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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Gueule cassée et grand cœur

Gueule cassée et grand cœur

Parcours d'une vie ...

Georges de la Loire.

Vous avez passé une journée sur la Loire en compagnie de l'inénarrable Georges. Prenons maintenant la peine de lever le voile, de découvrir quelques aspects de ce personnage aux mille facettes, au parcours compliqué et à la vie semée d'embûches. Il y en aurait tant à raconter que je n'ai fait que recueillir quelques fragments épars, notés tant bien que mal parmi un flot de paroles. Il n'est pas avare de confidences et sa faconde le pousse parfois sans doute sur les rives de l'exagération. Qu'importe, chacun prendra ici ce qu'il juge acceptable …

Georges est un ligérien, un vrai. Il fut baptisé dans notre Loire un jour que ses parents se promenaient sur le chemin de halage vers Combleux. Déjà diable à deux ans, il dévala la levée et termina sa course en contrebas. Son père n'eut que le temps de courir à sa suite pour le tirer de ce mauvais pas et lui éviter la noyade. Depuis, sa vie sera une suite de catastrophes dont il sortira indemne par miracle !

Puis c'est l'amour qui lui fit traverser la rivière pour aller compter fleurette aux demoiselles délurées. Seul de son groupe de copains à savoir nager, il profita de l'aubaine pour jouer les charmeurs sans concurrence. Si cette fois-là, il s'en tira sans catastrophe, par la suite, tous ses élans du cœur le conduisirent, à son grand désespoir, dans des folies incontrôlables dont il n'est pas très fier. Ainsi va celui qui ne peut résister à ses pulsions.

L'amour encore l'a conduit à l'armée. Engagé trois ans par dépit amoureux, une rupture et une aventure qui ne lui ont pas laissé que de bons souvenirs. Georges est un sanguin, il part au quart de tour sur un projet, qu'importent les conséquences …

Il a encore joué les Rockers. Parolier et chanteur, il a expérimenté la scène Punk puis les projecteurs du Rock qui fait du bruit. Il a connu plusieurs groupes, de jolis succès d'estime et des années à cent à l'heure et un peu plus sur sa grosse Harley. Il a gardé cette allure inimitable des backers et c'est un drôle de lascar qui débarque sur notre Loire.

Puis il a travaillé tant bien que mal. J'ai le sentiment que notre personnage ne supportait guère les contraintes et les chefs. Il ne s'attarde du reste pas sur ses premières années. Le fils de l'institutrice n'a pas pu souffrir l'école et ses exigences pas plus qu'il ne devait se plaire dans la peau d'un employé jamais modèle. Il voulait sa liberté, c'est vers l'artisanat qu'il crut se tourner.

Il fit partie de ces hommes courageux et débrouillards qui pensèrent trouver dans le métier de louageur (chauffeur indépendant tenu par un contrat avec un transporteur), indépendance et aisance financière. Il signa sa future perte pour le seul profit de quelques négriers des temps modernes, gens respectables qui exploitent de pauvres bougres qui croient en ce mirage. Georges y a laissé ses économies, sa santé et presque sa vie.

La combine est extraordinaire et mérite d'être évoquée. La victime des margoulins achète la camionnette, paie l'assurance et l'essence. Le logo de l'esclavagiste est inscrit sur un véhicule qui ne lui a rien coûté. Belle escroquerie déjà mais qui n'est rien en comparaison de la suite. Le pauvre bougre travaille du matin 5 heures au soir à plus de 20 heures, il cumule les kilomètres sans se soucier des limitations et des règles en vigueur. Il a 70 clients à servir et malheur à lui s'il ne tient pas les délais, la sanction financière tombe immédiatement.

C'est incroyable que ce système puisse exister dans un pays civilisé. C'est une honte absolue, un déni total du respect de l'être humain. Georges a tout croqué, il a explosé en plein vol et un jour, c'est une bouteille de gaz qui a marqué la fin de cette folie. Il était dans le camion quand il a craqué une allumette. Le camion est parti en fumée et le bonhomme pour plus de six mois d'hôpital !

Il en sortit fracassé par l'aventure et il lui fallut du temps pour s'en remettre. C'est pourtant à ce moment qu'il réussit un concours pour entrer à la Poste. Le rêve de sa mère était exaucé ; le fils instable et explosif allait enfin se ranger et profiter d'un statut stable. La pauvre femme se trompait. Georges fit des miracles et de drôles d'éclats. Il s'imposa comme un postier à part, celui qu'il fallait laisser dans son coin organiser à sa manière, son poste de travail. Et ça a marché ! Il bouleversa les méthodes de travail, remplit des objectifs impossibles à tenir sans la plus petite reconnaissance …

Sa vengeance fut terrible. Il observa les travers de ce grand centre de tri, prit des notes sur des pratiques peu avouables et d'autres parfaitement illégales ! Celui qui lui refusa toute promotion gagna une paire de menottes et Georges se retrouva en longue maladie. C'est la Loire qui fit alors office de centre de soins. Il y passe le plus clair de son temps, s'isole sur la rivière pour digérer une mise sous tutelle qu'il n'accepte toujours pas !

