La nicotine, aphrodisiaque virtuel

La tabacologue m’avait pourtant mis la puce à l’oreille, mais je n’avais pas tiqué. Cela paraissait évident : puisque je ne fumais pas en dormant, mon organisme ne serait pas en manque. Pour les rêves, j’ai juste pensé que la nicotine pourrait perturber mon sommeil. Brave bête obéissante, j’ôtais donc mon patch en me couchant... jusqu’à ce que, un jour, j’oublie. Je n’avais plus, depuis longtemps, fait de rêve érotique.

Au réveil, j’ai voulu comprendre. Le médecin de service du fabricant des patchs m’a répondu que je n’étais pas du tout un cas exceptionnel, qu’il n’y avait qu’à apprécier sans s’inquiéter. Comme il était un peu compliqué d’expliquer le pourquoi du comment au téléphone, j’avais tout intérêt à lire le dossier de Science et Vie sur la drogue et le cerveau (Hors série N° 217), ce que j’ai fait.

Il en ressort que côté plaisir, la nicotine actionne les mêmes mécanismes que ceux observés lors de la consommation de nourriture ou pendant l’acte sexuel. Techniquement, la nicotine agit à différents niveaux dans l’organisme. Dans le cerveau, et par dopamine interposée, elle touche, entre autres, aux centres du plaisir - aire tegmentale centrale et noyau accumbens.

Que s’est-il donc passé pour que m’arrive la délicieuse surprise ? Si je fume une cigarette, mon cerveau comprend que le plaisir qu’il ressent est lié à mon action. Quand je dors, en revanche, il est incapable d’associer l’effet à un contexte donné. Alors il interprète : Mes centres de plaisir sont stimulés ? Voyons ce que j’ai comme référence pour expliquer ça. Et hop.

A priori, l’expérience pourrait aussi concerner les non-fumeurs. Ainsi, quand il n’y aura plus d’ex-fumeur pour acheter leur produit, qu’on en aura fini avec la diabolisation du tabac, les fabricants pourront enfin changer l’indication des patchs... et en vendre à tout le monde.