La démission de Jésus
Un fait écarté par l’Eglise est le désir de démission de Jésus, exprimé dans quelques évangiles, mis à l’index, de ce fait. Cependant, la curie romaine ne l’ignore pas et cette démission, tue à l’ensemble de la Chrétienté depuis des siècles, légitime la possibilité de démissionner pour un Pape. Sans quoi, ce dernier paraîtrait un PDG comme les autres, ce qui pousserait l’Eglise à être une entreprise et la foi à être une appartenance, ou une consommation comme une autre.
Ce que l’on ignore le plus souvent, c’est que des évangiles ne sont pas que quatre et qu’ils n’ont pas été écrits par les apôtres dont ils portent le nom. Ils ont été écrits par les communautés évangélisés par l’apôtre dont ils portent le nom, plusieurs générations parfois après la mort de cet évangéliste. La distorsion peut-être donc grande. Jésus n’ayant rien écrit, ces communautés se sont souciées, l’événement initial s’éloignant, de prendre trace de l’enseignement reçu et de la foi qui leur en naissait.
Il y eut donc plusieurs centaines d’évangiles.
Avec l’arrivée de l’Islam, la concurrence entre le judaïsme et le christianisme se compliqua. L’Eglise voulut s’administrer par des liens plus forts, inspirés des administrations étatiques connues et qui avaient bien fonctionné, l’Empire romain en étant un modèle magnifique. Ainsi, elle établit l’authenticité religieuse de quatre évangiles, laissant les autres à un caractère apocryphe. Ces quatre évangiles correspondent aussi à la division administrative de l’Empire romain en quatre grandes régions : Antioche (Matthieu), la Grèce (Jean), la Palestine (Luc) et Rome (Marc) et pas du tout à quelque chose concernant Jésus lui-même. Il y a donc le choix de quatre évangiles (et seulement quatre comme le croient la plus part des Chrétiens et des non-Chrétiens), un choix politique de donner un peu à tous pour favoriser l’implantation du christianisme. Cela a bien marché et a des conséquences encore, inutiles.
Car, dans les évangiles écartés, il y en a trois qui font état de la démission de Jésus, après la Cène et avant son arrestation par les Romains au jardin des Oliviers. Jésus aurait disparu sans laisser aucune trace, ce qui, à l’époque, était évidemment assez facile à faire. Jésus aurait prononcé un mot que l’on peut traduire par démission : ne pas accomplir sa mission, car elle est trop lourde et trop effrayante. Un de ces évangiles établit que tout le reste a été bâti, comme un texte, par les apôtres, qui après avoir longuement hésités, se sont sentis capables de partir évangéliser partout après la Pentecôte, la Pentecôte étant un empowerment, pour employer un mot à la mode.
L’autre évangile remplace Jésus par Judas, qui subit son martyr, sans jamais faire état auprès des autorités romaines de cette substitution. La supercherie est connue des seuls apôtres donc.
Du point de vue de la continuation de la foi, cette version n’est pas plus acceptable que la précédente, où le fondement de la foi, la résurrection, est inventée. D’autant plus qu’il existe dans les évangiles apocryphes un évangile de Judas qui raconte longuement le travail de séduction que Jésus fait auprès de son meilleur ami, Judas, pour qu’il endosse le rôle du traitre, nécessaire à l’accomplissement de sa mission. L’essentiel de l’argumentation de Jésus tourne autour de : « si c’est pas mon meilleur ami qui le fait, qui le fera ? »
Ce qui n’a pas empêché l’Eglise de considérer qu’une des sources de l’antisémitisme résidait dans le fait que les Juifs avaient condamné à mort Jésus. Alors que la mort de Jésus était nécessaire à sa résurrection et donc, à la modification fondamentale du Judaïsme qui était sa mission, et que cette mission a failli échouer devant la légitime résistance de Judas.
On peut évidemment rajouter que cette mission a de toute façon largement échoué, puisque le judaïsme est resté assez semblable et que le christianisme est devenu une nouvelle religion, essaimant dans le territoire de l’Empire romain. Cf. le choix de quatre évangiles canoniques, correspondants aux quatre divisions administratives de cet Empire.
Le troisième évangile apocryphe évoque la démission de Jésus devant l’insistance du refus de Judas à trahir. Ce troisième évangile est assez confus. On ne comprend pas bien la fin de l’histoire :
ou bien Jésus s’enfuyant est rattrapé par les apôtres, après une course-poursuite digne des meilleurs thrillers, qui passe par la Grèce, la Sicile… et finit par obtenir l’accord de Judas ;
ou bien, il n’est pas rattrapé malgré l’énergie folle des apôtres et Judas s’y colle, une scène assez incroyable a lieu au pied de la croix, dans laquelle Jésus passe un savon à Judas, qui par son esprit compliqué et torturé a tout fait rater ;
ou bien Judas s’enfuit, Jésus le dénonce aux Romains, qui le ramènent, après quoi, quand il va dénoncer Jésus, c’est lui qui se retrouve en garde à vue, d’où il s’échappe en creusant une galerie… il propose à Jésus de faire le chemin inverse, ce que ce dernier accepte avec joie, à ceci près que, lorsqu’ils y retournent, la sortie de la galerie est gardée… etc.
Les différentes hypothèses sur cette fin de la vie de Jésus s’entremêlent et se contredisent et ce troisième évangile apocryphe faisant état d’une démission de Jésus est inutilisable.
On entendra un peu parler des précédentes démissions papales. Elles valident aussi la possibilité théologique de cette démission.
Cependant, à la source de cette validité théologique, il y a des évangiles apocryphes, dont on peut se demander comment ils servent de justification, même tue ou tacite, à du droit canon. Autrement dit, il serait peut-être temps de revoir l’accréditation des évangiles et de donner une place honorable à ces évangiles de la démission (appelons-les comme ça pour l’instant).
Il ne faut pas oublier, bien sûr, que si Jésus avait réellement démissionné, ou il ne se serait rien passé ou tout serait affabulé.
On peut en effet penser que cette résolution papale à quitter la fonction avant la mort risque de se reproduire, rien ne permettant dans les évangiles d’imaginer une élection du pape pour un mandat limité dans le temps, comme un vulgaire chef d’Etat, bien que cela soit une solution excellente devant l’accélération du monde. Rien hormis les textes écartés des évangiles « de la démission », textes qui autorisent Dieu à être en retard dans le don de la mort, sans perdre ses caractéristiques de toute-puissance et de bonté, et qui autorisent, donc, à donner par avance une dead-line, si j’ose dire, au pontificat.
On pourrait aussi élire des papes plus jeunes, voire franchement jeunes. Peut-être faire élire le Pape par tous les Chrétiens, nos moyens techniques nous le permettent, après programme et campagne, cela va de soi. Au moins un système de primaires. Bref, un aggiornamento semble nécessaire de nouveau pour être vraiment moderne. Une chance à ne pas laisser passer.
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