Il danse avec les cétacés

Loin des requins …
Il y a des situations étranges, des rencontres improbables qui se déroulent parfois dans de curieux carambolages de l’histoire. J’étais sur la plage de Boucan-Canot dans les minutes qui ont précédé l’attaque d’un surfeur par un requin. Le drapeau d’alerte était hissé ; je n’avais pu me baigner. L’océan était vide, à l’exception de quelques surfeurs qui bravaient l’interdit. Puis ce fut la ronde des sirènes qui annonçaient le drame …
Je n’en vis rien et n’en suis pas fâché. J’ai découvert à quel point les Réunionnais étaient tous traumatisés par ces attaques à répétition qui nuisent fortement au tourisme et à la vie sur l’île. J’imagine aisément l’effroi que représente cette vision d’horreur : un jeune homme sportif, bronzé, en pleine possession de son corps qui, soudainement, se voit croquer par un carnassier sous-marin. L’océan qui se couvre de sang, la foule qui crie, les peurs les plus ataviques qui ressurgissent du fond des âges …
Je partais étrangement à la rencontre de Manu : le plongeur qui brave la peur, l’homme qui danse avec les dauphins et les baleines. Ce quadragénaire, né à Versailles, grandi en Corse, a posé ses bouteilles de plongée pour venir à la rencontre des cétacés à La Réunion avec palmes, masque et tuba. Son approche est remarquablement pensée. Il se fonde même sur les travaux d’une docteure en éthologie des dauphins pour appréhender au plus près leurs comportements.
Il a la passion chevillée au cœur. Il parle et je bois ses paroles. Manu a cessé de penser la plongée comme l’intrusion de l’homme dans le milieu marin. Depuis ce jour magnifique où un jeune baleineau est venu se caresser à lui alors qu’il était immobile, de crainte de l’effrayer, il a compris que pour gagner la confiance des dauphins et des baleines, il faut se considérer comme de simples invités dans une maison qui n’est pas la vôtre.
Alors, Manu fait flotter ses clients sur la pointe des palmes. Masque et tuba suffisent pour admirer un spectacle extraordinaire lors de neuf sorties sur dix. Pour les malchanceux, il propose alors une visite de la barrière de corail avec ses poissons bariolés. Mais attention : la sortie se mérite :Manu exige une éthique absolue et la stricte observance de ses consignes. Son approche, qu’il prétend inscrite dans la logique du développement durable, ne permet aucune entorse à ses directives.
La récompense est à la hauteur. « Quand un dauphin vient vous offrir un poisson après lui avoir retiré la tête, c’est un moment d’une rare émotion. Je ne sais quel est le sens exact de ce message mais j’ai le sentiment qu’il m’a reconnu comme un visiteur pacifique et bienveillant. J’en demeure émerveillé tout en étant renforcé dans mes convictions et les principes que je défends pour une plongée jamais intrusive ! »
Alors, je lui pose la question inévitable sur les requins, sans savoir qu’à quelques kilomètres de là, un jeune garçon de 21 ans lutte, entre la vie et la mort, démembré par un requin bouledogue. Manu s’emporte un peu ; il affirme n’avoir jamais été inquiété par le moindre requin en près de dix ans de plongée. Il m’explique alors que le requin s’en prend toujours aux surfeurs et plus rarement aux nageurs isolés. Il est pleutre, un groupe l’effraie et si, de plus, ce groupe ne se montre pas agressif, le requin passera son chemin.
Je sens une conviction à toute épreuve chez ce garçon qui me sort alors son téléphone pour me montrer des vidéos. Il filme chaque plongée. Il en tire des images paisibles. Il y a manifestement osmose entre le plongeur et ses amis les grands mammifères marins. Manu est l’homme qui danse avec les cétacés et qui invite quelques privilégiés à partager ce ballet nautique.
Sa compagne, Soizic est restée silencieuse jusque-là. Pourtant, la belle n’est pas en reste. Ingénieur, spécialiste des risques sismiques et hydrauliques pour les constructions, elle est venue le rejoindre il y a six ans. C’est une scientifique qui s’inscrit pleinement dans la démarche de son compagnon. Ils s’inquiètent tous deux des pollutions, notamment de celle due à l’usage excessif des crèmes solaires chimiques qui agressent et corrompent la barrière de corail. Pour eux, il est indispensable et citoyen d'user de crèmes minérales qui n’occasionnent pas la turbidité de l’eau.
La boucle est bouclée ; c’est en eau trouble que le requin attaque. Moins de travaux gigantesques dans la mer, moins de pollution et plus de raison, et les risques des dents de la mer se réduiraient comme neige au soleil. Ajoutez à cela une plus grande connaissance du milieu et le respect des consignes de sécurité et tout irait un peu mieux sur cette île paradisiaque. Si vous voulez en savoir plus, allez donc sur le site de nos amis : http://www.duocean.com/
Aidantdel’amertumement leur.
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