Journaliste participatif ?
Pas possible !
Une appellation usurpée.
Un jeune étudiant a souhaité me rencontrer pour mener à bien un travail universitaire à propos des journalistes participatifs de la toile. Me voilà donc affublé d'un titre qui me surprend tout autant qu'il me met mal à l'aise. Je l'écoute amusé, il prétend que je suis une référence, que mon pseudonyme apparaît en de multiples occasions lors de ses recherches.
J'avoue ne pas donner foi à cette promotion. Je pense faire tout autre chose à travers ces billets quotidiens qui n'ont vraiment aucun rapport avec ce qu'on peut trouver dans un journal. Je crois bien plus qu'il s'agit d'une divagation personnelle, proposée à la curiosité de quelques lecteurs, soucieux de partager mes réflexions, mes expériences et mes fantaisies.
D'ailleurs, pour bien montrer à mon interlocuteur la dimension vagabonde de votre serviteur, je le reçois sur « La Sterne » le bateau à passagers de l'association « Cigale et Grillon ». Nous voguons sur notre Loire, le fil rouge de mes chroniques, le théâtre de mes fables. Nous sommes bien loin de la Gazette Ligérienne et je pense qu'il comprend mieux son erreur.
Quelle drôle d'idée de vouloir me comparer à un journaliste ! Je n'ai pas à servir un maître ni à respecter une ligne éditoriale. Je peux, sans honte, me contredire moi-même et n'ai nul besoin de rendre des comptes à un rédacteur en chef sourcilleux. Je suis libre de mon format et de la longueur de mes textes. Dans un journal, combien de fois aurais-je eu droit à la serpe et parfois au pilon ?
Journaliste moi ? J'ai si souvent de mauvais rapports avec eux, que la comparaison pourrait me mettre mal avec moi-même. Tout pouvoir me donne de l'urticaire , des démangeaisons violentes et irrépressibles. Le cinquième comme tous les autres, et je ne me vois pas accepter le carcan d'une profession qui ne trouve que rarement grâce à mes yeux.
Et puis, je m'émancipe bien trop de l'exactitude, de la véracité supposée pour mériter de cette activité. Je suis Bonimenteur, terme qui à lui seul, m'exonère de toute fidélité, de tout scrupule. A ce titre, si je ne suis guère différent de ces messieurs, surtout dans notre presse régionale, je ne me leurre pas sur mon rôle : je suis un amuseur, un bouffon quand eux ne sont que des pantins pathétiques.
Quant à ce terme de participatif, il me gratte aux entournures. Je ne participe à rien de bien tangible. En marge des mouvements syndicaux, politiques ou pédagogiques, j'avance sans étiquette, m'autorisant des piques de chaque côté de l'échiquier, égratignant les uns comme les autres. Il se peut que ce soit lâcheté de ma part comme on me le reproche parfois ; il se peut tout autant que ce soit une marque d'indépendance qui se refuse à toute aliénation. Je ne roule pour personne ; même pas pour moi-même.
Alors, voilà ce que j'aurais pu dire à Nicolas et à son père qui l'accompagnait . J'ai préféré leur parler de la Loire, leur expliquer sa magie, sa beauté, la fascination que nous avons pour cette rivière sauvage et rebelle. Il y avait sur le bateau d'autres fondus de la belle dame : des photographes qui n'ont de cesse de la regarder avec des yeux énamourés, ceux-là même à qui je dérobe bien souvent des clichés pour illustrer mes billets.
Voilà la seule participation à laquelle je consens, à laquelle nous consentons. Nous qui nous donnons la main pour mettre en lumière notre passion, nous qui n'avons d'autre parti que celui de la belle dame Liger. Nicolas s'en est allé sans avoir pris de notes. Il avait dans la gibecière de sa mémoire des impressions et des sensations de Loire ;voilà bien l'essentiel de mon message. Qu'il sache retranscrire cela pour son travail est le plus cher de mes désirs.
D'autres sur le bateau ont pris sa suite. Une fois encore, le récit a suivi le cours de la rivière. Au groupe suivant, curieux d' histoire, nous avons proposé un voyage de l'Antiquité à la révolution industrielle. Les mots étaient accompagnés d'images vivantes ; force exclamations et intrusions magnifiques entrecoupaient le récit ; un héron qui pose sur le mur du canal, l'envol d'un canard, la hutte du castor, les difficultés de navigation dues à l'étiage particulièrement précoce cette année …
Nos voyageurs écoutaient, s'exclamaient, interrogeaient. En retenant leur souffle, ils prenaient des photographies, s'émouvaient,s 'émerveillaient Pensez-vous vraiment qu'un journaliste, fût-il participatif, leur aurait offert toute cette gamme d'actions et d'émotions ? Quant à Nicolas , sa découverte de Combleux puis du Musée de la Marine de Châteauneuf, aurait-elle été si riche et si complète avec un vrai journaliste ?
Journalistiquement sien
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