicain, les fers aux pieds, à tenter vainement de casser le nouveau mur de la honte.
De l’autre côté du monde, un personnage fait un tabac : Super Poutine en personne. En kimono blanc, le champion toutes catégories de la clef anglaise et du coup de pied de l’âne, mène une lutte sans merci contre les zombies. Donald et Super Poutine, associés sous la houlette de Bécassine, la planète risque de chauffer dangereusement.
Seule la bulle médiatique a explosé dans l’aventure. Les prévisions ou les rêves des intellectuels qui ne voient jamais rien venir se sont pris les pieds dans les péripéties que leurs chers penseurs n’avaient jamais imaginées. Ceux-là continuent de croire que la BD est un art mineur, que rien de bon ne peut sortir des cartoons.
Pour l’heure c’est la panique à Disneyland : il faut revoir toutes les animations, faire désormais dans le graveleux, le vulgaire, le pitoyable. Daisy, en première dame, connaîtra une lune de miel avec l’ours Medvedev, le merveilleux gnome. Bécassine réclame, elle aussi, un compagnon digne de sa future gloire. Ribouldingue semble avoir sa préférence tandis que Filochard avec son bandeau espérait vraiment emporter le morceau.
La planète est redevenue plate : c’est la défaite de Galilée. Ces trois-là vont tout niveler par le bas. Ils vont faire planche commune pour raconter des sornettes, une histoire simplifiée. Ils ont une représentation si manichéenne de la complexité des enjeux internationaux que le noir et blanc redeviendra la norme. La bande dessinée ouvre une nouvelle ère : elle sera terrible.
Ce matin, Caliméro a un coup dans l’aile, il se retrouve le bec dans l’eau. Donald a emporté la palme : il a bouté la souris et nous devrions bien imiter le brave Mickey et nous cacher dans un petit trou. Il y a de quoi avoir honte et ne plus croire aux belles histoires !
Canardement sien.
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