La miction impossible

Nous ne prenons pas nos vessies pour des lanternes.
Est-ce parce que je traverse une phase personnelle qui me conduit à focaliser mon attention sur la miction que j’en viens à inonder la toile de mes analyses d’urine ? C’est possible ! J’avoue pourtant qu’à maintes reprises, constatant une lente et inexorable dégradation du mobilier public et néanmoins sanitaire dans notre pays, j'ai été préoccupé par ce sujet . Il n’est qu’à voir le nombre de pieds de lampadaire souillés à hauteur d’homme pour constater que beaucoup n’ont pas trouvé édicule à leur envie.
Je fais partie de cette génération glorieuse qui a connu les vespasiennes : ces hauts lieux de la culture graphique et des messages douteux. Néanmoins, l’ardoise était magique pour soulager une envie pressante même si, pour les femmes, l’aventure était beaucoup plus délicate. Progressivement, ces lieux ont choqué, tant par les odeurs nauséabondes qu’ils dégageaient que par les transgressions aux bonnes mœurs qui pouvaient s’y dérouler.
La solution de simplicité est toujours celle que choisissent nos responsables dès qu’il s’agit des éléments qui concernent le confort du citoyen. Ils ont fermé ces hauts lieux de la dépravation sans en proposer d’autres pour la satisfaction d’un besoin naturel. Ils n’ont rien trouvé de mieux que de donner l’eau de bébé et les défécations du quidam à la seule responsabilité des cafetiers limonadiers sous le prétexte fallacieux que cela faisait partie de leur service après vente …
La profession s’est vite lassée de ces va-et-vient incessants de personnes qui pouvaient consommer autrement qu’au comptoir. Ils ne voulurent pas fermer les yeux et décidèrent de couper le robinet. Seul le client-ce qui est parfaitement légitime-peut vider son courroux dans l’établissement. Ceux qui ont la bourse vide n’ont qu’à trouver ruelle discrète pour passer à l’action.
C’était sans compter sur la salubrité publique qui veillait au grain. Le pandore pourchassa la braguette ouverte et plus rarement le pantalon mis à bas. L’amende était au rendez-vous de l’envie irrépressible sans que puisse être dénoncée la carence publique en la matière. Il fallut alors faire allégeance aux sanisettes privées et payantes que nos chantres du libéralisme n’hésitèrent pas à installer dans nos cités en dépit d’une esthétique plus que discutable.
En forme de suppositoire, les affreux édifices réclamaient des pièces dans la fente avant que de permettre la vidange salutaire. En prime, ils imposèrent des publicités toujours plus à la gloire du consumérisme galopant. Nous avons échappé de justesse au papier toilette publicitaire. Nous devrions en être soulagés ! Pour montrer que le modernisme était passé par là et justifiait la ponction financière, une machinerie complexe et gloutonne lavait le tout dans une débauche d’eau et de produits chimiques.
Dans un autre espace public, les toilettes brillèrent par leur incurie. Dans nos écoles les maîtres d’œuvre établirent des cloaques collectifs, véritables zones de non-droit, espaces où règnent les caïds et la pression collective. Combien d’enfants renoncèrent et renoncent encore à fréquenter ces endroits, préférant la rétention à l’humiliation ? Il n’y a jamais eu de véritable réflexion sur le sujet, comme si uriner et déféquer échappaient aux besoins naturels.
Ce sont évidement des sujets trop scabreux pour nos dignes représentants qui ont une idée plus élevée de leur rôle. La satisfaction des besoins organiques n’étant, semble-t-il, pas de leur ressort, eux qui sont si bien sur leurs trônes républicains. En attendant, toilettes publiques et bains- douches sont des services qui tendent à disparaître dans une société de l’hyper-individualisme. Les gens à la rue, les « chemineux », les touristes n’ont qu’à se retenir. La France n’est pas un pays de miction.
Voilà ce que je tenais à écrire. Ce texte risque de déplaire. Qu’importe, je tenais à vous mettre au parfum et pour bien enfoncer le clou, je l’ai rédigé de ma chaise percée. L’écrire m’a permis de me soulager et c’est bien là l’essentiel.
Urologuement vôtre.
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