Ils nous ont menés en bateau
Histoire d'un naufrage financier
Le canal lacrymal.
Mon Dieu, qu'il en a fait couler d'encre ce bon vieux canal d'Orléans, né sous une mauvaise étoile, construit pour que la ville continue d'exister au XVII° siècle avec, à la clef, une belle entourloupe de la part de notre bon duc d'Orléans ! Je vous invite à relire ce récit : il démontre à l'évidence que les mœurs politiques ne changent guère au gré des époques.
Puis le canal d'Orléans connut son heure de gloire. Il permettait d'alimenter tout autant qu'abreuver une capitale qui ne cessait de grandir. C'était une époque où les hommes avaient la sagesse d'utiliser les voies d'eau tout en prenant leur temps pour aller d'un point à un autre. Le bilan carbone de nos flûtes berrichonnes étaient on ne peut plus satisfaisant.
Puis le train et plus tard le camion supplantèrent nos péniches, devenues encombrantes et inutiles carcasses croupissant dans un canal qui n'avait que ses yeux pour pleurer sa gloire d'antan. Il fut fermé en 1954, abandonné, délaissé, négligé. Pauvre espace de quiétude et de beauté, condamné à n'être plus rien qu'une belle promenade pour ceux qui vont à pied.
Du côté de celle qui se prétend capitale ligérienne, le canal qui aboutissait en Loire du côté du Châtelet sembla bien vite une bouche inutile qu'il convenait de fermer. On le boucha ; il fallait exploiter au mieux cet espace en bord de Loire, y faire des parkings pour la reine automobile, une piscine pour ces citadins qui ne voulaient plus se baigner en Loire. Nous étions dans les années 1960 ; tout était permis à qui se pensait résolument moderne.
Le problème avec le modernisme c'est qu'il ne dure jamais très longtemps. Une quarantaine d'années plus tard, un maire qui rêvait en grand voulut recreuser le canal. Il pensait modernité de l'époque, tourisme fluvial, grands travaux et prestige. Seuls les grands hommes dans l'histoire ont creusé des canaux ; notre bon Serge n'allait pas faire exception à la règle. Il se rêvait Nasser, il ne fut que Charlemagne : celui des fosses carolines qui tombèrent à l'eau ….
Il faut dire qu'il n'eut guère de chance dans sa noble entreprise. C'est assez ballot mais recreuser un petit bout de canal et oublier de le rendre étanche, c'est faire preuve de négligence et de peu d'esprit d'à-propos. Les fuites furent responsables de bien des débordements financiers : le canal du maire fut un gouffre et le demeure encore aujourd'hui, même s'il flatte l'œil et permet à un ambassadeur de briller quelquefois.
Dans son malheur, notre bon maire fut fort mal épaulé. Ses amis de l'agglomération et du Conseil Général (car c'est ainsi que se nommait alors le Conseil départemental) lui promirent monts merveilleux et vaux magnifiques. Orléans n'allait pas tarder à être reliée à la France et à l'Europe des canaux. Une convention était signée ; des sommes furent englouties pour remettre en état des écluses que la négligence des mêmes ou de leurs prédécesseurs avaient laissé se dégrader.
Le chantier profita sans doute à quelques amis, l'argent fut dépensé ; le canal demeure un bel endormi. Pourtant une capitainerie donne l'illusion qu'il y a de l'activité dans le port. C'est de la poudre aux yeux : une danseuse payée par le contribuable. Le canal ne mène nulle part ou bien dans l'impasse d'une politique incohérente et fastueuse qui n'a plus les moyens de ses phantasmes.
Alors, une fois encore, le canal va être mis en chômage. Les crédits sont gelés, les fonds ne sont plus disponibles et les derniers bateaux touchent le fond. Le canal entre Orléans et Combleux, ce bel inutile qui ne conduit nulle part, va continuer de se faire cloaque, espace offert aux algues, aux détritus et à la négligence des promeneurs.
Plus un sou, a décidé le Conseil départemental, pour le rêve d'un pharaon redevenu simple conseiller. Les moustiques vont élire domicile en cette belle zone humide artificielle qui bientôt fera le bonheur des touristes climatiques. Orléans première cité tropicale d'Europe continentale, ses caqueziaux, sa vase, son cloaque à l'eau saumâtre. Je voulais me moquer de nos hommes politiques locaux ; je découvre avec étonnement qu'il n'en faut rien faire. Ce sont des visionnaires !
Admirativement leur.
Photographies de l'ami Georges
Merci à lui
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