Je ne sais pas tout des pérégrinations de ce drôle de citoyen. Il est une chose certaine, il connaît son petit bout de Loire comme personne, en sait chaque banc de sable, chaque caillou et tous ses animaux et leurs habitudes. Il a même franchi le pas et vient de s'offrir une belle plate de Loire du côté d'Angers. Il compte y installer une petite cabane pour pouvoir dormir sur le fleuve et oublier tous les tracas et les fâcheux.

Voilà ce que j'ai compris de ce parcours atypique, de ce flot de paroles. Georges était déjà reparti pour d'autres aventures, de nouvelles rencontres et toujours quelques coups de pagaie dans l'eau avant que d'avoir son bateau et son moteur. Un bien curieux ligérien mais un sacré personnage !

Respectueusement sien.

 


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11 réactions à cet article    


  • auguste auguste 14 septembre 2013 17:37

    @ C’est Nabum

    J’ai eu « mon Georges », dont le ne révèlerai pas grand chose.
    Pirate informatique, il n’avait pas son pareil pour plonger dans les tréfonds d’un disque dur pour en extraire des données confidentielles, façon paradoxale de se mettre à l’abri tout en s’exposant aux pires représailles.

    Je lui dois toutes mes connaissances en la matière et il me suffit d’ouvrir une unité centrale pour penser à lui, à sa faculté de travailler complètement bourré et aux petites bavures que j’ai dû réparer.

    Vous l’avez sans doute compris, Georges n’est plus de ce monde.
    Question parcours de vie, les qualificatifs me manquent pour raconter l’histoire d’un colosse au cœur en piteux état, dont la greffe a échoué.

    Ancien commando, puis ingénieur, polygame par omission, videur dans les boites de nuit, chef cuisinier, interdit bancaire, présumé sans ressources, traqué par les huissiers, j’ai vécu l’enfer pour mettre un peu d’ordre dans sa fin de vie.

    Il est parti dignement, le sourire aux lèvres.

    Fier de m’avoir grillé la politesse.

     


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 septembre 2013 17:52

      Auguste


      Quel beau portrait !
      Que j’auruais aimé le brosser à ma manière si j’avais eu le bonheur de le croiser

      Merci pour ce partage qui va continuer sa route

    • auguste auguste 15 septembre 2013 17:33

      @ C’est Nabum

      Loin de moi l’idée de mettre vos compétences en doute, le vous sais patient, pédagogue, courageux et persuasif.

      Je connais aussi votre aversion des formulaires en tous genres, déclaration de revenus comprise.
      Essayez de visualiser un escalier de 20 marches entièrement nivelé par des milliers de lettres qui n’avaient pas été ouvertes (je sens votre bonheur fondre comme neige au soleil).
      J’en suis venu à bout, non sans mal et après maintes nuits blanches.

      Selon les jours, croiser Georges pouvait être un bonheur ou une malédiction.
      Sans doute me suis-je mal exprimé, mais je ne l’ai pas simplement croisé.

      Comme il se plaisait à le dire, j’ai régenté sa vie, mis un téléphone mobile à sa disposition, fait toutes les démarches administratives pour qu’il bénéficie de l’AAH,et j’en passe...

      Se sachant perdu, il voulait mettre fin à ses jours avec un Colt 45 et ce fut pas une mince affaire de l’en dissuader sans affrontement violent pour lui arracher l’arme.
      Tu peux mourir plus proprement, lui dis-je, et il me rétorqua :
      Toi qui sais tout faire proprement, tue-moi donc.

      Le reste est confidentiel et j’ai la conscience tranquille.

      Alors, maintenant que vous en savez davantage, êtes-vous toujours preneur de mon Georges ?

      En bon samaritain, j’en ai aidé bien d’autres, secondé par mon épouse.

      Allez savoir pourquoi, j’ai la certitude d’être suivi par des corbillards.

      Funèbrement vôtre.


      • C'est Nabum C’est Nabum 15 septembre 2013 18:05

        Auguste


        Nul n’avait l’intention de rmettre en cause la sincérité de votre premier témoignage et surtout pas moi. Qu’en aux conseils, bien avisé celui qui en ce domaine n’en donne pas ! 

      • Prudence Gayant Prudence Gayant 15 septembre 2013 18:00

        J’ai peut-être passé une journée avec Georges sur la Loire mais je ne m’en souviens vraiment plus !

        Après l’alcool, le misérabilisme.
        Vivement un petit rayon de soleil à la Toussaint pour remonter le moral.


        • C'est Nabum C’est Nabum 15 septembre 2013 18:05

          Prudence


          Je vous trouve très sévère ! 

        • Prudence Gayant Prudence Gayant 16 septembre 2013 22:30

          Sévère je dois l’être puisque c’est la seconde fois que vous me l’écrivez.

          Je compatis toujours aux malheurs des uns et des autres, mais je préfère positiver, on ne sait jamais cela peut servir.


        • C'est Nabum C’est Nabum 17 septembre 2013 06:48

          Prudence


          Optimiste ! Vius en avez de la chance, je n’ai jamais pu partager cette belle qualité ! 

        • Georges 25 septembre 2013 21:13

          Non Madame ....Je peux vous affirmer que vous n’avez pas encore passé une journée avec moi cependant si le petit rayon de Soleil de la Toussaint vous mets en appétit je vous invite des ce jour à passer un moment inoubliable .  smiley


        • Prudence Gayant Prudence Gayant 17 septembre 2013 16:34

          J’ai écrit positiver et non pas optimiste, ce qui n’est pas pareil.

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